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Lettre 99. Ursule, à Edmond.

[L’infortunée approuve le vice.].

27 février.

Voilà trois jours que tu n’es venu! Cette absence me donne de l’inquiétude! que fais-tu, cher ami?… Si c’était ce que je pense, et que la marquise t’absorbât absolument, je m’en réjouirais! une aventure aussi relevée avec la femme d’un homme, dont, au fond, je suis un peu dépendante, puisque je reçois de lui, rendrait au frère, ce que la sœur perd de sa dignité naturelle: et comme tout nous est commun, les choses seraient dans un juste équilibre. Viens me dire ce qui en est au juste, et surtout, réponds-moi vrai, sur ce que je t’ai déjà demandé dix fois, depuis le mois de janvier: quelle femme est-ce? supposons, que je lui rendisse une visite, ou que je lui écrivisse, comment le prendrait-elle? serait-elle d’humeur à badiner de l’inclination que son mari a pour moi, si j’en badinais la première?… Il serait de la plus grande conséquence, pour ton avancement, que j’eusse quelque liaison avec cette femme, si cela était possible; tant secrète qu’elle voudra tout ce qui nous importe, c’est que je lui parle, ou que. Je lui écrive, de son aveu… Ah! si je pouvais en faire une Parangon!… Mon intention, cher ami, serait de la faire penser à ton avancement.

Ne diffère pas une heure à venir me tranquilliser. Trois jours!… Je sais que tu n’es pas malade; que tu as passé les nuits dehors de chez toi – que tu es sorti paré, parfumé, charmant? Hem? où as-tu été? le saurai-je? Oh oui; tu ne résisteras pas à ta sœur, qui ne veux que te servir…

On doit te remettre ces deux mots à ton réveil. Au plaisir vivement désiré de te voir, et de te voir heureux.

P.-S. – On m’assure qu’elle a été voir mon fils, et qu’elle lui a fait mille caresses. On prétend qu’elle a pleuré, en le voyant si joli. La personne qui me l’a dit en secret, m’assure que depuis ce moment, elle paraît te voir avec plus de plaisir, et qu’il lui est échappé un mot… Devine?… Ces pauvres hommes ce sont leurs femmes qui leur donnent des héritiers… Je t’assure que j’aimerais bien mon neveu.

Lettre 100. Ursule, à la Marquise.

[Comme elle a déjà de l’aisance dans le vice!].

Ier mars.

Madame,

C’est une fille généreuse autant qu’honnête qui vous écrit; une fille qui vous honore, excitée par, la reconnaissance. Je sais indirectement, par certains discours respectueux, échappés à mon frère, que vous faites quelque attention à lui. Soyez assurée, madame, que vos bontés ne pouvaient tomber sur un sujet qui en fût plus digne. Son respect et son dévouement pour votre personne, n’ont pas plus de bornes que vos perfections, et ne peuvent se comparer qu’à l’attachement que j’ai moi-même pour ce frère chéri. C’est d’après cet attachement, le plus tendre qui fût jamais, que vous devez juger la démarche que je fais aujourd’hui. Madame, M. le marquis m’a aimée; et quoiqu’il ne m’aime plus, puisqu’il est votre mari, il a conservé des égards pour moi, auxquels je ne suis pas insensible: mais quelles que soient ma reconnaissance, et ses dispositions, je remettrais son sort entre vos mains, s’il le faisait dépendre de moi, et j’oserais vous demander comment vous voudriez que je le traitasse? comment vous souhaiteriez que j’en agisse avec ses rivaux? Il en avait quelques-uns, qui tous laissent mon cœur libre. Je me voue à vos ordres en tout, lorsqu’il vous plaira de me les intimer: commandez, madame, et si vous m’avez crue la maîtresse de votre mari, soyez mille fois plus assurée que vous êtes la mienne, et que je vous obéirai comme à ma souveraine.

Je suis avec respect, etc.

Lettre 101. Réponse.

[La marquise répond sur le même ton aux impudences de ma pauvre sœur.].

le lendemain.

Voilà, je vous assure, mademoiselle, la correspondance la plus extraordinaire qui se soit jamais ouverte entre deux femmes! Je sais tout ce qui s’est passé entre vous et mon mari: mais je ne sais pourquoi je n’en suis pas jalouse. Peut-être qu’une aussi belle fille qu’on assure que vous l’êtes me force d’excuser le marquis. D’ailleurs il a des torts si grands avec vous, qu’il ne saurait les réparer. Cependant, s’il faut vous parler avec sincérité, je serais la première femme qui, pouvant tourmenter son mari infidèle, s’en abstiendrait par générosité: je ne veux pas de cette vertu, elle ressemble trop à la bêtise. Faites-moi donc le plaisir de le mettre aux abois soyez bien coquette; et si ce n’est pas assez, allez plus loin, pour peu que cela vous amuse. Quant à votre frère, c’est un garçon du premier mérite, et dont je fais un cas infini. Je le prône partout, et cinq à six nouvelles mariées de mes amies en sont folles, mes récits. Ce qui me plaît davantage en lui, c’est sa modestie; il est peu de jeunes gens de sa figure et de son mérite qui aient aussi peu de prétention: cette manière de penser noble et spirituelle fait davantage pour lui que ses rares talents, et que toutes les autres qualités; je ne saurais vous dire à quel point il prend partout: ce qui est une preuve non équivoque de son mérite.

Adieu, mademoiselle: votre lettre augmente les sentiments distingués avec lesquels j’étais déjà.

Très affectionnée à vous servir.

(sans signature.).

P.-S. – Votre fils est un bijou; il est tout R**, je vous jure.

Lettre 102. Ursule, à la Marquise.

[Elle travaille à ruiner le marquis, de concert avec sa femme.].

20 Mars.

Madame,

Votre charmante lettre a été baisée mille fois; elle m’a honorée, flattée à tous les titres possibles. J’espère que M. le marquis vous dira de mes nouvelles; cependant, s’il lui arrivait de se taire, je vais vous faire le tableau de ma conduite avec lui depuis vos instructions.

Dès le lendemain de votre lettre, il trouva chez moi un jeune capitaine de dragons, que j’ai connu page, un financier, un ambassadeur et un abbé. Je m’attachai à montrer des préférences au capitaine, à faire des signes d’intelligence au financier; à marquer une haute considération à l’ambassadeur et à parler souvent à l’oreille de l’abbé; au pauvre marquis, pas un mot; il fut traité en mari, autant qu’il est d’usage. Il s’est prêté de bonne grâce le premier jour; mais les choses ayant continué sur le même pied les jours suivants, et ma compagnie étant augmentée d’un colonel, d’un jeune robin et d’un seigneur de la cour, le marquis a réellement pris de l’humeur. Il s’est plaint, quoique avec discrétion. Je l’ai mal reçu. Il m’a traitée en femme intéressée, il m’a fait des présents; mais avec tant de profusion, que j’en suis honteuse; je me crois obligée à restitution. Je me ferais conscience de dissiper une fortune, dont la moitié vous appartient, madame. Oserai-je vous faire une proposition, et ne vous paraîtrai-je pas indiscrète, en vous priant d’accepter la plus forte portion de mes pirateries.?

J’ai l’honneur d’être, etc.

P.-S. – J’attends vos ordres pour vous faire parvenir ce qui doit retourner à sa légitime propriétaire.

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