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Et depuis ce moment, que nous voyons la conduite d’Ursule, nous en sommes dans l’édification! car c’est la conduite d’une sainte: et notre bonne mère surtout l’admire, et la regarde comme avec respect. Le lendemain de l’arrivée, notre bonne mère, notre père lui-même, et nous tous étions bien curieux d’entendre la relation : Mme Parangon, qui l’avait vue, ne savait qu’en dire, et elle n’y paraissait pas encline. Mais Ursule ayant entendu notre désir, elle a demandé à nos père et mère leur heure, pour qu’elle la lût elle-même. Et ils ont dit: «L’après-midi, en sortant de table.» Et quand on a été hors de table, Ursule s’en est allée dans sa chambre, bien un quart d’heure, et elle est revenue, n’ayant plus rien de son arrangement, mais la tête couverte d’une grosse coiffe noire, avec une robe de deuil, tenant un papier à la main. Et elle s’est mise à genoux devant nos père et mère, la tête baissée, commençant à lire en toute humilité, les yeux humectés de larmes. Cet écrit était composé de plusieurs lettres; la première à notre pauvre Laure, aujourd’hui revenue à elle ( la CXXVI), d’une autre lettre à la même, qui est la suite (la CXXVII); d’une troisième encore à la même (la CXXVIII); de deux autres à Edmond (les CXXIX et CXXXIII); et enfin d’une lettre de l’infortunée à Zéphire (la CXXXVI)…

(Fanchon copiait ici toutes ces lettres.).

Pendant qu’Ursule a lu la première lettre, notre, père paraissait enflammé; il ne se pouvait tenir tranquille, et la colère étincelait dans ses regards. Notre pauvre mère, elle, fondait en larmes, levait au ciel ses mains jointes, ou les tenait baissées, comme de honte. Tous nous autres étions dans un état terrible, et le moins méchant d’entre nous, aurait, je crois, tué ces gens-là. Comme la colère et le révoltement de cœur nous changent! Ça m’a fait penser comme les deux infortunés, Edmond surtout, ont tant fait d’actions emportées! je ne le pouvais comprendre auparavant… À l’article du nègre tenant le poignard, et… Oh! oh!… Chacun de nous a poussé un cri; notre père s’est levé: notre mère s’est quasi évanouie, et Mme Parangon a dit qu’il fallait cesser la lecture. «Non, non», a dit rudement notre père. Ursule a continué. Et quand on l’a crue imbécile, logée dans la loge du dogue… nous avons tous frémi!… Pour moi, je sentais un frissonnement d’horreur et de saisissement. J’ai alors jeté les yeux sur mon mari. Il ne pleurait pas. Il était à côté de Mme Parangon, la tête appuyée sur une main, se couvrant les yeux de l’autre. Ursule a continué les horreurs; et elle est bientôt venue à la mort du nègre. Nous avons tous éclaté de joie – notre père s’est encore levé aussi transporté, comme s’il eût frappé lui-même le monstre. Nous avons retremblé quand on l’a eu découvert, et quand on a habillé Ursule; quoique nous l’eussions devant nos yeux, nous croyions qu’on allait la mener à la boucherie. Mais nous avons eu une sombre douleur, quand nous l’avons vue… Le reste nous a navré le cœur… Jusqu’à la lettre: «J’avais jeté mes plumes», qui nous a fait fondre en larmes, comme la lisante. Et celle «petite chère amie!» qui nous a fait aimer cette Zéphire, sans songer à ce qu’elle a été; car elle est la bonté même, ce qui efface tout… Mon Dieu! que la pauvre Ursule a souffert!… Quand elle a eu fini de lire, elle s’est reprosternée, devant Dieu d’abord, ensuite devant nos père et mère, en leur disant: «Vous venez d’entendre la confession de mon infamie et de ma turpitude, dont je demande pardon à Dieu, et à vous, mon cher père, et à vous ma tendre mère, qui m’avez portée dans votre sein, et que j’ai déshonorée autant qu’il a été en moi: vous suppliant tous deux de m’infliger la peine que je mérite, afin que mes crimes soient punis en ce monde, et que je puisse obtenir en l’autre la miséricorde du Seigneur…» «Mes chers frères et sœurs (a-t-elle ajouté, voyant que notre père ne répondait pas), je vous demande aussi à tous pardon, vous suppliant d’intercéder pour moi auprès de vos chers père et mère, que je n’ose nommer miens en ce moment.» Et tous nous sommes tombés à genoux priant pour elle. Et notre père a dit: «Le pardon est dans le repentir, ma fille: levez-vous, et embrassez un chacun de vos frères et sœurs…» Et quand elle nous a eu embrassés, il lui a tendu la main, qu’elle a baisée, et il lui a dit: «Allez à votre mère; car son cœur vous désire.» Et notre bonne mère a reçu la pauvre Ursule dans ses bras, en sanglotant, et l’embrassant, disant: «Dieu te pardonne, ma chère enfant, et t’aime comme je fais! ainsi soit sa sainte volonté!…» Voilà comme s’est passée cette lecture tant souhaitée!

Nous avons aussi eu une confidence, Mme Parangon et moi, au sujet d’une disposition qu’a cette dame, qui nous serait aussi honorable qu’avantageuse; cela regarde Edmond et le mariage. C’est en dire assez pour le présent; vu qu’il y a loin d’ici là, attendu que nous ne savons à présent comme pense Edmond. Ursule repartira avec Mme Parangon, dimanche prochain; mon mari les conduira. Je suis avec la plus forte affection de sœur, etc.

N. Mme Parangon écrivit à Edmond le 15 juillet suivant; Ursule s’y joignit, mais la lettre fut interceptée par Zéphire: c’est la CLVIIème du PAYSAN). Un an après Edmond apprit du P. Gardien que sa cousine lui avait écrit (CLXIème lettre du PAYSAN); mais il prit cela d’une manière fausse, quoique conforme à ce qu’il méritait (CLXIIème lettre du PAYSAN). Mme Parangon écrivit une autre lettre le 6 novembre 1759, qui fut encore retenue par Zéphire. Au mois d’août 1760, je suppliai Mme Parangon de nous avoir des nouvelles de mon pauvre frère: elle me fit réponse qu’elle lui écrivait. Sa lettre fut répondue par Mme Zéphire. Enfin le 24 janvier, Edmond m’écrivit (la CLXXXIXème lettre du PAYSAN). Pendant ce temps-là, il n’arriva rien à Ursule, qui vivait pénitente chez Mme Parangon, avec Mlle Fanchette, Mme Canon étant morte, comme on l’a vu.

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