Votre, etc.
J’ai renvoyé le présent, qui m’avait été glissé à l’église, et j’ai eu le temps de dire au laquais, avant d’avoir lu la lettre, que je ne prétendais pas mortifier son maître par un refus, mais lui faire entendre que je ne pouvais rien accepter. J’ai gardé la lettre très sciemment: aussi, lorsque le marquis s’est offert à ma vue, ne m’a-t-il paru qu’affligé, mais nullement en colère. Le même jour, mon petit page s’est trouvé tout près de moi, comme je montais la dernière en carrosse, et il m’a dit: «Je suis lieutenant d’hier; je ferai mon chemin rapidement, si vous voulez me faire seulement la promesse de m’être fidèle? – Allez, lui ai-je dit, je vous attends lieutenant-général, et alors nous verrons.» J’ai lâché cela pour m’en débarrasser, et même, je l’avoue, pour ne pas éteindre l’envie de bien faire dans un jeune gentilhomme. Il l’a pris au sérieux; il a baisé ma robe, comme j’entrais dans la voiture, et je l’ai vu très satisfait. J’en suis charmée; avant qu’il en soit là, il m’aura oubliée, et je ne lui aurai pas fait un refus trop dur: car je n’aime causer de peine à personne.
Je ne te dirai rien de mes autres amants, pas même de mon financier, tout risible qu’il est. Mais je t’avouerai que j’ai copié une partie de ta lettre pour montrer à différentes personnes d’ici les amours de notre bonne sœur Brigitte: on les a trouvées plaisantes, et l’on en a beaucoup ri, à l’exception de Mme Parangon, qui les a louées, avec une sorte d’attendrissement. Elle m’a dit tout à l’heure qu’elle devait écrire à Edmond, et cette confidence a été accompagnée d’un soupir, qui m’a fait comprendre qu’il lui donne quelques nouveaux chagrins. J’ai témoigné de l’inquiétude; et il m’a semblé, par sa réponse, qu’Edmond contrarie encore son plan favori. Il faut que ce soit cette voisine de Mme Parangon, dont tu m’as dit un mot; car pour Edmée, quoique très aimable, Mlle Fanchette, qui la vaut au moins pour la figure, la passe pour la naissance, la fortune, et toutes les autres convenances.
P.-S. – La tristesse de Mme Parangon l’engageant à se dissiper, je t’apprendrai que nous avons été à une belle comédie, qui m’a fait répandre des larmes. C’est Laure qui nous en a donné l’idée, en m’offrant sa loge; j’en ai parlé à Mme Parangon, qui d’abord ne s’en souciait pas, mais qui ensuite nous a donné cette marque de complaisance à sa sœur et à moi. Le titre de la pièce est la Gouvernante , et Mme Canon la trouve bonne.