Air de la Romance de Gabrielle de Vergy. Premier Couplet. Hélas! qui pourra jamais croire. D’Ursule et d’Edmond les malheurs! Qui, sans pleurer, lira l’histoire. De leurs écarts, de leurs douleurs! Bons, innocents, beaux dans l’enfance, En ce village on les a vus, Mais bonté, charmes, innocence. À la ville se sont perdus. À seize ans, au vœu de son père, Du village partit Edmond: À quinze ans, pleurée de sa mère Ursule a quitté le canton: L’un trouva plus d’une maîtresse, L’autre plus d’un trompeur amant, Et tous deux l’amitié traîtresse. De Gaudet, mauvais garnement. Edmond apprenait la peinture. D’un maître sans religion: Mais la femme vrai mignature, Était une perfection: Par malheur elle était absente, Quand dans la maison il entra; Fine cousine, bonne servante. En place d’elle il y trouva. Edmond eut le malheur de plaire. À la jeune et belle Manon: Enceinte elle était, quoique fière, Du fait du rusé Parangon: Ce fut pour couvrir cette faute. Qui lui devait ôter l’honneur, Que cette fille vaine et haute. Usa d’un talent suborneur. D’abord, avec grande insolence, Elle humiliait Edmond: Puis avec grande complaisance. Rechercha son affection: De Gaudet elle eut l’entremise; Il ne fait cas d’un paysan; À bout il mène l’entreprise, Et le trompe en le corrompant. Mais de cet aimable jeune homme. La naïveté le séduit; De biens il ne veut pas qu’il chomme, Et son intérêt le conduit: Edmond simple comme au village, De Gaudet consent au vouloir; Comptant faire un bon mariage, Il donne dans le pot au noir. Du vil séducteur de sa femme, Il résolut de se venger; Par un amour digne de blâme, Il voulut se dédommager. Or belle et sage était la dame, Longtemps il sut la ménager; Mais il méditait dans son âme, De l’adoucir, pour l’outrager. Ursule alors vint à la ville, Avec madame Parangon; Contre Edmond ce fut un asile, Ainsi que la tante Canon: Puis avec l’aimable Fanchette, Toutes allèrent à Paris; Mais de loin sa flâme sécrète. Encor plus troubla ses esprits. Cependant il revoit Edmée. Il est séduit par Madelon; Sans oublier sa bien-aimée; Il courtise chaque tendron. L’une à l’apport il a connue, À l’autre Gaudet l’a lié; Pour femme l’une est bien venue, L’autre sert à la volupté. La belle dame qui projette. De lui faire épouser sa sœur, Veut le sauver d’une coquette, À la grisette ôter son cœur: De la jeune et belle Fanchette. Elle veut qu’il soit amoureux; Hélas! l’innocente brebiette. Se livre à ses coupables feux! Un jour étant seule avec elle, Il vint se mettre à ses genoux. – Pour mon malheur vous êtes belle, Car je vais périr, de vos coups: Mais d’amour s’il faut que je meure, Ne vous en applaudissez pas! Cruelle! je veux tout à l’heure, Venger ma mort sur vos appas! Furieux, sur elle il s’élance, Il brave et ses pleurs et ses cris. Il la presse avec violence, Il contient ses membres meurtris: Alors employant la prière, Elle invoque son amitié! – Non, répond-il, âme trop fière, Pour l’amour tu fus sans pitié! De cette dame la ruine. D’Edmond ne fut le coup d’essai: Trompant Laurote sa cousine, Avec son sang il a méfait: Sa femme ayant su l’aventure, Dans un tel chagrin elle entra, Que par un fait contre nature, Sur elle-même elle attenta. Cependant, Ursule coquette. Avait des galants à Paris: De tous écoutant la fleurette, Elle recevait leurs écrits. Mais une peine méritée, De ses écarts fut le guerdon; D’un marquis elle est enlevée, Et Dieu la laisse en abandon. Aussitôt Edmond plein de rage. Du tort qu’on a fait à sa sœur, Court à Paris venger l’outrage. Qu’elle a reçu dans son honneur. Lui, qui blessa par adultère, D’un autre époux les droits acquis, Il ne songe dans sa colère. Qu’à battre en duel le marquis. Après avoir par sa victoire, Satisfait son ardent courroux, De la plus véritable, gloire. Il ne se montre point jaloux. Ses torts au marquis il pardonne, Et de la marquise amoureux, Par Ursule qu’il abandonne, Il se fait servir dans ses feux. Tous deux dans le libertinage, On les vit marcher à grands pas. Mais la sœur, plus faible et moins sage, Alla plus loin, tomba plus bas. Par Gaudet étant pervertie, Elle commit mille forfaits… La pensée en serait salie, Si la langue en disait les traits. Mais Dieu la frappa la première, De sa toute-puissante main, Pour avoir fait tomber son frère, Comme l’Ève du genre humain. Un méchant, contre elle en furie, Par ses gens la fait enlever; À son porteur d’eau la marie, Par son nègre la fait forcer! Par ses valets elle est moquée, Pour arroser porte de l’eau; Dans une mare elle est plongée, On la vêt d’habits en lambeaux. Pour lui faire signer la vente. De tout ce qu’elle posséda, Du pied, d’une main assommante. Le porteur d’eau l’écalventra. De mille horreurs l’infortunée. Fut la victime en ce séjour: Au nègre elle est abandonnée, On l’enferme dans une cour: Comme une chienne elle est traitée; On la met dans le même endroit; Par le nègre elle en est tirée; Par le poignard elle s’en défait. On le découvre, elle est parée, Pour être mise en mauvais lieu; On la lie, elle est bâillonnée, On la descend chez la R ’nidieu . Aux libertins elle est livrée, À la luxure on l’asservit; S’elle diffère, elle est châtiée, Sur elle chacun s’assouvit. |