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— C'est un des moyens de basculer dans l'obscurité mais il y en a d'autres…

Les anges déchus se détachent des rangs des âmes errantes pour planer au-dessus d'elles et les diriger d'un point de vue plus élevé.

– Ça ne va pas être du gâteau, marmonne Freddy.

— Si on faisait demi-tour? suggère de nouveau Marilyn Monroe, pas très rassurée.

— Nous n'avons plus le choix, dit Freddy Meyer. Si nous prenons la fuite, ils nous poursuivront et nous frapperont dans le dos. En plus, notre déroute leur donnerait un surcroît d'énergie. Faire front, donc.

Ils s'approchent. Face à nous, les âmes errantes for ment une armée hétéroclite avec dans leurs rangs des chevaliers en armures, des samouraïs, des empoisonneuses de la cour de Louis XIV, des tueurs en série, des désespérés qui n'ont plus rien à perdre. Ces gens sont au-delà de toute crainte. Ils ont accumulé tant de forfaits dans leurs vies passées qu'il leur faudrait des milliers de réincarnations pour remonter la pente. En plus les anges déchus sont là pour les exciter davantage encore contre nous.

Ils sont tout près maintenant. Simon de Montfort les incite à se ranger en bon ordre. Je ne comprends pas pourquoi ils nous estiment à ce point redoutables pour être venus si nombreux. Nous allons être obligés de livrer combat à un contre cent.

— Ce sera l'Armageddon, annonce Torquemada.

– À l'attaque! commande Igor!

179. VENUS. 26 ANS

Raymond Lewis. Je ne parviens pas encore à y croire, mais à peine l'ai-je aperçu que j’ai compris que cet homme a été fait pour moi. Il est gentil, il est doux, il est intelligent et il m'admire tellement.

J'ai envie d'avoir des enfants avec lui.

Je prie pour ça.

180. LA BATAILLE DE L'ARMAGEDDON 2

Les âmes errantes nous submergent. Comme nous l'avons fait autrefois avec les Incas, nous tentons de comprendre leur douleur afin de les réconforter, mais ces âmes ne semblent même pas capables de sentir notre compassion. Après une première charge pour tester notre résistance, elles se regroupent pour un deuxième assaut.

— Cette fois l'empathie ne suffira pas, confirme Raoul. Il nous faut une arme plus puissante.

Freddy Meyer étudie la situation et lance:

— L'amour! Utilisons l'amour. Comme des enfants battus, ils ne sont pas accoutumés à être aimés. Comme des enfants battus, ils continuent à faire des bêtises après avoir reçu une rossée parce que ça leur est égal et que c'est leur mode de vie habituel. Comme des enfants battus, si nous les aimons, ils seront désarçonnés.

Raoul, Freddy, Marilyn et moi, nous nous serrons les uns contre les autres. Nos paumes s'illuminent. Le rayon de lumière jaillit de nos mains droites (sauf pour Marilyn qui est gauchère) et nous sommes prêts à arroser de tout notre amour la cohorte des fantômes.

— Chargez! ordonne Igor.

Ils se précipitent en rangs serrés. Nous abaissons nos rayons de lumière d'amour comme des lances et, en effet, notre amour les déconcerte. Ils se figent. L'effet de surprise est total. Certaines âmes nous rejoignent et nous n'avons plus qu'à les laisser entrer en nous pour les relancer vers le Paradis où elles reprendront leur cycle de réincarnations. Nous en piégeons ainsi une dizaine.

Igor commande le repli. Les fantômes se regroupent et décident de mettre au point leur propre arme pour contrecarrer notre amour: la haine.

En bon stratège, Igor place les âmes errantes les plus enragées à la pointe de l'offensive. Nous dardons nos épées d'amour et de lumière pour résister à l'assaut de leur haine. Ils unissent toutes leurs rancœurs, tous les souvenirs des souffrances de leur dernière existence pour produire des rayons verts de haine pure qui ferraillent âprement contre nos rayons bleus d'amour.

Ils sont coriaces. Nous sommes obligés de réunir quatre tirs d'amour pour venir à bout d'une seule lance de haine. La bataille est acharnée. Nous reculons sous les coups des rayons verts, mais déjà Igor organise l'offensive suivante.

— Il nous faut une autre arme défensive, dit Raoul, sinon ils finiront par nous atteindre avec leur haine.

Pour une fois, ce n'est pas Freddy mais moi qui propose le premier:

— L'humour. L'amour pour épée, l'humour pour bouclier.

Les fantômes sont déjà sur nous quand, sur un signe de moi, nous matérialisons par l'esprit des boucliers d'humour que nous empoignons vigoureusement de nos mains gauches (sauf Marilyn Monroe qui pour la raison déjà indiquée se sert de sa main droite).

Cette fois, leur haine ne nous touche pas, déviée par nos boucliers. Tandis que notre amour leur taille des croupières, cinquante âmes errantes parmi les plus féroces s'enfournent dans le vortex du Paradis. Marilyn Monroe reprend espoir. Elle clame à tout va ce qui deviendra notre nouveau cri de ralliement:

— L'amour pour épée, l'humour pour bouclier!

Igor sonne la retraite. Aussitôt, les êtres d'ombre s'assemblent autour de lui pour décider quelle sera l'arme qui contrera notre humour: la moquerie.

Leur devise est désormais: La haine pour épée, la moquerie pour bouclier.

– À l'assaut! crie Igor.

Ils chargent.

181. ENCYCLOPÉDIE

ARMES: «L'amour pour épée, l'humour pour bouclier.»

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV. Ajout exotique de Michael Pinson.

182. LA BATAILLE DE L'ARMAGEDDON 2 (suite)

Si nous perdons cette bataille et si ces âmes errantes découvrent Rouge, leurs idées noires se répandront comme des virus dans l'Univers. Elles n'auront plus ensuite qu'à visiter une par une les autres galaxies pour tout contaminer.

L'enjeu n'est pas négligeable. Je comprends pourquoi l'instructeur de Zoz voulait garder le silence sur les peuples extraterrestres. Même si c'en est fini du temps des secrets, certaines informations gagnent à n'être communiquées qu'avec parcimonie.

L'armée des êtres d'ombre avance. Vision d'apocalypse. Dans mes oreilles résonne Carmina burana de Carl Orff. Qu'ont-ils encore imaginé? Au lieu de se lancer dans une mêlée, ils s'arrêtent à distance et nous mettent enjoué de leurs bras tendus comme des fusils.

— Feu! ordonne Igor.

Nous avons à peine le temps de nous abriter derrière nos boucliers d'humour. Nous contre-attaquons d'un tir nourri d'amour qu'ils esquivent facilement derrière leur barrière de moquerie.

Déjà une deuxième ligne se présente formée de désespérés et de fous. Sur ceux-là, ni l'amour ni l'humour n'ont de prise.

— Chargez! commande Igor.

Un flot de haine renforcé de démence heurte et plie nos boucliers d'humour. Difficile à quatre de s'opposer à une telle multitude. Les fous se moquent de nous et Igor constate que la moquerie n'est pas seulement une arme de défense, elle peut aussi servir à l'offensive. Avec nos boucliers, nous nous mettons en formation de tortue et leurs moqueries ricochent.

Visée par une méchante remarque personnelle, Marilyn, qui a mal placé son humour défensif, est légèrement touchée. Elle n'a jamais supporté qu'on mette en doute son talent d'actrice. Freddy est obligé de lui remonter le moral. Nous armons nos mains de tout notre amour. Chacun pense à ce qu'il y a eu de plus beau dans sa précédente existence. Je me souviens de l'amour qui me liait à Rose, la femme de ma dernière vie de chair.

— Chargez! répète Igor.

Nous abaissons nos boucliers et tirons de l'amour en rafales sur la tenaille qui cherche à nous étrangler. Ça marche. Il ne reste plus qu'à aspirer ces corps éthérés. Ils entrent par le bas de notre dos, remontent par notre échine impalpable, et il n'y a plus qu'à les propulser par le sommet du crâne. Nos colonnes vertébrales ecto-plasmiques, rampes de lancement vers le Paradis, sont encombrées de fantômes à sauver. Mais, pendant ce temps, nous avons du mal à protéger nos flancs d'une nouvelle vague d'assaut qui fait éclater notre formation.

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