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Le stand des produits alimentaires de Paul s'embrasa à son tour. Des bonbonnes d'hydromel explosèrent en répandant des fumées caramélisées.

Dans le car de police posté en face du lycée, on ne bronchait toujours pas. Les révolutionnaires étaient tentés de répliquer aux attaques des Rats noirs, mais la consigne de Julie, transmise partout par les amazones, fut nette: «Ne pas répondre à la provocation, ils seraient trop contents.»

– Au nom de quelle loi, doit-on prendre des gifles sans les rendre? interrogea une amazone énervée.

– Au nom de notre volonté de réussir une révolution sans violence, répliqua Julie. Et parce que nous sommes plus civilisés que ces voyous. Si on se comporte comme eux, on devient comme eux. Éteignez le feu et restez calmes!

Les assiégés étouffaient de leur mieux les flammes sous le sable mais les cocktails Molotov des Rats noirs tombaient dru. Certains révolutionnaires parvenaient parfois à les renvoyer en direction des assaillants mais c'était rare.

Le stand de vêtements de Narcisse fut atteint. Il se précipita:

– C'est une collection unique. Il faut la sauver!

Déjà, tout était carbonisé. Fou de rage, le styliste s'empara d'une barre de fer, ouvrit la grille et fonça sur les Rats noirs. Acte de bravoure inutile. Il se battit avec courage mais, vite désarmé, il fut roué de coups par la bande de Dupeyron et laissé bras en croix sur le parvis. Ji-woong, Paul, Léopold et David qui volèrent à sa rescousse arrivèrent trop tard. Les Rats noirs se dispersaient et une ambulance du SAMU, surgie comme par hasard, avait aussitôt ramassé Narcisse pour l'emporter toutes sirènes hurlantes.

Julie n'y tint plus:

– Narcisse! Ils veulent la violence, ils vont l'avoir!

Elle ordonna aux amazones d'attraper les Rats noirs.

La petite armée de jeunes filles sortit par les grilles et partit à la chasse aux Rats noirs dans les rues avoisi-nantes. Autant il était facile de gruger une armée compacte de CRS, autant il était difficile de courir après une vingtaine de petits fachos habillés en civil qui pouvaient se cacher n'importe ou se fondre dans la foule.

Dans le jeu du gendarme et du voleur, c'était mainte nant les amazones qui tenaient la place du gendarme, un rôle pour lequel elles s'avéraient peu douées en dehors de l'enceinte du lycée. Les Rats noirs attendaient dans les rues qu'une amazone soit isolée pour lui tomber dessus. Les échauffourées tournaient toujours à leur avantage.

Ji-woong, David ainsi que Léopold et Paul se firent de même rosser.

Le commissaire observait la situation de loin à la jumelle et remarqua qu'à présent presque tous les défenseurs du lycée étaient sortis. Les grilles étaient entrouvertes et les dernières forces vives des révolutionnaires étaient occupées à éteindre les incendies.

Le jeune Gonzague lui avait facilité le travail. C'était bien le sang de l'énergique préfet qui coulait dans ses veines. Maximilien regretta de ne pas avoir fait appel à lui plus tôt. Quant aux révolutionnaires, ils étaient moins malins qu'il ne l'avait cru. À peine avait-il agité un chiffon rouge devant eux qu'ils avaient foncé dessus, tête baissée, sans réfléchir.

Maximilien appela le préfet et l'informa que, cette fois-ci, il y avait des blessés.

– Des blessés graves?

– Oui, et peut-être même un mort. Il est à l'hôpital. Le préfet Dupeyron réfléchit:

– Dans ce cas, ils sont tombés dans le piège de la violence. Ce n'est plus nous qui avons choisi. Feu vert pour reprendre le lycée au plus vite.

160. PHÉROMONE ZOOLOGIQUE: RÉGULATION

Saliveuse: 10e.

RÉGULATION:

Les Doigts ont une croissance de population exponentielle et n 'ont pratiquement plus de prédateurs, comment se fait la régulation de leur population dans ces conditions?

Cette régulation s'opère de manière suivante:

– Par les guerres.

– Par les accidents de voiture.

– Par les matches de football.

– Par la famine.

– Par la drogue.

Il semble que les Doigts n 'aient pas encore découvert comme nous le contrôle biologique des naissances: ils produisent trop d'enfants et ensuite seulement font des ponctions.

Cette technique archaïque mériterait d'être améliorée car cela leur fait perdre énormément d'énergie à la fabrication de couvains excédentaires comme à l'élimination plus tard de ces mêmes couvains excédentaires.

Malgré ces mécanismes de compensation, leur population grandit de manière exponentielle.

Ils sont déjà plus de cinq milliards.

Certes, ce chiffre peut paraître dérisoire par rapport au nombre de fourmis sur la planète, mais le problème c 'est qu 'un Doigt détruit une masse considérable de végétaux et d'animaux, il souille une grande quantité d'eau et d'air.

Si notre planète peut supporter cinq milliards de Doigts, elle ne pourra guère en supporter plus.

Le fait que les Doigts ne cessent de s'accroître signifie forcément la disparition de plusieurs centaines d'espèces animales et végétales.

161. GUERRE DE RELIGION

Princesse 103e perçoit l'esprit collectif de la population qui l'entoure, jeune, frais, enthousiaste et curieux. Il ne lui a pas été si facile de le forger. Seuls les enfants sont disposés à apprendre.

Aux bouches d'aération, les soldates régulent les entrées d'air et de brume. Dans les greniers, la nourriture s'accumule. Des ouvrières emportent vers le dépotoir les cadavres et les produits des expériences ratées des ingénieurs. Les échecs des ingénieurs du feu présentent des formes particulièrement hideuses et nauséabondes: sauterelles aux cuticules tordues en forme de sculptures abstraites, feuilles ou branches carbonisées, pierres fumantes.

Mais, au-delà de cette fougue collective, Princesse 103e perçoit aussi une sorte de contrariété. Les effluves sont ténus. Est-ce seulement de la contrariété ou bien de la peur?

En ce quatrième jour de la nouvelle ère, 103e décide que les déistes ont commis assez de dégâts. Tous les couloirs sont recouverts de leurs cercles mystiques et empestent de leurs prières stériles.

La princesse myrmécéenne a vu le monde du dessus. Elle sait que les Doigts ne sont pas des dieux, simplement de gros animaux balourds aux comportements différents des leurs. Elle éprouve de l'estime envers les Doigts mais elle pense que celles qui les vénèrent vont tout gâcher. Forte de l'appui des castes scientifique et militaire, elle décide de mettre fin une fois pour toutes à l'emprise des religieuses.

Si un lierre parasite un arbuste et qu'on ne l'arrache pas, le lierre tue l'arbuste.

Princesse 103e préfère extirper la religion de la fourmilière dès maintenant, avant qu'elle n'envahisse tout. Il est si facile d'entretenir la superstition et le culte de dieux invisibles. Elle sait qu'à ce petit jeu, si elle n'intervient pas rapidement, elle n'aura pas la dernière phéromone.

Elle appelle les douze jeunes exploratrices.

Il faut tuer les déistes.

13e à sa tête, toute une troupe se met aussitôt en marche. Leurs petits cerveaux sont déterminés à réussir cette mission.

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