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Lettre 11. Mme Parangon, à Ursule.

[La pauvre dame montre toujours son bon et faible cœur, sans qu’elle s’en doute.].

30 juillet.

Ne m’en veux pas, ma bonne amie, du long silence que j’ai gardé avec toi, quoique je t’eusse promis de t’écrire, et même de te voir bientôt. Ton frère a été malade, après ce que tu sais, puisque M. Gaudet, qui est à Paris, doit t’en avoir parlé. Dispense-moi de tous les détails. J’ai vu Edmond aux portes de la mort: il est meilleur que je ne croyais, et si, je le regardais comme un bon cœur. Ce pauvre garçon! ah, qu’il m’a touchée! Il est à présent à S**, pour achever de se rétablir. J’espère le voir bientôt de retour ici. Le voilà donc libre encore!… Je ne lui dirais pas à lui-même, mais avec toi, ma chère, je puis me donner un peu plus de liberté; car tu vois bien que Fanchette sera ta sœur: commence à l’envisager sous ce point de vue, et que cela te donne la consolation dont tu as besoin. Ma chère Ursule, le terrible lien que le mariage! Lorsqu’on nous le propose, pour ceux ou celles qui nous sont chers, nous devons bien hésiter! et c’est ce que je fais à plus d’un égard. Quant à l’envie que j’ai de voir un jour celui de ton frère avec Fanchette, je m’y livre d’autant plus volontiers, qu’il y a encore le temps de la réflexion. Et puis, j’ai dans l’idée qu’il m’est attaché, qu’il aimera un peu ma sœur par rapport à moi, et un peu aussi parce qu’elle sera fort jolie. N’est-ce pas qu’elle le sera? Dis-le-moi sincèrement, toi qui n’as pas les yeux prévenus d’une sœur? Je ne m’en défends pas; j’aimerais à voir mon frère dans Edmond, et à le nommer du même nom dont tu le nommes… Il vient de me tomber une larme! Hélas! ne le nommerais-je donc jamais de ce nom si cher! Il me semble entendre une voix qui me dit, non!… Mais tout cela n’est que chimères de l’imagination troublée. La mienne l’est beaucoup, et je viens d’éprouver de terribles secousses!… J’irai me calmer auprès de toi, chère amie: prépare-moi un cœur bien tendre pour recevoir tout le mien. Que Paris va m’être agréable avec toi! J’y serai libre; je n’y verrai que ce qui me plaît, mes deux sœurs; tout le reste du monde ne sera rien pour moi. Un jour, ton frère y viendra… Je voudrais que Fanchette eût quinze ans: on est raisonnable à cet âge-là… car je crois que je l’étais: ne l’étais-tu pas aussi? Nous les marierions, et nous serions tous heureux. Adieu, ma fille. Je t’ai bien écrit des choses auxquelles je ne songeais pas en commençant; mais la lettre est faite, et elle partira.

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