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Que j’aime cette bonne dame! qui sait si bien me faire aimer ce que j’aime tant déjà!

Voici à présent la lettre de l’ami d’Edmond que je vous ai promise.

Lettre de Gaudet, à Edmond,

conservée par Fanchon.

Mon très cher ami,

Au lieu d’employer de vaines consolations, comme les amis vulgaires, j’ai couru à la source du mal: je me suis emparé de l’esprit d’une mère désolée et d’une fille innocente, dont l’une ne savait que se lamenter à grand bruit; et dont l’autre, vierge encore d’esprit, s’étonnait de la désolation qu’elle voyait autour d’elle: «Car enfin (c’est l’innocente qui parle), faire un enfant n’est pas tuer un homme, ni voler, ni piller, ni mettre le feu, ni battre, ni même seulement dire des injures à quelqu’un: j’en ai vu qui en ont fait, et elles en ont été quittes, pour une chanson qu’on a composée sur elles.» Surpris de ce langage, j’ai voulu pénétrer dans l’âme de la jeune personne et y voir, s’il était bien vrai que ce fût toi qui l’eusses mise dans l’embarras; et tu penses que je n’ai pas eu de peine à l’amener à me dire ce que je désirais. Mais vu son innocence, elle m’a instruit, sans le savoir: j’ai profité de mes avantages sur cette enfant pour lui faire signer, à l’insu de sa mère, une lettre à tes parents, qui est incluse dans celle-ci, par laquelle elle s’accuse de t’avoir injustement chargé de la moitié de sa faute. Mon motif, dans cette démarche, est louable doublement; c’est de te réconcilier avec ta famille, par la certitude de ton innocence, et de rendre la tranquillité à ton épouse: aussi n’ai-je pas perdu un seul moment, et j’ai préféré de partir sans te voir, à te voir sans te servir. Adieu, cher Edmond; et ne te laisse pas prévenir: car j’ai bien des ennemis! mais ton inexpérience est le plus dangereux.

P.-S. – Ostensibilem hanc epistolam feci .

Lettre de Laure, aux parents d’Edmond,

(dictée par Gaudet).

Mon cher cousin, et ma chère cousine,

Je vous écris ces lignes à l’insu de ma mère, afin de vous tranquilliser au sujet de mon cousin Edmond, que j’ai eu la faiblesse d’accuser à ma mère, crainte d’être battue: mais la vérité est que ce n’est pas lui qui m’a mal-fait; bien au contraire: car c’est en revenant un jour du marché à V***, que m’étant arrêtée sous des vernes et des aulnes à l’ombre, et m’étant endormie, pendant que Robin broutait d’appétit, je m’éveillai à ce que me faisait un gros blatéyer, qui m’avait surprise, et dont je ne pus me défendre. Mais comme je ne savais pas ce que c’était, je ne fus pas si en colère que je l’aurais cru, et je n’en dis rien tant seulement à ma mère, jusqu’au moment où elle l’a deviné, et qu’avant tout, elle a été tout justement me nommer mon cousin, en disant: «Encore si c’était lui!» Et moi, entendant ça, j’ai dit, que ce l’était. Ensuite elle a appris qu’il était marié; ce qui a fait tout le bruit. Voilà tout mon cher cousin et ma chère cousine: ainsi je vous prie de n’en point vouloir à mon cousin Edmond. J’ai l’honneur d’être avec respect,

Votre très humble et très obéissante servante,

LAURE C***.

Vous voyez, chère sœur, que c’est bien malheureux qu’on ait accusé le pauvre frère Edmond!

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