4: C'est le stade humain. C'est le niveau au-dessus du minéral, du végétal et de l'animal. Il est à la croisée des chemins. C'est le premier chiffre à croisement. Si le 4 réussit son.changement, il bascule dans le monde supérieur. Il sort de son stade d'esclave des sentiments, par le libre arbitre. Soit il réalise son destin, soit il ne le réalise pas. Mais la notion de liberté de choix autorise aussi à ne pas réaliser sa mission de conquête de la liberté et de la domination de ses sentiments. 4 autorise à rester librement animal ou à passer à l'étape suivante. C'est l'enjeu actuel de l'humanité.
5: C'est le stade spirituel. C'est le contraire du 2. Le 5 a le trait en haut, il est lié au ciel. Il a une courbe en bas: il aime la terre et ses habitants. Ayant réussi à se libérer du sol, il n'est cependant pas parvenu à se libérer du ciel. Il a passé l'épreuve de la croix du 4 mais il plane.
6: C'est une courbe continue sans angle, sans trait. C'est l'amour total. Il est presque spirale, il s'apprête à aller vers l'infini. Il s'est libéré du ciel et de la terre, de tout blocage supérieur ou inférieur. Il est pur canal vibratoire. Il lui reste cependant une chose à accomplir: passer au monde créateur. 6 est également la forme du fœtus en gestation.
7: C'est le chiffre du passage. C'est un 4 inversé. Là encore, nous nous trouvons à un croisement. Un cycle est terminé, celui du monde matériel; il faut donc passer au cycle suivant.
8: C'est l'infini. Si on le dessine, on ne s'arrête jamais.
9: C'est le fœtus en gestation. 9 est l'inverse du 6. Le fœtus s'apprête à retourner au réel. Il va donner naissance au…
10: C'est le zéro de l'œuf originel, mais de la dimension supérieure. Ce zéro de la dimension supérieure va lancer de nouveau un cycle de chiffres mais à une échelle plus élevée. Et ainsi de suite.
Chaque fois que l'on trace un chiffre, on transmit cette sagesse.
Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.
236. DIFFERENCE DE PERCEPTION
Sur l'écran vidéo surplombant le box des accusés venait d'apparaître le visage de Maximilien. Il avait un sourire bizarre, presque gourmand. Un gros plan avait cloué Julie sur place.
On y voyait Maximilien, le regard fiévreux, armé d'un coupe-ongles. Il prenait des fourmis et les décapitait une à une, tout près de l'objectif de sa caméra. Cela produisait à chaque fois un petit bruit sec.
– Que se passe-t-il? Quelle est cette mascarade? demanda le juge.
L'huissier vint lui murmurer quelque chose à l'oreille. Maximilien s'était enfermé chez lui et, grâce à une simple caméra vidéo et au relais de son ordinateur, il retransmettait cette scène par le biais des lignes téléphoniques.
Les décapitations de fourmis se succédaient. Puis, fatigué sans doute d'avoir occis une centaine d'entre elles, il sourit à la caméra, ramassa les corps suppliciés et les épousseta négligemment pour les jeter dans sa corbeille à papier.
Ensuite il saisit une feuille et, se plaçant bien face à sa caméra, il articula:
– Mesdames et messieurs, l'heure est grave. Notre monde, notre civilisation, notre espèce sont menacés de disparition. Un terrible ennemi se dresse sur notre seuil. Qui nous met ainsi en danger? L'autre, l'autre plus grande civilisation, l'autre plus grande espèce de la planète, j'ai nommé les fourmis. Je les ai étudiées depuis quelque temps, j’ai étudié leur influence sur les hommes. Mais surtout, j'ai installé sur un simulateur de civilisation un programme visant à savoir ce que serait le monde si les fourmis avaient accès à notre savoir technologique.
«J'ai constaté ainsi que les fourmis, qui nous sont supérieures par leur nombre, leur pugnacité et leur mode de communication, ne mettraient pas plus de cent ans à nous réduire en esclavage.
«Avec l'apport de nos technologies humaines, tous leurs pouvoirs seront surdimensionnés. Je sais, mesdames et messieurs, cela, pour certains d'entre vous, paraîtra aberrant. Je pense cependant que nous ne pouvons pas courir le risque de vérifier cette hypothèse.
«En conséquence, il nous faut détruire les fourmis et, en priorité, ces fameuses fourmis "civilisées" qui se sont approprié la forêt de Fontainebleau. Je le sais, quelques-uns parmi vous les trouvent sympathiques. D'autres estiment qu'elles peuvent nous aider et qu'elles ont des choses à nous apprendre. Ils se trompent.
«Les fourmis sont le pire fléau que l'humanité ait jamais connu. Une seule cité fourmi tue chaque jour proportionnellement plus d'animaux qu'un pays humain tout entier.
«Elles écrasent d'abord, puis utilisent comme du bétail toutes les espèces vaincues. Aux pucerons, par exemple, elles coupent les ailes pour mieux les traire. Après les pucerons, ce serait un jour notre tour.
«Ayant pris conscience du danger que représentent les fourmis intelligentes pour l'humanité, j'ai décidé en tant qu'humain, moi, Maximilien Linart, de détruire la partie de la forêt de Fontainebleau qui, en raison de l'insouciance d'un groupuscule d'humains, grouille maintenant de fourmis initiées à notre technologie. Et si c'est nécessaire, je réduirai en cendres la forêt tout entière.
«J'ai longuement réfléchi et pensé à l'avenir. Si nous ne détruisons pas maintenant ces vingt-six mille hectares de forêt contaminés, il nous faudra sans doute un jour détruire toutes les forêts du monde. Pour l'heure, cette infime amputation évitera une gangrène générale. Le savoir est comme une maladie contagieuse.
«La Bible nous enseigne qu'Adam aurait dû résister à la tentation de croquer la pomme du savoir. Eve l'a incité à commettre l'irréparable. Mais nous, nous pouvons empêcher les fourmis de connaître cette malédiction.
«J'ai placé des bombes incendiaires dans la zone forestière où se trouvent les fourmilières contaminées par les idées de 103e.
«Inutile d'essayer de m'arrêter. Je suis solidement barricadé dans ma maison et le système de mise à feu des bombes incendiaires, sous le contrôle de mon ordinateur, sera juste après ce message débranché du réseau, donc, aucun risque de voir son programme modifié de l'extérieur.
«N'essayez pas de m'arrêter. Si, toutes les cinq heures, je n'inscris pas une formule codée sur le clavier de mon ordinateur, tout explosera, chez moi et dans la forêt.
«Je n'ai plus rien à perdre. Je sacrifie ma vie pour mon espèce. Il pleut aujourd'hui et j'attendrai que le beau temps revienne pour déclencher l'incendie forestier. Si je devais périr dans un assaut inconsidéré, que l'humanité considère cela comme mon testament et qu'un autre prenne la relève.
Des journalistes coururent transmettre leurs papiers. Des gens qui ne se connaissaient pas s'interpellèrent dans le prétoire.
Le préfet Dupeyron, qui s'était déplacé pour entendre l'énoncé du verdict de ce procès sans précédent, réquisitionna dans la minute le bureau du juge. Il décrocha le téléphone, en priant pour que le commissaire n'ait pas eu la mauvaise idée d'arracher sa ligne.
Dieu merci, Linart répondit à la première sonnerie.
– Quelle mouche vous pique, commissaire?
– De quoi vous plaignez-vous, monsieur le préfet? Vous souhaitiez vous débarrasser d'un pan de forêt pour laisser libre place aux projets hôteliers d'un groupe japonais, vos souhaits seront exaucés. Vous aviez raison. Cela créera des emplois et contribuera à résorber le chômage.
– Mais pas ainsi, Maximilien. Il existe des moyens plus discrets de s'y prendre…
– En incendiant cette maudite forêt, je sauverai l'humanité tout entière.
Le préfet avait la gorge sèche et les mains moites.
– Vous êtes devenu fou, soupira-t-il.
– Certains penseront cela au début mais, un jour, on me comprendra et on m'érigera des statues en tant que sauveur de l'humanité.