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Lettre 26. Ursule, à Fanchon.

[Elle parle imprudemment au marquis, qui lui annonce ce qu’il veut faire pour l’avoir à lui.].

31 août.

Les heureuses nouvelles, que tu me donnes, chère sœur, m’ont causé la joie la plus vive: j’ai senti combien je vous aimais, par l’intérêt que j’ai pris à tout ce qui vous regarde. Je suis au comble de la joie, qu’Edmée soit ma belle-sœur, et (je te le dis tout bas), que ce n’ait pas été en devenant femme d’Edmond; je lui en aurais un peu voulu avec cette qualité, au lieu qu’à présent, je n’ai rien qui m’empêche de me livrer à mes tendres sentiments pour elle et pour sa sœur que je te remercie de m’avoir fait connaître, par tes peintures naïves. Avec cette lettre, je t’en envoie deux autres pour les deux sœurs: je n’ai pu les leur adresser, n’étant pas suffisamment instruite de la manière de mettre l’adresse.

Je t’avouerai, ma chère bonne amie sœur, que je commence à concevoir de grandes espérances pour mon frère Edmond, ou pour moi-même. Le marquis trouve souvent le moyen de me parler: avec de l’argent on fait tout, en ce pays-ci. Hier, il m’a juré que si je consentais au mariage secret qu’il m’avait proposé, il ferait quitter la peinture à mon frère, et lui donnerait d’abord une lieutenance dans son régiment, et de là, le ferait monter rapidement au grade de capitaine. Cette promesse m’a flattée: qu’il serait charmant en uniforme! Le marquis voyant que je ne me déridais pas, il m’a dit en riant: «Voulez-vous donc me réduire à faire de vous une héroïne de roman? à vous faire enlever?» J’ai répondu en riant aussi que c’était un rôle auquel je ne me sentais point appelée. Tu vois que je lui parle. En vérité je n’aurais pas eu cette complaisance pour un homme, dût-il me faire duchesse; mais, quand on a parlé d’illustrer le nom de mon père et de ma famille, dans un frère que j’aime si tendrement, j’ai prêté l’oreille, et j’emploie de petites finesses pour me dérober à mes deux surveillantes; car je me cache autant de Fanchette que de Mme Canon, par des motifs qui ne sont pas les mêmes, comme tu penses. Ce n’est pas que je ne pusse engager Fanchette au secret: elle m’aime assez pour cela; mais je m’en fais scrupule. Si elle est femme de mon frère un jour, je veux qu’il la reçoive pure, comme elle est sortie du sein de sa mère, autant pour le corps que pour la pensée. C’est en allant seule à l’église, et aux dévotions de, ce pays-ci (et non pas quand je vais aux spectacles), que je trouve moyen de parler au marquis; mais ce n’est jamais que deux mots, en passant; je parais en crainte, lors même que je n’y suis pas. Adieu, ma chère bonne amie sœur: tu cachetteras les deux lettres.

Lettre d’Ursule, à Catherine.

Celle-ci, ma très chère sœur, est pour vous témoin la joie que j’ai ressentie, en apprenant le bonheur de mon frère Georget, et qu’une aussi méritante personne que vous l’êtes était entrée dans notre famille. Permettez-moi de m’en féliciter, et de me recommander à votre tendre affection de sœur, dont je désire ardemment que vous m’honoriez. Je suis, avec le plus sincère attachement, ma très chère sœur,

Votre, etc.

De la même, à Edmée.

C’est avec le plus vif empressement, très chère sœur, que je saisis le premier moment où je suis instruite de votre mariage avec mon frère Bertrand, pour vous exprimer combien j’en suis glorieuse et satisfaite. Je ne vous ai qu’entrevue une fois à Au**: mais c’en est assez, pour que je sache que vous êtes au-dessus de tous les éloges que me fait de vous la très chère sœur, épouse de notre aîné; si vous entrez dans une famille où le sang est assez beau, vous y apportez une dot dans le même genre, qui est bien précieuse; et l’on peut dire, que de toute façon, c’est vous qui êtes la plus riche: car je sais que vous y joignez celle des vertus, ainsi que votre chère sœur et la mienne, dont on m’a fait un portrait si avantageux, que je brûle d’envie de vous voir l’une et l’autre. Le récit des attentions de notre bonne mère, et la peinture de l’amitié qu’elle a pour vous, en me persuadant de plus en plus de votre mérite, m’inspirent à votre égard le plus fort attachement possible, et même de la reconnaissance; car je crois en devoir infiniment à quiconque, comme vous, très chère sœur, procure une satisfaction complète aux chers auteurs de mes jours. Puissé-je de mon côté leur en donner, et à vous tous qui composez ma famille, une assez vive et assez pure pour augmenter le bonheur dont vous jouissez. C’est le vœu le plus ardent de celle qui se dit avec les plus tendres sentiments, très chère sœur,

Votre affectionnée sœur et amie.

P.-S. – Mon aimable compagne, Mlle Fanchette, à qui j’ai parlé de vous, comme je le devais, se joint à moi, pour vous faire mille amitiés; elle espère que nous nous verrons tous quelque jour réunis sous les yeux de notre digne père et de notre bonne mère, pour goûter le plaisir de nous voir, de nous aimer, et de nous le dire: ce sont les termes dont elle se sert. Et en vérité, il ne vous faudra pour la chérir (je pourrais dire l’adorer), que la voir un instant; elle est, ainsi que vous, toute beauté, toute grâce, et toute bonté. J’en suis idolâtre; et il faut que je l’aime autant que je le fais, pour vivre sans ennui dans l’éloignement de tous ceux à qui je tiens par le sang et par l’amitié. Elle va signer avec moi.

FANCHETTE C**.

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