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— Ça te va bien.

— Tu connais Jean Seberg ?

— Non, c'est qui ?

— C'est une actrice. Elle était coiffée exactement comme ça, mais en blonde...

— Oh, si c'est que ça, je peux te faire blonde la prochaine fois !

— C'était une fille super mignonne... Elle vivait avec un de mes écrivains préférés.... Et puis on l'a retrouvée morte dans sa voiture un matin.... Comment une fille aussi jolie a-t-elle trouvé le courage de se détruire ? C'est injuste, non ?

— T'aurais peut-être dû la dessiner avant... Pour qu'elle se voie...

— J'avais deux ans...

— Ça aussi, c'est un truc que Franck m'a dit...

— Qu'elle s'était suicidée ?

— Non, que tu racontais plein d'histoires...

— C'est parce que j'aime bien les gens... Euh... je te dois combien ?

— Arrête...

— Je vais te faire un cadeau à la place...

Elle revint en lui tendant un livre.

— L'Angoisse du roi Salomon... C'est bien ?

— Mieux que ça encore... Tu ne veux pas réessayer de l'appeler, ça m'inquiète quand même... Il a peut-être eu un accident ?

— Pff... T'as tort de te biler... C'est juste qu'il m'a oubliée... Je commence à avoir l'habitude...

— Pourquoi tu restes avec lui, alors ?

— Pour pas être toute seule...

Elles avaient entamé une deuxième bouteille quand il enleva son casque.

— Ben qu'est-ce que vous foutez là ?

— On mate un film de cul, ricanèrent-elles. On l'a trouvé dans ta chambre... On a eu du mal à choisir, hein Mimi ? Il s'appelle comment celui-là, déjà ?

— Enlève ta langue que je pète.

— Ah, ouais c'est ça... Il est super...

— Mais qu'est-ce que c'est que ces conneries ? J'ai pas de films de cul, moi !

— Ah bon ? C'est bizarre... Quelqu'un l'aura oublié dans ta chambre peut-être ? ironisa Camille.

— Ou alors, tu t'es trompé, ajouta Myriam, tu croyais prendre Amélie Poulain et puis tu te retrouves avec Enlève ta...

— Mais qu'est-ce que c'est que... il regarda l'écran pendant qu'elles pouffèrent de plus belle. Vous êtes complètement bourrées, oui !

— Oui... firent-elles penaudes.

— Hé ? fit Camille alors qu'il quittait le salon en bougonnant.

— Quoi encore ?

— Tu montres pas à ta fiancée comme t'étais beau aujourd'hui ?

— Non. Faites pas chier.

— Oh si, supplia Myriam, montre-moi, mon chou !

— Un strip-tease, lâcha Camille.

— À poil, renchérit l'autre.

— Un strip-tease ! Un strip-tease ! Un strip-tease ! reprirent-elles en chœur.

Il secoua la tête en levant les yeux au ciel. Il essayait de prendre un air outré, mais n'y arrivait pas. Il était mort. Il avait envie de s'écrouler sur son lit et de dormir pendant une semaine.

— Un strip-tease ! Un strip-tease ! Un strip-tease !

— Très bien. Vous l'aurez voulu... Éteignez la télé et préparez les petites coupures, mes cocottes...

Il mit Sexual Healing — enfin — et commença par ses gants de motard.

Et quand revint le refrain, get up, get up, get up, let's make love tonight wake up, wake up, wake up, cause you dôû it right, il arracha d'un coup les trois derniers boutons de sa chemise jaune et la fit tournoyer au-dessus de sa tête dans un superbe et travoltesque déhanché.

Les filles tapaient du pied en se tenant les côtes.

Il ne lui restait plus que le pantalon, il se retourna et le fit glisser lentement, en donnant un petit coup de reins vers l'une puis vers l'autre et, quand apparut le haut de son slip, une large bande élastique sur laquelle on pouvait lire DIM DIM DIM, il se retourna vers Camille pour lui adresser un clin d'œil. À ce moment-là, la chanson cessa et il remonta son froc à toute vitesse.

— Bon, allez, c'est bien gentil vos bêtises, mais je vais me pieuter, moi...

— Oh...

— Quelle misère...

— J'ai faim, dit Camille.

— Moi aussi.

— Franck, on a faim...

— Eh ben la cuisine, c'est par là, tout droit puis à gauche...

Il réapparut quelques instants plus tard dans la robe de chambre écossaise de Philibert.

— Alors ? Vous mangez pas ?

— Non, tant pis. On se laisse mourir... Un Chippen-dale qui se rhabille, un cuisinier qui ne cuisine pas, on n'a vraiment pas de chance ce soir...

— Bon, soupira-t-il, qu'est-ce que vous voulez ? Du salé ou du sucré ?

— Mmmm... C'est bon...

— Ce ne sont que quelques pâtes... répondit-il, modeste, en prenant la voix de Don Patillo.

— Mais qu'est-ce que t'as mis dedans ?

— Ma foi, des petites choses...

— C'est délicieux, répéta Camille. Et comme dessert ?

— Des bananes flambées... Vous m'excuserez, mesdemoiselles, mais je fais avec les moyens du bord... Enfin, vous verrez... Le rhum, c'est pas du Old Nick de Monoprix, hein !

— Mmmm, répétèrent-elles encore en léchant leurs assiettes, et après ?

— Après c'est dodo et, pour celles que ça intéresse, ma chambre, c'est par là-bas, tout au fond à droite.

À la place, elles prirent une tisane et fumèrent une dernière cigarette pendant que Franck piquait du nez sur le canapé.

— Ah, il est beau notre Don Juan avec son healing, son baume sexuel... grinça Camille.

— Ouais, t'as raison, il est chouette...

Il souriait dans son demi-coma et mit un doigt devant sa bouche pour les prier de se taire.

Quand Camille entra dans la salle de bains, Franck et Myriam s'y trouvaient déjà. Ils étaient trop fatigués pour se la jouer après-vous-ma-chère et Camille attrapa sa brosse à dents alors que Myriam remballait la sienne en lui souhaitant bonne nuit.

Franck était penché au-dessus du lavabo en train de cracher son dentifrice, quand il se releva, leurs regards se croisèrent.

— C'est elle qui t'a fait ça ?

— Oui.

— C'est bien...

Ils sourirent à leurs reflets et cette demi-seconde-là dura plus longtemps qu'une demi-seconde normale.

— Je peux mettre ton marcel gris ? demanda Myriam depuis sa chambre.

Il se frotta énergiquement les dents et s'adressa de nouveau à la fille du miroir en se mettant du dentifrice plein le menton :

— Chegidiotchméjechegblutotjavectoigjjequegchavaisgelenviejedormirj...

— Pardon ? fit-elle en fronçant les sourcils.

Il recracha :

— Je disais : c'est plutôt idiot quand on n'a pas de toit pour dormir...

— Ah oui, fit-elle en souriant, oui c'est idiot. Vraiment...

Elle se retourna vers lui :

— Écoute-moi, Franck, j'ai un truc important à te dire... Hier je t'ai avoué que je ne tenais jamais mes résolutions, mais là, il y en a une que je voudrais qu'on prenne ensemble et qu'on respecte...

— Tu veux qu'on arrête de boire ? !

— Non.

— De fumer ?

— Non.

— Qu'est-ce que tu veux, alors ?

— Je voudrais que tu arrêtes ce petit jeu-là avec moi...

— Quel jeu ?

— Tu le sais très bien... Ton sexual planning, là, toutes tes petites allusions bien lourdes... Je... j'ai pas envie de te perdre, j'ai pas envie qu'on se fâche. J'ai envie que ça se passe bien, ici, maintenant... Que ça reste un endroit... Enfin, tu vois, un endroit où l'on soit bien tous les trois... Un lieu calme, sans embrouilles... Je... Tu... On... on ira nulle part tous les deux, tu t'en rends bien compte, non ? Enfin, je veux dire, on... Bien sûr, on pourrait coucher ensemble, oui, bon, mais après ? Nous deux, ce serait n'importe quoi et je... Enfin, ce serait dommage de tout gâcher, quoi...

Il était dans les cordes et mit plusieurs secondes avant de lui chiquer le mollet :

— Attends, de quoi tu me causes, là ? Je t'ai jamais dit que je voulais coucher avec toi ! Même si je voulais, je pourrais jamais ! T'es beaucoup trop maigre ! Comment tu veux qu'un mec ait envie de te caresser ? Touche-toi, ma vieille ! Touche-toi ! Tu délires complètement...

— Tu vois comme j'ai raison de te mettre en garde ? Tu vois comme je suis lucide ? Ça ne pourrait jamais marcher entre nous... J'essaye de te dire les choses avec le plus de tact possible et toi, tu n'as rien d'autre à me proposer en échange que ta petite agressivité de merde, ta bêtise, ta mauvaise foi et ta méchanceté. Heureusement que tu pourrais jamais me caresser ! Heureusement ! J'en veux pas de tes sales pattes rougeaudes et de tes ongles tout rongés ! Garde-les donc pour tes serveuses !

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