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Lettre 111. Réponse.

[Comme les femmes courent vite dans la carrière du vice,

dès qu’elles y sont entrées!].

12 mai.

Gaudet vient d’arriver. Prépare tes oreilles, ton cœur, et ton corbillon; les premières pour l’entendre, le second pour l’aimer, le troisième pour recevoir je ne sais combien des plus beaux fruits du jardin des (…). Je lui ai fait lire ta lettre. Il paraissait en extase, et en l’achevant, il s’est levé dans une sorte de transport, prononçant des mots que je n’ai pas trop bien entendus. Il brûle de te voir; il n’est pas encore débotté, et il voulait t’écrire; je lui en évite la peine. Marque-nous s’il peut t’aller voir sur-le-champ? Il serait charmé de te parler en particulier, avant de voir ton frère.

Autre nouvelle: la belle dame voulait partir; elle y était décidée. Un je ne sais quel sentiment de componction l’en a empêchée. C’est dommage! elle est charmante! nous l’aurions mise à l’unisson, ainsi que sa petite bégueule de Fanchette, que je hais de tout mon cœur. Parbleu! Edmond qui sait si bien forcer les filles innocentes, est un grand sot, de n’avoir pas encore rangé celle-là! Est-ce que je n’avais pas autant de défense qu’elle? là, voyons? Il est clair qu’Edmond est un imbécile. Je finis par là car je lui en veux horriblement.

Réponse par le porteur.

Réponse.

Oui.

Lettre 112. Ursule, à Laure.

[Écarts effroyables de la pauvre infortunée.].

Un mois après la précédente.

Une jolie vie, ma mignonne!… En vérité, nous sommes de vraies libertines!… Heureusement il est parti! Mais ce pauvre marquis! il ne savait en vérité comment prendre la chose! Je lui rétorquais ses arguments d’autrefois; puis je riais comme une folle: il ne savait si cela était sérieux, ou un simple badinage. Edmond était plus instruit; mais il n’osait parler. Ton conseil a été excellent! je lui ai fermé la bouche. Que j’aurais ici une belle Relation à te faire!… mais il est tant de petits mystères!… Il faut pourtant que je m’y amuse: je suis lasse des réalités, je veux un peu exercer mon imagination… Foin de moi! la jouissance l’éteint; il ne me vient rien du tout! Que ce petit Magot de N’ègrèt était un grand sot, de me dire que ça donne de l’esprit! C’était apparemment pour me tenter par quelque chose! mais je ne le suis pas de me débarrasser de ses importunités à ce prix-là. Je l’ai proposé l’autre jour à Marie. Elle m’a répondu, par une grimace, qui t’aurait fait mourir de rire… Voyons donc si je me mettrai en train par ces misères… Je vais écrire ab hoc et ab hac; si, quand j’aurai fini, je vois que cela soit trop décousu, ou que j’aie été trop sincère, je serrerai ma lettre dans mon secrétaire, et tu ne l’auras pas.

Il faut avouer que Gaudet est arrivé bien à propos! Je commençais à mourir d’ennui avec le marquis l’ami a jeté de la variété dans l’assommante uniformité qui me donnait des vapeurs. J’aurais envie de te peindre son début, lorsqu’il m’aborda le jour de son arrivée. J’étais sous le déshabillé le plus voluptueux: une simple gaze me couvrait, sans presque rien cacher, si ce n’est dans quelques endroits, où elle formait des doubles. Je me suis levée pour le recevoir; ma mule, dont le talon gros comme le petit doigt, était fort élevé, a fait tourner mon pied: l’ami m’a recueillie dans ses bras, et ce qu’il n’aurait osé qu’après me l’avoir demandé, il l’a pris, un baiser à la Colombe. Nous sommes revenus vers mon sofa: il s’est assis, auprès de moi sur une jaseuse. Je lui ai fait signe de se mettre à mes côtés. Il s’est précipité vers moi avec un empressement qui m’a fait deviner son dessein… En vérité j’en étais charmée! aussi n’ai-je pas fait la difficile… J’étais bien aise d’ailleurs, de savoir quelle tournure prendraient ses sermons, après cela. Car il en fait aussi. J’ai observé qu’il les contredisait dans la pratique. Mais voilà les hommes!… Soyez sage, réservée, donnant peu… (aux autres); prodiguant tout, au sermonneur. Il était un peu étonné, après; moi, j’ai conservé la même aisance, il m’en a fait compliment. J’ai voulu rougir, et j’ai rougi. Ensuite je l’ai agacé, avec une coquetterie, qu’il a nommée délicieuse. Il n’a pu y tenir… J’ai voulu mettre les principes de mon mentor à l’épreuve. Ô ma chère amie, quand le mets est assaisonné à leur goût, ces philosophes se gorgent tout comme les plus grossiers des mortels: je n’oserais te dire jusqu’où j’ai mené le nôtre!… Je lui en ai fait honte; et il n’en a point eu; car avant de me quitter, il m’a fait une nouvelle prière. J’ai refusé net: j’ai pris à mon tour l’air pédagogue, et j’ai parodié la prude Parangon d’une manière qui l’a encore plus enflammé, Rien; j’ai été inexorable. Il est parti.

Une heure après, j’ai reçu un billet de mon prudhomme:

Gaudet, à Ursule.

Tu es une divinité: car tu rends trop heureux, pour n’être qu’une magicienne. Ah! belle URSULE! tu feras des hommes tout ce que tu voudras, par ce qui les rend infidèles aux autres femmes! Non, je ne te; dirai plus d’être réservée; l’univers y perdrait trop de bonheur! charmante fille! je te rends grâces; tu m’as aujourd’hui fait connaître la félicité, et tu m’as conservé la vie; il ne tenait qu’à toi d’en épuiser la source. Adieu; et sois plus sage que ton.

MENTOR.

Tu vois qu’il n’est pas mal enthousiaste, et pas mal injuste envers son ancienne bienfaitrice.

Le lendemain, nous n’avons pu nous parler en particulier: je n’en étais pas fâchée, et je fuyais les occasions. Mais j’ai voulu porter un peu de désordre dans son imagination: je lui ai donné un rendez-vous, que j’étais sûre de ne pas réaliser; le marquis en a profité. Depuis quelque temps, je tiens ce dernier au régime: comme il est assez pressant; je me suis attendrie, et je l’ai mené où notre ami m’attendait. Il a fallu que ce dernier se cachât. Le marquis m’a exprimé sa tendresse, et j’y ai répondu. J’avais eu l’attention de me placer de manière que mon pied allait justement toucher le prisonnier; je l’avançais en dessous, comme pour lui faire signe de ne pas remuer. Je voulais voir s’il se fâcherait, et s’il ne m’en donnerait, pas quelques marques: mais au contraire, j’ai senti qu’il le pressait tendrement de ses lèvres. J’ai été touchée de la peine que le lui causais, et j’en étais si réellement, pénétrée que le marquis a dû les plus heureux moments qu’il ait encore passés avec moi aux sentiments que m’inspirait son rival. Nous sommes ensuite sortis; et je n’ai eu garde de revenir dans le boudoir: j’ai envoyé Marie dire à l’ami que j’étais engagée pour le reste du jour; qu’il fallait remettre la partie au lendemain.

Ce jour-là, je me suis encore amusée à ses dépens: il m’a semblé que par là j’aiguiserais ses désirs, et que je leur donnerais une énergie que la plus belle femme ne sait pas toujours procurer. Je l’ai rendu témoin d’une infidélité que je fais au marquis avec le duc de ** son ami. J’ai pris la même position que la veille, pour la conversation; j’ai avancé le pied dans un moment où je riais de tout mon cœur. Mais ce n’a pas été tendresse ici: le prisonnier m’a fait un mal horrible, et j’ai poussé un cri aigu. Ce qui a produit un effet merveilleux pour le duc; il a cru… les hommes sont bien avantageux!… Je l’ai laissé dans son erreur. J’ai fini, la conversation, et nous sommes rentrés chez moi. Le marquis est venu; on a joué, et j’ai fait prier notre ami d’être notre quatrième au vingt un.

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