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Mon nom est 103 683e. Mais vous pouvez m'appelez 103e.

14e signale que ce n'est pas le nom fourmi le plus long qu'elles aient connu. Avant, dans leur groupe, il y avait une toute jeune fourmi portant le nom de 3 642 451e. On perdait un temps fou à l'appeler. Heureusement, elle avait été mangée par une plante Carnivore durant une chasse.

Elles continuent leur descente.

Les fourmis font une halte dans une caverne rocheuse et s'échangent des trophallaxies aux psoques et aux méloïdes triturés. La vieille a un frisson de dégoût. Déci dément, ce n'est pas bon, le méloïde. Trop amer. Même trituré.

34. ENCYCLOPÉDIE:

COMMENT S'INTÉGRER: Il faut imaginer que notre conscient est la partie émergée de notre pensée. Nous avons 10 % de conscient émergé et 90 % d'inconscient immergé.

Quand nous prenons la parole, il faut que les 10 % de notre conscient s'adressent aux 90 % de l'inconscient de nos interlocuteurs.

Pour y parvenir, il faut passer la barrière des filtres de méfiance qui empêchent les informations de descendre jusqu'à l'inconscient.

L'un des moyens d'y réussir consiste à mimer les tics d'autrui. Ils apparaissent nettement au moment des repas. Profitez donc de cet instant crucial pour scruter votre vis-à-vis. S'il parle en mettant une main devant sa bouche, imitez-le. S'il mange ses frites avec les doigts, faites de même, et s'il s'essuie souvent la bouche avec sa serviette, suivez-le encore. Posez-vous des questions aussi simples que: «Est-ce qu'il me regarde quand il parle?», «Est-ce qu'il parle quand il mange?»

En reproduisant les tics qu'il manifeste en son moment le plus intime, la prise de nourriture, vous transmettrez automatiquement le message inconscient: «Je suis de la même tribu que vous, nous avons les mêmes manières et donc sans doute une même éducation et les mêmes préoccupations.»

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.

35. LEÇON DE BIOLOGIE

Après les mathématiques, la biologie. Julie gagna directement le département des «sciences exactes», avec ses paillasses de faïence blanche, ses bocaux renfermant des fœtus animaux baignant dans du formol, ses éprou-vettes sales, ses becs Bunsen noircis et ses microscopes encombrants.

À la sonnerie, élèves et professeurs pénétrèrent dans la salle de biologie. Chacun savait que, pour ce cours, il convenait de se déguiser en s'habillant d'une blouse blanche. Accomplir ce geste suffisait à donner l'impression de revêtir l'uniforme de «ceux qui savent».

Pour la première partie, dite théorique, le professeur avait choisi pour thème «le monde des insectes». Julie sortit son cahier, déterminée à tout noter soigneusement pour vérifier si ses propos correspondraient aux passages afférents de l'Encyclopédie.

Le professeur commença:

– Les insectes constituent 80 % du règne animal. Les plus anciens, les blattes, sont apparus il y a au moins trois cents millions d'années. Sont arrivés ensuite les termites, il y a deux cents millions d'années, puis les fourmis, il y a cent millions d'années. Pour mieux vous rendre compte de l'antériorité de la présence des insectes sur notre planète, il suffit de vous rappeler que notre plus lointain arrière-grand-père connu est daté tout au plus de trois millions d'années.

Le professeur de biologie souligna que les insectes n'étaient pas seulement les plus anciens habitants de la Terre mais aussi les plus nombreux.

– Les entomologistes ont décrit environ cinq millions d'espèces différentes et, chaque jour, on en découvre une centaine d'inconnues. À titre de comparaison, sachez que, par jour également, seule une espèce inconnue de mammifère est détectée.

Au tableau noir, il inscrivit, très gros, «80 % du règne animal».

– Donc, les insectes sont, de tous les animaux de la planète, les plus anciens, les plus nombreux et, j'ajouterai, les moins connus.

Il s'interrompit et un bzzz envahit la pièce. D'un geste précis, le professeur attrapa l'insecte qui troublait son cours et exhiba son corps écrasé en une sorte de sculpture tordue d'où émergeaient encore deux ailes et une tête munie d'une unique antenne.

– C'était une fourmi volante, expliqua l'homme. Sans doute une reine. Chez les fourmis, seules les sexuées possèdent des ailes. Les mâles meurent au moment de la copulation en vol. Les reines continuent sans eux à voler à la recherche d'un lieu où pondre. Comme vous pouvez le constater vous-mêmes, avec l'augmentation générale des températures, la présence des insectes se fait davantage sentir.

Il regarda le corps écrabouillé de la reine fourmi.

– Les sexuées s'envolent généralement juste avant qu'un orage n'éclate. La présence de cette reine parmi nous indique qu'il risque de pleuvoir demain.

Le professeur de biologie jeta la reine écrasée agonisante en pâture à un troupeau de grenouilles qui vivaient dans un aquarium d'à peu près un mètre de long sur cinquante centimètres de hauteur. Les batraciens se bousculèrent pour déguster la proie.

– De manière générale, reprit-il, on assiste à une multiplication exponentielle des insectes, et d'insectes de plus en plus résistants aux insecticides. Dans l'avenir, nous risquons d'avoir davantage encore de cafards dans nos placards, de fourmis dans notre sucre, de'termites dans les boiseries, de moustiques et de princesses fourmis dans les airs. Nantissez-vous de produits insecticides pour vous en débarrasser.

Les élèves prirent des notes. Le professeur annonça qu'il était temps maintenant de passer à la partie «travaux pratiques» de son cours.

– Nous allons nous intéresser aujourd'hui au système nerveux et tout particulièrement aux nerfs périphériques.

Il demanda à ceux du premier rang de venir prendre sur la paillasse des bocaux contenant chacun une grenouille et de les distribuer à leurs condisciples. S'emparant lui même d'un bocal, il précisa la suite de la manœuvre. Pour endormir leur grenouille, tous devaient d'abord jeter dans le flacon un coton imbibé d'éther, sortir ensuite la bête, la crucifier avec des aiguilles dans un bac, sur une plaque de caoutchouc, puis la laver au robinet afin de ne pas être gêné par les filets de sang.

Ils devaient ensuite enlever la peau à l'aide de pinces et d'un scalpel, dégager les muscles puis, avec une pile électrique et deux électrodes, chercher le nerf commandant la contraction de la patte droite.

Tous ceux qui parviendraient à provoquer des mouvements saccadés de la patte droite de la grenouille obtiendraient automatiquement un vingt sur vingt.

Le professeur contrôla à tour de rôle où en étaient ses élèves dans leurs travaux. Certains ne parvenaient pas à endormir leur bête. Ils avaient beau multiplier les cotons d'éther dans le bocal, elle continuait à se débattre. D'autres croyaient être parvenus à anesthésier la leur mais lorsqu'ils tentaient de la crucifier avec des aiguilles sur le support de caoutchouc, la grenouille brassait désespérément l'air de sa patte encore libre.

Silencieuse, Julie contemplait sa grenouille et, un instant, elle eut l'impression que c'était elle-même qui, de l'autre côté du bocal, la fixait. Près d'elle, Gonzague avait déjà transpercé sa grenouille d'une vingtaine d'aiguilles inoxydables, avec des gestes précis.

Gonzague considéra sa victime. L'animal ressemblait à saint Sébastien. Mal endormie, elle cherchait à se débattre mais les aiguilles, savamment placées, l'empêchaient de se mouvoir. Comme elle ne pouvait pas crier, nul ne pouvait comprendre sa souffrance. La grenouille réussit seulement à lâcher un faible «coaa» plaintif.

– Tiens, j'en connais une bien bonne. Tu sais quel est le nerf le plus long du corps humain? demanda Gon-zague à un de ses voisins.

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