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Si vraiment c'est possible, elle veut un sexe! Après tout, il est injuste que, simplement par le hasard de leur naissance, certaines aient tout et d'autres rien. La vieille exploratrice rousse dresse ses antennes et les tourne en direction du grand chêne.

Demeure pourtant un problème de taille: le grand chêne se dresse fort loin d'ici et, pour le rejoindre, il faut traverser la grande zone aride des territoires septentrionaux, celle qu'on appelle le désert sec et blanc.

37. PREMIER COUP D'ŒIL SUR LA PYRAMIDE MYSTÉRIEUSE

Partout des arbres humides et de la verdure.

Le commissaire Maximilien Linart se dirigeait à pas prudents vers la mystérieuse pyramide de la forêt.

Il avait aperçu un serpent curieusement recouvert de piques de hérisson mais il savait que la forêt recelait toutes sortes de bizarreries. Le policier n'aimait pas la forêt. C'était pour lui un milieu hostile, infesté d'animaux rampants, volants, grouillants et visqueux.

La forêt était le lieu de tous les sortilèges et de tous les maléfices. Jadis, les voyageurs y étaient détroussés par des brigands. Les sorcières s'y terraient pour se livrer à leurs pratiques ésotériques. La plupart des mouvements révolutionnaires y organisaient leurs guérillas. Déjà, Robin des Bois s'en était servi pour mener la vie dure au shérif de Sherwood.

Quand il était plus jeune, Maximilien avait rêvé de voir la forêt disparaître. Tous ces serpents, tous ces moustiques, toutes ces mouches et ces araignées n'avaient que depuis trop longtemps nargué l'homme. Il rêvait d'un monde bétonné où il n'y aurait plus la moindre once de jungle. Rien que des dalles à perte de vue. Ce serait plus hygiénique. En outre, cela permettrait de circuler en patins à roulettes sur de grandes distances.

Pour passer inaperçu, Maximilien s'était habillé en promeneur.

«Le vrai camouflage n'est pas celui qui copie le paysage mais celui qui s'intègre naturellement au paysage.» Il l'avait toujours enseigné aux jeunes recrues de l'école de police: dans le désert on remarque plus facilement un homme en tenue couleur sable qu'un chameau.

Enfin, il repéra le bâtiment suspect.

Maximilien Linart sortit ses jumelles et observa la pyramide.

Le reflet des arbres se multipliant sur les grandes plaques de miroir camouflait le bâtiment au premier regard. Mais un détail pourtant trahissait le lieu. Il y avait deux soleils. Un de trop.

Il s'avança.

Le miroir était un excellent choix de revêtement. C'est à l'aide de miroirs que les prestidigitateurs font disparaître des filles dans des malles transpercées de sabres acérés. Simple effet d'optique.

Il sortit son calepin et nota soigneusement:

1) Enquête sur la pyramide de la forêt,

a) Observation à distance.

Il relut ce qu'il avait écrit et s'empressa de déchirer le feuillet. Il ne s'agissait pas d'une pyramide mais d'un tétraèdre. La pyramide a quatre flancs, plus celui de la surface au sol. Soit en tout cinq côtés. Le tétraèdre a trois flancs plus la surface au sol. Soit en tout quatre côtés. Quatre se dit tétra en grec.

Il rectifia donc:

1) Enquête sur le tétraèdre de la forêt.

L'une des grandes forces de Maximilien Linart était justement sa capacité de désigner précisément ce qu'il voyait et non ce que l'on croyait voir. Ce don d'«objectivité» lui avait déjà évité nombre d'erreurs.

L'étude du dessin avait renforcé chez lui cette aptitude. Quand on dessine, si l'on voit une route, on pense à une route et on est tenté de tracer deux traits parallèles. Mais si on retrace «objectivement» ce qu'on voit, la perspec tive fait que de face, une route se représente par un triangle, ses deux bords servant de lignes de fuite et se rejoignant au fond, à l'horizon.

Maximilien Linart rajusta ses jumelles et se remit à examiner la pyramide. Il s'étonna. Même lui se laissait obséder par le terme «pyramide». Il était vrai que «Pyramide» avait une connotation énigmatique et sacrée. Il déchira donc le feuillet. Pour une fois, il ferait exception à son souci de parfaite exactitude.

1) Enquête sur la pyramide de la forêt.

a) Observation à distance.

– Édifice assez haut. Environ trois mètres. Camouflé par des arbustes et des arbres.

Le croquis achevé, le policier se rapprocha. Il était à peine à quelques mètres de la pyramide quand il repéra dans la terre meuble des traces de pas humains et de pattes de chien sans doute laissées par Gaston Pinson et son setter irlandais. Il les dessina elles aussi.

Maximilien contourna l'édifice. Pas de porte, pas de fenêtre, pas de cheminée, pas de boîte aux lettres. Rien qui évoquât une habitation humaine. Seulement du béton recouvert de miroirs et une pointe translucide.

Il recula de cinq pas et observa longuement la construction. Ses proportions et sa forme étaient harmonieuses. Quel que soit l'architecte qui avait érigé cette étrange pyramide en pleine forêt, il avait abouti à une perfection architecturale.

38. ENCYCLOPÉDIE

NOMBRE D'OR: Le nombre d'or est un rapport précis grâce auquel on peut construire, peindre, sculpter en enrichissant son œuvre d'une force cachée. À partir de ce nombre ont été construits la pyramide de Chéops, le temple de Salomon, le Parthénon et la plupart des églises romanes. Beaucoup de tableaux de la Renaissance respectent eux aussi cette proportion.

On prétend que tout ce qui est bâti sans respecter quelque part cette proportion finit par s'effondrer. On calcule ce nombre d'or de la manière suivante:

La Révolution des fourmis - pic_2.jpg

Soit 1,6180335.

Tel est le secret millénaire. Ce nombre n'est pas qu'un pur produit de l'imagination humaine. Il se vérifie aussi dans la nature. C'est, par exemple, le rapport d'écartement entre les feuilles des arbres afin d'éviter que, mutuellement, elles ne se fassent de l'ombre. C'est aussi le nombre qui définit l'emplacement du nombril par rapport à l'ensemble du corps humain.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.

39. SORTIE DE L'ECOLE

Le lycée était un bâtiment parfaitement carré.

Ses trois ailes de béton en U se fermaient sur une haute grille métallique traitée à l'antirouille.

«Un lycée carré afin de former des têtes carrées.»

Elle espérait que les flammes lécheraient bientôt les murs de cet établissement qui ressemblait pour elle à une prison, à une caserne, à un hospice, à un hôpital, à un asile d'aliénés, bref, à l'un de ces endroits carrés où l'on isole les gens qu'on veut voir le moins possible traîner dans les rues.

La jeune fille guettait la fumée qui s'échappait, épaisse, du côté des poubelles. Le concierge surgit bientôt, armé d'un extincteur, et noya le début de sinistre dans un nuage de neige carbonique.

Pas facile de s'attaquer au monde.

Elle marcha dans la ville. Tout, autour d'elle, remuglait la pourriture. En raison de la grève des éboueurs, les rues étaient pleines de poubelles débordant des détritus classiques des humains: petits sacs bleus éventrés remplis d'aliments en putréfaction, de papiers sales, de mouchoirs collants…

Julie se boucha les narines. Elle eut l'impression d'être suivie en s'avançant dans la zone pavillonnaire, déserte à cette heure-ci. Elle se retourna, ne vit rien et poursuivit son chemin. Mais, comme l'impression se faisait plus forte, elle jeta un coup d'œil dans le rétroviseur d'une voiture garée au bord du trottoir et constata qu'en effet elle ne s'était pas trompée. Il y avait trois types, là-bas, derrière elle. Julie les reconnut. C'étaient des élèves de sa classe, tous membres de la caste du premier rang, avec à leur tête Gonzague Dupeyron, toujours en chemise et foulard de soie.

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