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Marquet de la Durbellière, Philibert, Jehan, Louis-Marie, Georges, né le 27 septembre 1967 à La Roche-sur-Yon (Vendée), épousa Martin, Suzy, née le 5 janvier 1980 à Montreuil (Seine-Saint-Denis) à la mairie du XXe arrondissement de Paris le premier lundi du mois de juin 2004 sous l'œil ému de ses témoins Lestafier, Franck, Germain, Maurice, né le 8 août 1970 à Tours (Indre-et-Loire) et Fauque, Camille, Marie, Elisabeth née le 17 février 1977 à Meudon (Hauts-de-Seine) et en présence de Lestafier Paulette qui refuse de dire son âge.
Étaient aussi présents les parents de la mariée ainsi que son meilleur ami, un grand garçon aux cheveux jaunes à peine plus discret qu'elle...
Philibert portait un costume en lin blanc magnifique avec une pochette rose à pois verts.
Suzy portait une minijupe rose à pois verts magnifique avec un faux cul et une traîne de plus de deux mètres de long. « Mon rêve ! » répétait-elle en riant.
Elle riait tout le temps.
Franck portait le même costume que Philibert en plus caramel. Paulette portait un chapeau confectionné par Camille. Une sorte de petit bibi-nid avec des oiseaux et des plumes dans tous les sens et Camille portait l'une des chemises de smoking blanches du grand-père de Philibert qui lui descendait jusqu'aux genoux. Elle avait noué une cravate autour de sa taille et étrennait d'adorables sandales rouges. C'était la première fois qu'elle se mettait en jupe depuis... Pff plus que ça encore...
Ensuite tout ce beau monde alla pique-niquer dans les jardins des Buttes-Chaumont avec le grand panier de la Durbellière comme traiteur et en rusant pour ne pas se faire voir des gardiens.
Philibert déménagea 1/100 000e de ses livres dans le petit deux-pièces de son épouse qui n'imagina pas une seconde quitter son quartier adoré pour un enterrement de première classe de l'autre côté de la Seine...
C'est dire si elle était désintéressée et c'est dire s'il l'aimait...
Il avait gardé sa chambre cependant et ils y dormaient à chaque fois qu'ils venaient dîner. Philibert en profitait pour ramener des livres et en prendre d'autres et Camille en profitait pour continuer le portrait de Suzy.
Elle ne le sentait pas... Encore une qui ne se laisserait pas prendre... Hé ! Les risques du métier...
Philibert ne bégayait plus mais cessait de respirer dès qu'elle sortait de son punctum.
Et quand Camille s'étonnait de la rapidité avec laquelle ils s'étaient engagés, ils la regardaient bizarrement. Attendre quoi ? Pourquoi perdre du temps sur le bonheur ? C'est complètement idiot ce que tu dis là...
Elle secouait la tête, dubitative et attendrie, pendant que Franck la regardait en tapinois...
Laisse tomber, tu peux pas comprendre, toi... Tu peux pas comprendre ça... T'es tout en nœuds... Y a que tes dessins qui sont beaux... T'es toute rétractée à l'intérieur de toi... Quand je pense que j'ai cru que t'étais vivante... Putain, fallait vraiment que je sois accro ce soir-là pour me foutre le doigt dans l'œil à ce point... Je croyais que t'étais venue me faire l'amour alors que t'étais juste affamée... Quel gros niais, je te jure...
Tu sais c'qu'y faudrait ? Y faudrait te purger la tête comme on vide un poulet et te sortir toute la merde que t'as là-dedans une bonne fois pour toutes. Y sera fortiche, le mec qu'arrivera à te déplier... Pas sûr qu'il existe d'ailleurs... Philou me dit que c'est parce que t'es comme ça que tu dessines bien, eh ben putain, c'est cher payé...
— Alors mon Franck ? le secouait Philibert, tu as l'air tout chose à présent...
— Fatigué...
— Allez... C'est bientôt les vacances...
— Pff... Encore tout le mois de juillet à tirer... D'ailleurs je vais aller me coucher parce que je me lève tôt demain : je mets ces dames au vert...
Aller passer l'été à la campagne... C'était une idée de Camille et Paulette n'y voyait pas d'inconvénients... Pas plus excitée que ça, la mémé... Mais partante. Partante pour tout du moment qu'on ne la forçait à rien...
Quand elle lui annonça son plan, Franck commença enfin à se faire une raison.
Elle pouvait vivre loin de lui. Elle n'était pas amoureuse et ne le serait jamais. Elle l'avait prévenu en plus : « Merci Franck. Moi non plus. » Après c'était son problème s'il s'était cru plus fort qu'elle et plus fort que le monde entier. Eh, non, mon gars, t'es pas le plus fort... Eh non... C'est pas faute de te l'avoir fait comprendre pourtant, hein ? Mais t'es tellement têtu, tellement faraud...
T'étais pas encore né que c'était déjà du n'importe quoi ta vie alors pourquoi ça changerait maintenant ?
Qu'est-ce que tu croyais ? Que parce que tu la sautais de tout ton cœur et que t'étais gentil avec elle, ça te tomberait tout cuit dans le bec, le bonheur... Pff... Quelle pitié... Regarde-le un peu, tu l'as vu ton jeu ? Où tu comptais aller avec ça, dis-moi ? Où tu comptais aller ? Franchement ?
Elle posa son sac et la valise de Paulette dans l'entrée et vint le rejoindre dans la cuisine.
— J'ai soif.
- ...
— Tu fais la gueule ? Ça t'ennuie qu'on parte ?
— Pas du tout ! Je vais pouvoir m'amuser un peu...
Elle se leva et le prit par la main :
— Allez, viens...
— Où ça ?
— Te coucher.
— Avec toi ?
— Ben oui !
— Non.
— Pourquoi ?
— J'ai pu envie... T'es tendre que si t'as un coup dans le nez... Tu fais que tricher avec moi, j'en ai marre...
— Bon...
— Tu souffles le chaud et le froid....C'est dégueulasse comme façon de faire...
- ...
— C'est dégueulasse...
— Mais moi je suis bien avec toi...
— « Mais moi je suis bien avec toi... » reprit-il d'une voix niaiseuse. J'en ai rien à foutre que tu sois bien avec moi. Moi je voulais que tu sois avec moi, point. Le reste, là... Tes nuances, ton flou artistique, tes petits arrangements avec ton cul et ta conscience, tu te les gardes pour un autre nigaud. Cui-ci, il a tout rendu. T'en tireras rien de plus à présent et tu peux laisser tomber l'affaire, princesse...
— T'es tombé amoureux, c'est ça ?
— Oh, tu fais chier, Camille ! C'est ça ! Parle-moi comme si j'étais un grand malade maintenant ! Putain un peu de pudeur, merde ! Un peu de décence ! Je mérite pas ça'quand même ! Allez... Tu vas te barrer et ça va me faire du bien... Qu'est-ce que je fous aussi à me laisser emmerder par une nana qui mouille à l'idée de passer deux mois dans un trou paumé toute seule avec une vioque ? T'es pas normale comme fille et si t'étais un minimum honnête, t'irais te faire soigner avant d'agripper le premier couillon qui passe.
— Paulette a raison. C'est incroyable ce que tu es grossier...
Le trajet, le lendemain matin, parut hum... assez long.
Il leur laissa la voiture et repartit sur sa vieille pétrolette.
— Tu reviendras samedi prochain ?
— Pour quoi faire ?
— Euh... Pour te reposer...
— On verra...
— Je te le demande...
— On verra...
— On s'embrasse pas ?
— Nan. Je viendrai te baiser samedi prochain si j'ai rien de mieux à faire mais je t'embrasse plus.
— Bon.
Il alla dire au revoir à sa grand-mère et disparut au bout du chemin.
Camille retourna à ses gros pots de peinture. Elle donnait dans la décoration intérieure maintenant...
Elle commença à réfléchir et puis non. Sortit ses pinceaux du white-spirit et les essuya longuement. Il avait raison : on verra.
Et leur petite vie reprit. Comme à Paris mais en plus lent encore. Et au soleil.
Camille fit la connaissance d'un couple d'Anglais qui retapaient la maison d'à côté. On s'échangea des trucs, des astuces, des outils et des verres de gin tonic à l'heure où les martinets mènent la danse.
Elles allèrent au musée des Beaux-Arts de Tours, Paulette attendit sous un cèdre immense (trop d'escaliers) pendant que Camille découvrait le jardin, la très jolie femme et le petit-fils du peintre Edouard Debat-Ponsan. Il n'était pas dans le dictionnaire celui-là... Comme Emmanuel Lansyer dont elles avaient visité le musée à Loches quelques jours plus tôt... Camille aimait beaucoup ces peintres qui n'étaient pas dans le dictionnaire... Ces petits maîtres, comme on disait... Les régionaux de l'étape, ceux qui n'avaient pour cimaise que les villes qui les avaient accueillis. Le premier restera à jamais le grand-père d'Olivier Debré et le second l'élève de Corot... Bah... Sans la chape du génie et de la postérité, leurs tableaux se laissaient aimer plus tranquillement. Et plus sincèrement peut-être...