Lettre 143. Zéphire, à Laure.
[Comment se termine l’horrible vengeance de Gaudet.].
1er septembre.
Le vieillard avait retrouvé sa fille: l’infortunée!… Il avait résolu de la poignarder. Un domestique, touché de compassion, a procuré à la signora le moyen de s’évader! Elle a fui et est tombée entre les mains du secrétaire du prince de**, qui ayant su qui elle était, se proposait d’en prendre soin. Mais vers le soir du jour même de sa fuite, son père a découvert sa retraite. Il s’y est rendu, et a obtenu du Prince qu’on lui remît sa fille. Dès qu’il l’a eue en son pouvoir, il l’a empoisonnée dans la première chose qu’elle a prise. Comme elle ne cherchait qu’à fuir, elle en a trouvé l’occasion: elle est venue chez nous, où les douleurs l’ont prise. Elle n’a vécu que douze heures. Gaudet l’ayant su, il est accouru avec Ursule, et a cherché à lui sauver la vie: mais en vain, elle est morte entre nos bras. Il vient de renvoyer cette nuit son corps à son père. Quel homme! C’est un tigre féroce. Je suis encore épouvantée de tant d’horreurs!…
2 heures après.
Ursule, instruite de tout, vient de se mettre en fureur contre Gaudet, qu’elle a nommé son corrupteur, l’auteur de sa perte: elle lui a reproché des lettres qu’il lui a écrites; elle l’a maudit. «Je le mérite (a-t-il répondu); car la lettre où je me démens, a été écrite trop tard. Cependant vous l’avez lue?» Ursule a dit qu’elle ne savait ce qu’il voulait dire. Laure en était chargée. Elle l’a peut-être encore. Ursule a pleuré. Elle doit vous demander cette lettre. Je serais charmée de la voir aussi: copiez-la-moi, je vous en prie.