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Il se releva en soupirant.

— Retourne-toi, j'ai pas envie que tu voies mes dessous...

— Oh, j'ai pas besoin de les voir pour les imaginer... Philibert, lui, il doit être plutôt caleçons rayés, mais toi, je suis sûre que tu portes ces petits boxer shorts de chez Hom bien moulants, avec des trucs écrits sur la ceinture...

— Que tu es forte... Allez, baisse les yeux quand même...

Il s'activa, alla chercher sa demi-bouteille de poudre et s'accouda sur la machine :

— Enfin, non, t'es pas si forte que ça... Sinon tu ferais pas des ménages, tu ferais comme ce mec, là.. Tu bosserais...

Silence.

— T'as raison... Je ne suis forte qu'en slips...

— Eh, c'est déjà pas mal, hein ?! Y a peut-être un créneau à prendre... Au fait, t'es libre le 31 ?

— T'as une fête à me proposer ?

— Non. Du boulot.

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— Pourquoi, non ?

— Parce que je suis nulle !

— Attends, mais on va pas te demander de faire la cuisine ! Juste donner un coup de main pour la mise en place...

— C'est quoi la mise en place ?

— C'est tout ce que tu prépares à l'avance pour gagner du temps au moment du coup de feu...

— Et là, il faudra que je fasse quoi ?

— Éplucher des châtaignes, nettoyer des girolles, dépiauter et épépiner des grains de raisin, laver la salade... Enfin, plein de trucs sans intérêt...

— Je suis même pas sûre d'y arriver...

— Je te montrerai tout, je t'expliquerai bien...

— T'auras pas le temps...

— Non. C'est pour ça que je te brieferai avant. Je rapporterai de la came à l'appart demain et je te formerai pendant ma pause...

— ...

— Allez... Ça te fera du bieft de voir du monde... Toi tu vis qu'avec des morts, tu causes qu'avec des mecs qui sont plus là pour te répondre... T'es tout le temps toute seule... C'est normal que tu tournes pas rond...

— Je tourne pas rond ?

— Non.

— Écoute. Je te le demande comme un service... J'ai promis à mon chef que je lui trouverais quelqu'un pour nous aider, et je trouve personne... Je suis dans la merde, là...

— ...

— Allez... Un dernier effort... Après je me casse et tu ne me verras plus jamais de ta vie...

— J'avais une fête de prévue...

— Tu dois y être à quelle heure ?

— Je sais pas, vers dix heures...

— Pas de problème. Tu y seras. Je te payerai le taxi.

— Bon...

— Merci. Retourne-toi encore, mon linge est sec.

— Il faut que je m'en aille de toute façon... Je suis déjà en retard...

— OK à demain...

— Tu dors là ce soir ?

— Non.

— T'es déçue ?

— Oh, mais que tu es looouurd comme garçon...

— Attends, je dis ça, c'est pour toi, hein ! Parce que pour les slips, c'est pas sûr que t'aies raison, tu sais ?

— Attends, mais si tu savais comme je m'en fous de tes slips !

— Tant pis pour toi...

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— On y va ?

— Je t'écoute. C'est quoi ça ?

— De quoi ?

— La mallette ?

— Ah ça ? C'est ma boîte à couteaux. Mes pinceaux à moi si tu préfères... Si je l'avais plus, je serais plus bon à rien, soupira-t-il. Tu vois à quoi ça tient ma vie ? À une vieille boîte qui ferme mal...

— Tu l'as depuis quand ?

— Pff... Depuis que je suis tout minot... C'était ma mémé qui me l'avait payée pour mon entrée au CAP...

— Je peux regarder ?

— Vas-y.

— Raconte-moi...

— De quoi ?

— À quoi ils servent... J'aime bien apprendre...

— Alors... Le gros, c'est le couteau de cuisine ou le couteau de chef, y sert à tout, le carré, c'est pour les os, les articulations ou pour aplatiç la viande, le tout petit, c'est le couteau d'office comme on en trouve dans toutes les cuisines, prends-le d'ailleurs, tu vas en avoir besoin... Le long, c'est l'éminceur pour tailler les légumes et les couper fin, le petit, là, c'est le couteau à dénerver pour parer et dégraisser la barbaque, et son jumeau avec la lame rigide, c'est pour la désosser, le très fin, c'est pour lever les filets de poissons, et le dernier, c'est pour trancher le jambon...

— Et ça c'est pour les affûter...

— Yes.

— Et ça ?

— Ça, c'est rien... C'est pour la déco, mais je m'en sers plus depuis longtemps...

— On fait quoi avec ?

— Des merveilles... Je te montrerai un autre jour... Bon, t'es prête là ?

— Oui.

— Tu regardes bien, hein ? Les châtaignes, je te préviens tout de suite, c'est très chiant... Là, elles ont déjà été plongées dans une eau bouillante donc elles sont plus faciles à éplucher... Enfin, normalement... Tu dois surtout pas les abîmer... Il faut que leurs petites veines restent intactes et bien visibles... Après l'écorce, y a ce machin cotonneux, là, et tu dois le retirer le plus délicatement possible...

— Mais c'est vachement long !

— Hé ! C'est la raison pour laquelle on a besoin de toi...

Il fut patient. Il lui expliqua ensuite comment nettoyer les girolles avec un torchon humide et comment gratter la terre sans les abîmer.

Elle s'amusait. Elle était douée de ses mains. Elle enrageait d'être si lente par rapport à lui, mais elle s'amusait. Les grains de raisin roulaient entre ses doigts et elle avait vite attrapé le truc pour les épépiner de la pointe du couteau.

— Bon, pour le reste, on verra demain... La salade et tout ça, ça devrait aller...

— Ton chef, il va tout de suite s'en rendre compte que je suis nulle...

— Ça c'est sûr ! Mais il a pas trop le choix de toute façon... C'est quoi ta taille ?

— Je sais pas.

— Je te trouverai un fute et une veste... Et ta pointure?

— 40.

— T'as des baskets ?

— Oui.

— C'est pas l'idéal, mais ça fera l'affaire pour une fois...

Elle se roula une cigarette pendant qu'il rangeait la cuisine.

— C'est où ta fête ?

— À Bobigny... Chez une fille qui bosse avec moi...

— Ça te fait pas peur de commencer à neuf heures demain matin ?

— Non.

— Je te préviens, y aura qu'une petite pause... Une heure maxi... Y a pas de service à midi mais on fera plus de soixante couverts le soir. Menu dégustation pour tout le monde... Ça va être quelque chose... Deux cent vingt euros par tête de pipe, je crois... J'essaierai de te libérer le plus tôt possible, mais à mon avis, t'es là jusqu'à huit heures du soir au moins...

— Et toi ?

— Pff... Moi, je préfère même pas y penser... Les réveillons, c'est toujours galère... Mais bon, c'est bien payé... D'ailleurs, pour toi aussi, je demanderai un bon ticket...

— Oh, c'est pas le problème...

— Si, si, c'est le problème. Tu verras demain soir..

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— Faut y aller, là... On boira un café là-bas.

— Mais je flotte complètement dans ce pantalon !

— C'est pas grave.

Ils traversèrent le Champ-de-Mars au pas de course.

Camille fut surprise par l'agitation et la concentration qui régnaient déjà dans la cuisine.

Il faisait si chaud tout à coup...

— Voilà, chef. Un petit commis tout frais...

L'autre grommela et les chassa d'un revers de la main. Franck la présenta à un grand type encore mal réveillé :

— Alors, lui, c'est Sébastien. C'est le garde-manger. C'est aussi ton chef de partie aujourd'hui et ton big boss, OK ?

— Enchantée.

— Mmmm...

— Mais c'est pas à lui que t'auras affaire, c'est à son commis...

S'adressant au garçon :

— Il s'appelle comment déjà ?

— Marc.

— Il est là ?

— Dans les chambres froides...

— Bon, je te la confie...

— Qu'est-ce qu'elle sait faire ?

— Rien. Mais, tu verras, elle le fait bien.

Et il partit se changer aux vestiaires.

— Il t'a montré pour les châtaignes ?

— Oui.

— Ben, les v'ià, ajouta-t-il en lui indiquant un tas énorme.

— Je peux m'asseoir ?

— Non.

— Pourquoi ?

— On pose pas de questions dans une cuisine, on dit « oui, monsieur » ou « oui, chef ».

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