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Elle se rendit dans la salle de géographie.

Elle était énervée mais elle se calma. Elle voulait absolument devenir experte en révolution et elle ouvrit l'Encyclopédie pour y étudier de nouvelles expériences révolutionnaires. La lecture à l'envers dans un miroir lui dévoila de nouveaux textes cachés dans les textes.

Pour chacune de ces expériences, elle mit une note dans la marge, souligna les erreurs et les innovations. Avec de l'assiduité et de l'attention, elle espérait tirer les grandes règles révolutionnaires et trouver quelle forme de société utopique était susceptible de fonctionner ici et maintenant.

126. ENCYCLOPÉDIE

UTOPIE DE FOURIER: Charles Fourier était un fils de drapier né à Besançon en 1772. Dès la révolution de 1789, il fait preuve d'étonnantes ambitions pour l'humanité. Il veut changer la société. Il explique ses projets en 1793 aux membres du Directoire qui se moquent de lui. Dès lors, il décide de se ranger et devient caissier.

Lorsqu'il a du temps libre, Charles Fourier poursuit néanmoins sa marotte de la recherche d'une société idéale qu'il décrira dans les moindres détails dans plusieurs livres dont Le Nouveau Monde industriel et sociétaire.

Selon cet utopiste, les hommes devraient vivre en petites communautés de mille six cents à mille huit cents membres. La communauté, qu'il nomme phalange, remplace la famille. Sans famille, plus de rapports parentaux, plus de rapports d'autorité. Le gouvernement est restreint au plus strict minimum. Les décisions importantes se prennent en commun, au jour le jour, sur la place centrale. Chaque phalange est logée dans une maison-cité que Fourier appelle le «phalanstère». Il décrit très précisément son phalanstère idéal: un château de trois à cinq étages. Au premier niveau, des rues rafraîchies en été par des jets d'eau, chauffées en hiver par de grandes cheminées. Au centre se trouvent une Tour d'ordre où sont installés l'observatoire, le carillon, le télégraphe Chappe, le veilleur de nuit. Il souhaite procéder à des croisements entre des lions et des chiens afin de créer une nouvelle espèce apprivoisée. Ces chiens-lions serviraient en même temps de montures et de gardiens du phalanstère. Charles Fourier était persuadé que si l'on appliquait ses idées à la lettre partout dans le monde, les habitants des phalanstères connaîtraient une évolution naturelle, visible sur leur organisme. Cette évolution se manifesterait notamment par la pousse d'un troisième bras au niveau de la poitrine. Un Américain construisit un phalanstère fidèle aux plans.de Fourier. En raison de problèmes architecturaux, ce fut un fiasco total. La porcherie avec ses murs de marbre était le lieu le plus soigné de l'endroit mais, problème, on avait oublié d'y prévoir des portes et on devait introduire les porcs au moyen de grues.

Des phalanstères approximatifs ou des communautés du même esprit furent créés par des disciples de Fourier partout dans le monde, notamment en Argentine, au Brésil, au Mexique et aux États-Unis. A sa mort, Fourier renia tous ses disciples.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.

127. DEUXIÈME JOUR DE LA RÉVOLUTION DES DOIGTS

Phéromone d'alerte.

Le réveil est brutal. Hier soir, toutes se sont couchées en rêvant des technologies futuristes des Doigts et de l'infinité de leurs applications, et, ce matin, des phéromones piquantes inondent le campement des révolutionnaires pro-Doigts.

Alerte.

Princesse 103e dresse les antennes. En fait, ce n'est pas le matin. Cette lumière et cette chaleur ne proviennent en aucune manière d'un lever de soleil. Les fourmis ont un petit soleil bien à elles dans leur refuge de bois de pin. On appelle cela un… incendie.

Hier soir, les fourmis ingénieurs du feu se sont endormies en laissant des braises près d'une feuille sèche. Cela a suffi pour l'embraser et, en quelques secondes, d'autres feuilles se sont enflammées. Personne n'a eu le temps de réagir. Maintenant, les jolies lumières irisées jaunes et rouges se sont transformées en monstres • carnivores lumineux.

Fuyons!

C'est la panique, tout le monde veut sortir au plus vite du trou de l'arbre. Pour ajouter au problème, il s'avère que ce qu'elles ont pris pour un nid d'écureuil est certes un nid d'écureuil, mais ce qu'elles avaient cru être de la mousse dans le fond n'en est pas. C'est l'écureuil lui-même.

Réveillé par le feu, le gros animal s'élance d'un bond hors du trou, renversant tout sur son passage et précipitant les fourmis au fond du tronc creux.

Elles sont prises au piège. Attisé par le courant de la chute, le feu prend considérablement ses aises et les entoure de fumées qui commencent à les asphyxier.

Princesse 103e cherche désespérément Prince 24e. Elle émet des phéromones d'appel.

24e!

Mais elle se souvient: lors de la première croisade, la pauvre créature avait la malédiction de se perdre, quel que soit l'endroit.

Le feu grandit.

Chacun cherche le salut comme il peut. Des insectes xylophages creusent les parois de la caverne de bois à vives mandibules.

Le feu croît. De longues flammèches lèchent maintenant les murs intérieurs. Les fourmis anti-feu signalent qu'on aurait mieux fait de les écouter: le feu doit rester tabou. On leur répond que ce n'est pas le moment de discuter. Peu importe qui a raison ou tort, il faut sauver coûte que coûte sa chitine.

Les révolutionnaires pro-Doigts tâchent de leur mieux de remonter la paroi mais beaucoup retombent. Leurs corps s'effondrent parmi les feuilles sèches enflammées et s'embrasent aussitôt. Leurs carapaces fondent.

Cependant, le feu n'a pas que des inconvénients. Il fournit un surcroît d'énergie aux insectes dont la vivacité dépend de la température.

24e! lance Princesse 103e.

Il n'y a pas trace de Prince 24e.

La teirible scène rappelle à Princesse 103e un grand moment du film Autant en emporte le vent, l'incendie d'Atlanta. Le moment n'est pas cependant à la nostalgie de ia télévision des Doigts. Voilà où ça les a menées de vouloir trop vite les copier.

On ne le trouvera pas. Essayons de nous sortir de là, émet 5e dans la confusion générale.

Et comme Princesse 103e semble vouloir s'attarder à la recherche du sexué, 5e la bouscule et lui indique un trou dans le bois à peine libéré par un insecte xylophage et déjà rebouché par un coléoptère trop gros. Elles frappent avec leur crâne et poussent avec leurs pattes pour l'en dégager, mais elles n'ont pas assez de force.

103e réfléchit. Ce que la technologie doigtesque mal contrôlée a provoqué de mal, une autre technologie doig-tesque bien contrôlée peut sûrement le réparer. Elle demande aux douze jeunes exploratrices de ramasser une branchette et de l'introduire dans l'interstice afin de l'utiliser comme levier.

L'escouade, qui a déjà été témoin du peu de résultat du levier sur l'œuf de gigisse, ne montre guère d'empressement malgré les arguments de 103e. De toute manière, personne n'a d'autre solution à proposer et le temps manque pour réfléchir à d'autres idées.

Les fourmis introduisent donc la brindille et se perchent au bout pour faire levier. 8e se suspend dans le vide et fait des tractions avec ses pattes pour peser plus lourd. Cette fois-ci, ça marche. Leur force est démultipliée. Le coléoptère bouche-trou est dégagé. Enfin une issue à ce brasier.

C'est étrange de quitter cette vive et chaude lumière pour ne trouver à l'extérieur que le noir et le froid.

La nuit ne reste d'ailleurs pas sombre très longtemps car, d'un coup, l'arbre tout entier se transforme en torche. Le feu est vraiment l'ennemi des arbres. Tout le monde fuit ventre à terre, antennes rabattues en arrière. Soudain, le souffle brûlant d'une déflagration les projette en avant.

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