Lettre 58. Ursule, à Laure.
[Elle désire d’épouser le marquis, et se plaint de ce que Gaudet s’y oppose.].
15 juillet.
Quoique vous en disiez, les raisons de Mme Parangon valaient mieux que les vôtres; je le sens à n’en pouvoir douter. Cependant elle s’y est rendue, et au moyen de ce que la nourrice demeurera ici, je puis me donner les mêmes avantages, que si je nourrissais mon fils. Le marquis m’impatiente, Edmond aussi; je les brusque tous deux. Il n’y a qu’une chose à me dire, au lieu de fadeurs; un ban à l’église, et un contrat chez le notaire. Je vis le marquis avec plaisir, au retour du baptême; et en vérité, s’il avait eu de l’esprit, c’était le moment de me parler mariage il n’en dit pas un mot. Aussi dut-il s’apercevoir de ma froideur, lorsqu’il nous quitta. Je souhaiterais que M. Gaudet voulût me servir un peu à ma manière, plutôt qu’à la sienne. Je ne suis pas contente de notre dernier entretien. Je te prie de lui dire cela sérieusement. Ce qu’il me propose est trop éloigné de ma façon de penser et de mon caractère; il a fallu tout ce que je lui dois de considération, pour m’empêcher de lui répondre durement. J’ai résolu de feindre d’aimer le conseiller, pour exciter la jalousie du marquis. Ce mariage tant offert il n’en est plus question! Cela me pique. C’est le moment à ma première sortie, et je ne devrais quitter ma chambre, que pour aller à l’autel. Voilà ce que je veux: dis-le à M. Gaudet.
P.-S. – Il m’a fait entendre qu’il avait eu part à mon enlèvement si je n’épouse pas, quel était donc son but?