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Mercredi matin, Lagouache était furieux contre moi. Il a demandé à déjeuner ensemble. Je m’y suis prêtée. Il a gardé un morne silence, qui m’effrayait, et j’ai commencé à me repentir sérieusement de m’être mise à la merci d’un tel homme… Ma chère Laure, je te l’avoue, j’ai eu une faiblesse avec lui, mais dans ma position actuelle, j’aimerais mieux mourir… Il s’en est allé après le déjeuner. Nous avons dîné et soupé à la même table. Le lendemain jeudi, même conduite, si ce n’est que nous avons dîné chez nos voisins. On est veau jouer, chez nous jusqu’au souper. On a repris le jeu après avoir quitté la table, jusqu’à la messe de minuit, où j’avais des raisons de ne pas aller. Lagouache a feint de se trouver incommodé; sans doute pour se donner un prétexte de ne pas accompagner nos voisins: je n’ai eu aucun soupçon, croyant sentir ses motifs; il a demandé la permission de se retirer dans sa chambre, pour aller se mettre au lit. J’ai voulu aussitôt quitter le jeu. Il m’a priée instamment de n’en rien faire, et de continuer à m’amuser, Nos voisins ont eu la discrétion de se retirer dès que le tour a été achevée je suis rentrée dans ma chambre, et je me suis mise au lit avec, Marie. J’étais à peine endormie, que j’ai entendu quelque mouvement, qui m’a éveillée, c’était Marie, qui se remuait, se retournait. Je lui ai demandé ce qu’elle avait, et pourquoi elle m’empêchait de dormir! «Vous dormiez donc, madame? – Belle demande! Allons, tâchez de vous tenir tranquille. – Mais c’est vous qui avez commencé.» Je n’ai rien compris à cela, et nous avons tâché toutes deux de retrouver le sommeil: je n’ai pu y parvenir; et Marie, de son côté, n’y ayant pas plus réussi que moi, ou peut-être voulant s’assurer de quelque chose, elle a feint de dormir profondément: ce qu’on entendait à sa respiration forte. Au bout d’une heure environ, j’ai senti Marie, qui cherchait mes mains: elle a les trouvées toutes deux, dans une position qui lui a fait voir que je ne l’avais pas touchée. Elle s’en est assurée encore; et ne pouvant plus douter, elle m’a donné de petits coups pour m’éveiller.»Que voulez-vous, lui ai-je dit? – Madame, a-t-elle répondu fort bas, monsieur est ici: voyez ce que vous voulez faire? – Restez à côté de moi, quelque chose qui arrive. – Mais c’est, madame, qu’il me fait des choses…, J’ai compris ce qu’elle voulait dire, et je lui ai fait prendre certaines précautions, que j’ai aussi employées pour moi-même. Nous sommes restées ainsi tranquilles, sans oser nous endormir: causant ensemble, de choses indifférentes. À minuit, à l’instant, où l’on a entendu tout le monde partir pour aller à la messe, Lagouache, qui se tenait caché dans la ruelle de mon lit, est venu se jeter sur moi, repoussant Marie si rudement, qu’il l’a fait tomber à terre: surprise et sans défense, j’allais être la victime de sa brutalité, car il était parvenu à me couvrir la bouche. Marie n’osait crier; cependant, je tâchais de l’encourager à ma défense par des mots inarticulés. Elle m’a comprise, et par ses efforts, elle est parvenue à me dégager. J’ai sauté hors du lit, et prenant mes habits avec moi, je me suis enfermée dans mon cabinet, où ma première pensée a été de m’habiller promptement. Je l’étais à demi, lorsque j’ai fait attention aux cris étouffés de Marie, car auparavant, je pensais que c’était une querelle entre elle et Lagouache; cette pauvre fille était nue; elle est jeune, et assez jolie: le malheureux, qu’elle tenait embrassé, pour me donner le moyen de m’échapper, la trouvant à sa portée, parce qu’elle ne soupçonnait pas son dessein, a tourné sa rage contre elle… et elle a été la victime de son zèle pour sa maîtresse… Je suis accourue à son secours. Mais… il n’était plus temps. J’ai vu M. Lagouache, fier de son indignité, se retirer, en disant qu’elle venait de payer pour moi. Ce trait est infâme, et je ne saurais dire combien je suis peinée d’avoir pris à mon service cette pauvre fille, déjà trompée par les hommes, pour lui causer un second embarras, qui achèvera peut-être de la perdre. Car ne nous flattons pas, ma cousine; quand les filles ont éprouvé ce cruel affront, elles n’ont plus la même délicatesse, ni la même vertu, si elles en conservent encore. J’ai tâché de, consoler Marie. Mais, elle est au désespoir, et depuis ce moment je ne puis parvenir à la calmer. Lagouache a osé paraître devant moi. Je l’ai traité comme il le méritait. Il s’est mis à ricaner. Je l’aurais souffleté, s’il avait été à portée de ma main, ou que je n’eusse pas craint de me donner l’air d’être sa femme, en lui sautant au visage. J’ai pris ma résolution de le quitter ce soir: il est moins sur nos pas depuis son infamie; je prépare nos paquets, et je n’attends que ta réponse. Je t’envoie Marie, tandis qu’il est sorti, à la brune, enveloppé dans son manteau. Tâche qu’il ne me retrouve pas ici.

À ce soir, chère Laure.

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