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A
A

Ci-gît Edmond R**,

bien né, de parents honnêtes et vertueux;

mais qui fut corrompu à la ville,

où il est mort misérable,

après avoir éprouvé les plus terribles châtiments.

Et sa femme Colette C**,

vertueuse dame,

autant que belle,

qui a voulu mourir,

et être enterrée avec lui.

Ci-gît Ursule R**, sa sœur,

Marquise de***,

Qui fut à la ville avec son frère,

Y vécut comme lui,

Et fut punie de même,

Après avoir fait (comme lui), une grande pénitence.

Qu’ils reposent en paix.

Amen.

La triste cérémonie achevée, on s’en est venu à la maison, où nous avons eu le spectacle touchant de la douleur des trois dames, dont je t’ai parlé! Mme Zéphire s’était contenue durant la cérémonie, priant, pleurant et regardant mon mari les yeux fixes: mais dès qu’on a été de retour, ses larmes, ses cris, son désespoir nous ont effrayés tous. Mlle Fanchette pleurait sa sœur avec aussi peu de modération. Il n’y avait, que Mme Loiseau qui, quoique très affligée elle-même, consolait tout le monde. Mon mari a parlé en particulier à Mme Zéphire, et elle a paru se calmer un peu. Elle nous a tous embrassés, jusqu’aux enfants, et elle a demandé à partir sur l’heure. Ce qui a été fermement secondé par Mme Loiseau. Les trois dames sont donc reparties sans avoir rien pris à la maison. Mme Zéphire a voulu avoir quelque chose qui eût été aux trois défunts, et elle l’a serré avidement. Mon mari n’a pas dit un mot sur leur prompt départ: il les a reconduites à deux cents pas, et s’en est revenu, ayant un air quasi calme. Il n’a pas ouvert la bouche, le reste du jour, si ce n’est pour me prier de manger, avec des paroles douces et affectueuses, comme jamais il m’en ait dites.

Voilà ma chère sœur, ce qui vient de se passer. J’ai oublié de te dire que M. Loiseau n’est pas de retour de Paris, où il est resté, pour les affaires des défunts, et de leurs enfants. Nous voici enfin seuls, au milieu des débris de notre famille. Mon mari est toujours sombre et pensif: mais soumis comme il l’est aux volontés de Dieu, je ne crains rien de son chagrin pour sa chère santé. Nous espérons tous beaucoup de consolation du fils d’Ursule, et des autres enfants; que Dieu bénisse, ainsi que les morts.

FIN des lettres.

L’ouvrage que vous venez de voir, lecteur, est pris dans la belle nature, telle qu’elle existe au village, comme vous devez l’avoir remarqué dans les lettres de FANCHON. La religion, l’honneur y triomphent de la perversion et du libertinage… Malheur sur celui que ces lettres n’auront pas ému, touché, déchiré! il n’a pas l’âme humaine; c’est une brute.

Air de la Romance de Gabrielle de Vergy.

Premier Couplet.
Hélas! qui pourra jamais croire.
D’Ursule et d’Edmond les malheurs!
Qui, sans pleurer, lira l’histoire.
De leurs écarts, de leurs douleurs!
Bons, innocents, beaux dans l’enfance,
En ce village on les a vus,
Mais bonté, charmes, innocence.
À la ville se sont perdus.

2.

À seize ans, au vœu de son père,
Du village partit Edmond:
À quinze ans, pleurée de sa mère Ursule a quitté le canton:
L’un trouva plus d’une maîtresse,
L’autre plus d’un trompeur amant,
Et tous deux l’amitié traîtresse.
De Gaudet, mauvais garnement.

3.

Edmond apprenait la peinture.
D’un maître sans religion:
Mais la femme vrai mignature,
Était une perfection:
Par malheur elle était absente,
Quand dans la maison il entra;
Fine cousine, bonne servante.
En place d’elle il y trouva.

4.

Edmond eut le malheur de plaire.
À la jeune et belle Manon:
Enceinte elle était, quoique fière,
Du fait du rusé Parangon:
Ce fut pour couvrir cette faute.
Qui lui devait ôter l’honneur,
Que cette fille vaine et haute.
Usa d’un talent suborneur.

5.

D’abord, avec grande insolence,
Elle humiliait Edmond:
Puis avec grande complaisance.
Rechercha son affection:
De Gaudet elle eut l’entremise;
Il ne fait cas d’un paysan;
À bout il mène l’entreprise,
Et le trompe en le corrompant.

6.

Mais de cet aimable jeune homme.
La naïveté le séduit;
De biens il ne veut pas qu’il chomme,
Et son intérêt le conduit:
Edmond simple comme au village,
De Gaudet consent au vouloir;
Comptant faire un bon mariage,
Il donne dans le pot au noir.

7.

Du vil séducteur de sa femme,
Il résolut de se venger;
Par un amour digne de blâme,
Il voulut se dédommager.
Or belle et sage était la dame,
Longtemps il sut la ménager;
Mais il méditait dans son âme,
De l’adoucir, pour l’outrager.
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