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Lettre 146. Gaudet, à Zéphire.

[Il loue la vertu!].

12 septembre.

Nous fondons en larmes; vous venez de briser nos cœurs!… Enfant, qui m’étonnes, et de qui j’attends tout un jour pour mon ami, dis-moi, où as-tu pris ta vertu!… Elle est naturelle à l’homme, tu me l’as prouvé. Innocence, pureté, naïveté, candeur, générosité, charité, tu as toutes les vertus, et jusqu’à la prudence, si parfaite pour ton âge, qu’elle surpasse la nôtre à tous! où les as-tu prises, ces vertus, dis-le-moi! Ah! c’est dans ton cœur! c’est du saint auteur de ton être que tu les tiens! Toi, toi, née d’une…, élevée pour la prostitution, nourrie au…, soumise dès ton enfance à la corruption, tu es pure! ton âme céleste a toute son originelle beauté!… Chef-d’œuvre de la nature qui me montres enfin l’espèce humaine, dans toute sa bonté possible, tu forcerais à aimer la vertu le scélérat le plus endurci; l’assassin prêt à tremper ses mains dans le sang, laisserait, à ta vue, tomber le poignard; après t’avoir entendue, il serait le défenseur de sa victime… Tu as éteint dans Edmond la frénésie de la crapuleuse débauche; tu l’as ramené, mieux que toute ma philosophie, à des sentiments d’estime de lui-même; tu l’as changé. Ange céleste, aujourd’hui tu sais plus sur Ursule que nous tous; tu la rends à la raison, à la nature: viens la voir; viens la pénétrer, nous pénétrer tous de ta précieuse innocence… Je suis bon, sensible; je me connais à ces vertus: j’approche quarante ans…, tu n’en as que quinze; mais tu y es mon maître. Viens m’en donner des leçons: je les recevrai à genoux, loin de toi pourtant; ces charmes que tu as arrachés au vice, ne doivent être vus qu’avec une respectueuse admiration.

À ce soir.

Le bourreau de Filippa, mais le vengeur d’Ursule.

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