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Je suis avec respect, madame, etc.

P.-S. – Je vais ramener moi-même Ursule à Au** elle périrait ici de douleur et de honte.

Elle l’y ramena, en effet, dans la charrette couverte, et la garda huit jours durant.

Lettre 161. Mme Parangon, à Pierre.

[La bonne dame veut me consoler. J’en fus reconnaissant; mais j’étais soumis à Dieu.].

de Paris, 1er juillet.

Je trouve enfin la force de vous écrire! Le coup est affreux: mais il n’est pas au-dessus de votre vertu. Je vais vendre tout ce que je possède, et le placer ici: faites-en autant, et venez m’y joindre. Nous y vivrons ensemble; tout nous sera commun, jusqu’à la douleur et aux larmes. Quittez ce pays, que vos mœurs honorent, respectable Pierre, et venez ici, je vous en conjure à mains jointes. Partez sur-le-champ: j’ai un endroit tout prêt, pour vous recevoir tous: c’est un cœur tout à vous qui vous en prie. Ô ma pauvre Ursule! mais j’étais nécessaire ici!

Lettre 162. Le Marquis de***, à Ursule.

[Il la demande en mariage.].

8 septembre.

Mademoiselle,

Vous vous rappelez ce que j’eus l’honneur de vous dire, lorsque je vous envoyai votre fils, il y a un an. Sans vous parler ici de mes anciens sentiments, qui ne peuvent influer en rien sur les dispositions d’une personne telle que vous êtes aujourd’hui, je me contenterai de vous représenter que c’est à l’héritier d’une grande maison que vous pouvez donner un état; et pour tout dire à un cœur comme le vôtre, à votre fils. Ce n’est pas ici un acte de bienfaisance ou de pure générosité, c’est une justice, c’est un devoir; je serai absolument nul dans cette affaire, si vous le voulez: mais il faut que la mère de mon fils soit marquise de***, pour qu’il prenne le titre de comte de***, que portait mon père. Je n’en dis pas davantage à une femme telle que vous; la raison et la religion vous diront le reste.

Je suis très respectueusement, Votre, etc.

LE MARQUIS DE***.

P.-S. – Ma mère se joint à moi, pour vous faire la même demande. Elle chérit son petit-fils qui, vous le savez, est beau comme l’amour, et qui annonce les plus heureuses dispositions. Je prie Mme la comtesse de vouloir bien mettre ici un mot.

De la Comtesse de***.

Je désire ardemment, mademoiselle, le mariage que vous propose mon fils; je rendrai cette union la plus solennelle que je pourrai, et toute la famille du marquis s’y trouvera.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

LA COMTESSE DE ***.

Lettre 163. Ursule, au Marquis de***.

[Elle accepte, à cause de son fils, le mariage que le marquis de*** lui propose.].

15 septembre.

Monsieur,

Les motifs que vous employez pour me déterminer sont trop puissants, pour que j’entreprenne de les rejeter. Ceux que je pourrais y opposer ne seraient applicables qu’à vous et à moi; et je crois comme vous, que dans un mariage tel que celui que vous me proposez, nous devons être nuls. J’accepte avec soumission. Votre fils, monsieur, m’en fait un devoir; je le sens. Que ne puis-je lui donner une plus digne mère!… Mais le passé n’est plus en mon pouvoir; il est dans les mains de l’Éternel, aux yeux de qui tout est présent. J’aurais bien des choses à vous marquer, monsieur, mais le titre que vous voulez prendre à mon égard me ferme la bouche, et je me conforme, dès ce moment de mon acceptation, aux lois de soumission qu’il va m’imposer. Il ne sied pas à une femme de faire la raisonneuse avec son mari. Je me contenterai d’offrir pour vous au Ciel les vœux les plus ardents, sans jamais vous fatiguer de mes remontrances, que lorsque vous me l’ordonnerez.

Je suis avec respect, monsieur,

Votre très humble et très obéissante servante.

URSULE R**.

À la Comtesse de***.

Permettez, madame, que je me jette à vos pieds pour vous témoigner mon respect. J’admire votre vertu, la bonté de votre cœur, puisque votre petit-fils vous est cher, malgré ce qu’est son infortunée mère.

Lettre 164. La Marquise de***, à Fanchon.

[Elle a des pressentiments de son assassinat.].

1er janvier.

Ma très chère sœur,

Il est fait enfin ce mariage, si longtemps souhaité, oublié ensuite, puis devenu impossible: et enfin redevenu praticable et même nécessaire. Il est fait! mais ceux qu’il aurait consolés ne sont plus!… C’est une douceur dont je n’étais pas digne… Je ne la suis pas même d’avoir donné un état à mon fils… Mais si j’ai cette douceur, son père me la fait payer cher!… Qu’importe? le marquis de*** vous est allié, par un bien vil lien, qui n’est bon qu’à jeter au feu, mais il l’est, et le vertueux Pierre R** est oncle du comte de*** qui annonce les plus heureuses dispositions. Ce cher enfant m’aime beaucoup; et de mon côté, je ne saurais peindre mes sentiments pour lui… Que de tourments il faudrait pour en effacer la douceur, puisque tous mes malheurs passés et présents n’y sauraient donner atteinte!… Je conçois enfin comment je fus aimée, comment le fut mon frère, de ces vénérables parents que nous avons… (Car je suis aussi coupable que lui de leur mort.) Je ne goûte qu’en tremblant la satisfaction de caresser mon fils. Je vois à tout moment sur cette tête si chère ou sur la mienne (mais ce dernier article n’est rien), le glaive de la colère céleste suspendu, prêt à frapper… Je m’éveille quelquefois au milieu de la nuit en voyant égorger mon fils… Je m’écrie, je sors du lit, je cours… D’autres fois (et c’est pendant le jour, lorsque je me jette accablée sur un lit de repos), je crois qu’un furieux qui se cache, me plonge un poignard dans le sein. Je le regarde; je lui tends des mains suppliantes. Je tâche de le fléchir. Il frappe!…»Encore ce crime, dit-il: il le faut. La voilà punie, ma complice!…» Il se découvre, et c’est Edmond que je vois!… Ah! ce nom, si cher, me déchire le cœur!… Où est-il? où est-il?… Avoir sa grâce, et ne pas se montrer! ne pas reparaître!… Il sera mort quelque part, de honte, de douleur, de besoin!

De tous les maux dont la nature peut accabler un misérable mortel, aucun, aucun n’a manqué à mon malheureux frère?… Aucun ne m’a été épargné, à moi-même, infortunée, hors la mort, que mon frère a trouvée… Je le vois bien; c’est notre sang qu’il faut aux mânes paternelles; les deux parricides doivent périr: ce que j’ai souffert, n’était qu’une horrible question avant le supplice; mais je suis condamnée, ma sentence est lue; je vois, je vois un juge sévère qui me la montre, et derrière lui un bourreau…

Ah! Dieu! c’est encore Edmond que j’ai cru voir!… En quel état affreux! privé d’un œil et d’un bras; horriblement défiguré!… me montrant par les cheveux la tête sanglante… de ma mère!…

Je ne suis pas à moi, chère sœur, dès que je m’occupe de ces idées, que la présence seule de mon fils a le pouvoir de bannir: mon imagination s’allume, et je crois voir tout ce que je pense…

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