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Quatrième lettre du Marquis de***.

Vous êtes charmante, mademoiselle: je vous l’ai déjà écrit plus d’une fois, et mes regards vous l’ont dit plus de cent; mais vous paraissez ne pas faire attention à ce langage éloquent: il faut vous en parler un autre. Je vous ai marqué que j’étais riche; que je suis de condition; je vais aujourd’hui signer cette lettre de mon vrai nom. Je vous adore, et je vous propose tel arrangement que vous voudrez; il n’en est point que je ne tienne, pourvu qu’il vous rende riche et heureuse. Vous me paraissez de l’honnête bourgeoisie, malgré l’air extraordinaire de votre gouvernante, mère, tante, ou bisaïeule, je ne sais lequel, mais si vous cherchez une situation honnête, elle est trouvée; je suis à vous, et vous pouvez disposer de,

Votre dévoué serviteur,

Le marquis de***.

Cinquième lettre.

Mademoiselle, le premier billet que j’ai pris la liberté de vous écrire, est si heureusement parvenu entre vos mains, que j’attendais une réponse; mais votre silence, et de plus exactes observations qu’il a occasionnées, m’ont fait comprendre que je m’étais mépris, non à mes sentiments, qui seront éternels, mais dans l’idée que j’avais prise de vous, par vos alentours. Je serais au désespoir, mademoiselle, de tendre des pièges à la vertu d’une jeune personne honnête, et digne de la plus haute considération, telle que vous êtes en effet: ce qui doit naturellement résulter de la découverte que j’ai faite, c’est non d’éteindre mon amour, mais de régler mes sentiments. Je vous offre un mariage secret, à cause de ma famille, mais cimenté par tout ce que pourront nous dicter des personnes prudentes et désintéressées. Je n’aspire, mademoiselle qu’à vous donner un titre dont vous êtes digne, et si vous me permettez un moment d’entretien avec vous, ou avec quelqu’un dans qui vous ayez confiance, je détaillerai le reste des arrangements, surtout la manière dont je me propose de découvrir à ma famille un mariage, qu’elle ne m’aura pas procuré. Je suis, en attendant l’honneur d’une réponse, très respectueusement, mademoiselle,

Votre très humble, etc.

Voici ma réponse à la seconde de ces deux lettres:

Monsieur, l’honnêteté de votre second billet me détermine à y répondre non pour accepter votre proposition, ce qui serait trop hardi pour une fille de mon âge, et dans la position où je me trouve, mais seulement pour vous remercier de l’honneur que vous me faites: je sais, monsieur, que votre proposition ne peut avoir été déterminée que par des sentiments très honorables pour moi. Cependant, je ne puis que vous en témoigner une stérile reconnaissance, attendu que ma famille a des vues pour mon établissement qui sont très avantageuses. J’ai cru devoir cette réponse à un homme de votre naissance et de votre mérite, qui pense à moi, pour que vous ne preniez plus des peines inutiles. Je suis avec une parfaite considération, monsieur,

Votre très humble,

URSULE R**.

Le lendemain du second billet, ayant aperçu à côté de moi à l’église le laquais qui me l’avait glissé, je l’ai regardé un instant pour lui faire entendre que je le reconnaissais, et tirant aussitôt mon mouchoir, ma réponse est tombée devant lui. Comme elle était cachetée, il a compris ce que c’était; il l’a ramassée très adroitement, et s’est dérobé. Un instant après en levant les yeux de sur mon livre, j’ai vu le marquis devant moi. Il m’a fait à la dérobée, un regard suppliant, auquel j’ai répondu par une légère inclination qui a paru le combler de joie. Les choses en sont là.

Il paraît que l’amant de Mme Parangon, celui dont je t’ai rapporté la lettre, a aussi reçu quelques éclaircissements biscornus; car ne pouvant réussir pour l’aînée, il s’est proposé pour la cadette, avec de magnifiques propositions. Il est vrai que Fanchette devient de jour en jour plus charmante, et je ne suis pas surprise de cette conquête. Il a écrit à sa sœur, et à elle-même. Fanchette se sentant donner un billet, m’a dit tout bas: «On se trompe; je crois que ça te regarde, car je m’aperçois qu’on t’en donne de temps en temps.» J’ai prodigieusement rougi, moi qui me croyais si sûre de n’être pas vue dans mes petits arrangements! Si Fanchette m’avait remis le billet, certainement je le déchirais, mais elle l’a gardé. Lorsque nous avons été à la maison, elle m’a dit: «Vois ce qu’on t’écrit: je ne suis pas curieuse, et je ne demande à rien savoir. – Qui te dit que c’est pour moi? – Mais, je t’en ai vu donner deux, par un laquais, et tomber la réponse en tirant ton mouchoir… Mais lis. – Eh mon Dieu! ma chère fille, c’est pour toi! regarde! – Mais oui! ah! c’est drôle! lisons, lisons:

Lettre de Mlle Fanchette.

J’ai appris ce matin que votre charmante sœur était mariée à un jeune homme très aimable, et qu’elle adore, comme elle en est adorée. Cette découverte me détermine à m’adresser à vous, jeune et charmante personne; je l’écris à madame votre sœur, et je lui propose pour vous les mêmes conditions que pour elle. Soyez persuadée que votre bonheur sera ma seule occupation, dès que j’aurai le bonheur d’avoir une réponse favorable. Je n’ai jamais rien vu de si beau que vos yeux, comme je n’ai rien vu de si voluptueux que ceux de votre sœur: mais il y a des causes pour cela que j’ignorais; il ne faut pas troubler la félicité des cœurs qui sont d’accord. Si vous êtes surprise que je sois instruit, je puis d’un mot faire cesser votre étonnement; je connais un de vos compatriotes, le chevalier Gaudet d’Arras, qui a une jeune et charmante épouse dont les attraits m’avaient d’abord subjugué; mais les femmes de votre pays sont si tendres et si fidèles, qu’en me désespérant par leurs rigueurs, elles me donnent la plus grande envie d’en trouver une qui ait le cœur libre, et que je puisse remplir. Je ne saurais mieux m’adresser qu’à vous qui êtes la sœur de l’ami le plus intime du chevalier: ainsi, vous voyez, mademoiselle, que ce n’est plus un inconnu qui vous écrit, et qui vous offre toute sa fortune et sa personne. Je suis avec respect, mademoiselle,

Votre, etc.

Nous n’avons pas trop compris ce que voulait dire cette fin; car Mlle Fanchette n’a ni frère, ni ne connaît de chevalier Gaudet d’Arras; et il y a bien chevalier, d’ailleurs, il a une jolie femme, et cela nous empêche de conjecturer une erreur dans le mot chevalier. Comme je ne ferme pas ma lettre aujourd’hui, si quelque chose se découvre, je l’y ajouterai.

28 mai.

Depuis la date du commencement de ma lettre, nous avons découvert que c’était à moi, et non à Mlle Fanchette qu’on en voulait: le monsieur m’a parlé, pour se plaindre de ce que je ne lui faisais pas réponse, mais je garde pour moi cette découverte, afin que ma jeune compagne ne dise rien, en se croyant intéressée pour son compte au silence: car j’observe que nous avons beau être sages, et ne pas avoir envie de profiter de nos conquêtes, nous sommes toujours flattées d’en faire, et cela nous occupe très agréablement. Quant au marquis, il a tenté de me faire accepter quelques présents que je n’ai eu garde de prendre. Ah Dieu! je ne le ferais pas, quand j’aurais envie du mariage secret qu’il me propose! Recevoir d’un homme! c’est une honte à laquelle je ne me sens pas disposée à descendre jamais.

Sixième lettre du Marquis, à Ursule,

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