Литмир - Электронная Библиотека
Содержание  
A
A

100. JACQUES

Pour mieux visualiser les scènes qui se déroulent dans les égouts et dans les caves, je dessine les lieux. Pour chacune d'elles, j'esquisse les objets qui traînent, les emplacements des personnages, les sources de lumière.

101. VENUS

Je suis sous les feux de la rampe et je sens le regard des spectateurs et des jurés qui me détaillent des orteils aux cheveux. Un type de l'organisation m'a attribué une pancarte avec un numéro. Il m'a expliqué que je dois la brandir bien haut pour que le jury et le public puissent m'identifier. Je lève la pancarte. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie. J'ai froid.

102. IGOR

Le matin n'en finit pas de se lever. Le ciel est passé de rouge à orange. Les balles sifflent tout autour de nous. Ça mitraille à tout va. Difficile en pleine bataille de se rendre compte de ce qu'il se passe vraiment. Nous, les fantassins sur le terrain, sommes sûrement les moins bien informés de la tournure des événements. Pour juger de l'action, il faut pouvoir disposer d'une vision globale, en hauteur.

Là, nous sommes comme myopes. Nous collons tellement à l'actualité que nous ne la distinguons plus. Le pire, c'est que demain, ce seront encore les Occidentaux qui, avec leurs satellites d'observation, disposeront des meilleures images de nos exploits. Vivement qu'on envahisse leurs pays et qu'on leur pique tout ça.

J'évite de peu une roquette pourtant tirée à bout portant. Ce n'est pas le moment de philosopher.

103. VENUS

J'ai faim. Je joue mon rôle. Petit déhanchement, sourire, trois pas, je m'immobilise. Re-déhanchement, sourire, petit mouvement de tête pour mettre en valeur ma chevelure. Lever un peu le menton. Pourvu que je n'aie pas le front qui brille!

104. VOYAGE COSMIQUE. LE LOSANGE

Une étoile scintille devant. C'est Altaïr. Nous la prenons pour cap.

— Dix heures bâbord avant!

Nous virons tous les quatre bien alignés.

Freddy suggère de mieux harmoniser nos changements de cap. Nous nous serrons davantage jusqu'à former un losange. Raoul en constitue la pointe avant, car il est le plus téméraire. Freddy est à droite, moi à gauche et Marilyn Monroe à l'arrière. Nous tendons les bras comme si nous planions. Cela nous permet de mieux définir une distance entre nous. Nos corps groupés forment un aéronef qui fend l'espace.

— Tribord, deux heures, propose Freddy.

Nous nous dirigeons tous vers la droite, mais avec des angles légèrement différents. Il faut nous réajuster les uns aux autres.

— Bâbord, huit heures.

Un angle plus serré nous amène à faire demi-tour. Cette fois, nous sommes davantage à l'unisson. Changement de décor devant nous avec pour seul guide la constellation du Cygne.

Je comprends soudain les difficultés rencontrées par les patrouilles d'aviation acrobatique pour parvenir à synchroniser leurs mouvements dans le ciel. Or, à la vitesse de la lumière, c'est encore plus compliqué. Annoncer «attention, prêts?» avant le «deux heures» ou «huit heures» nous permet cependant d'appréhender le virage.

— Attention, prêts? Arrière, à six heures, suggère Marilyn Monroe.

Notre losange se retourne comme une crêpe. Mari-lyn ne bouge pas tandis que Raoul accomplit un demi-cercle en hauteur. Nous revoilà face à Altaïr. Nous sommes fiers de nos progrès.

Loopings, huit, torsades, nous multiplions nos figures pour tenter des formes de vol entrant dans des structures géométriques audacieuses.

105. ENCYCLOPEDIE

TEST GÉOMÉTRIQUE: Petit test psychologique pour mieux connaître quelqu'un en utilisant le pouvoir symbolique des formes géométriques. Tracer six cases distinctes sur une feuille de papier.

Introduire dans la première case un cercle.

Dans la deuxième un triangle.

Dans la troisième un escalier.

Dans la quatrième une croix.

Dans la cinquième un carré.

Dans la sixième un «3» renversé de façon à former un «m».

Demander à votre interlocuteur de compléter chaque figure géométrique jusqu'à obtenir un dessin non abstrait.

Puis lui demander de placer un adjectif à côté de chaque dessin.

Ce travail terminé, examiner les dessins en sachant que:

Le dessin autour du cercle: indiquera comment la personne se voit elle-même.

Le dessin autour du triangle: indiquera comment la personne s'imagine que les autres la voient.

Le dessin autour des marches: comment elle voit la vie en général.

Le dessin autour de la croix: comment elle voit sa spiritualité.

Le dessin autour du carré: comment elle voit la famille.

Le dessin autour du «3» renversé: comment elle voit l'amour.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.

106. IGOR

J'ai la haine. Je bondis sur un Tchétchène. Je lui envoie un coup de tête au front. Bruit de bois sec qui craque. Il est en sang et il me tache mon treillis. Un autre est déjà sur moi. Il me défie. Je me replace en position de combat. Une phrase me traverse comme un rappel: «Il se passe un temps infini entre l'instant où l'adversaire a décidé de frapper et celui où le coup vous atteint.»

La petite lueur est présente dans son regard. Ne pas la quitter des yeux. Elle descend. Le pied droit! Il compte me décocher un coup de pied au ventre. Je me place en perception ralentie du temps. Dès lors, tout va se dérouler comme dans un film, image par image.

Son pied droit remonte. Un petit mouvement des hanches et je me présente de profil. Mes deux mains se portent vers l'avant.

Il ne perçoit pas mon mouvement et continue de remonter son pied conformément à son intention initiale. Je saisis sa chaussure, poursuis son mouvement et le propulse en l'air. Il retombe lourdement. Je me précipite sur lui. Corps à corps. Il me mord. Je sors mon couteau, il tire le sien. Nous sommes comme deux fauves enragés ferraillant avec notre croc unique. Sensations et informations affluent dans mon cerveau. Mon cœur s'accélère. Mes narines cherchent l'air. J'aime ça.

Dans mes oreilles résonne puissamment la Nuit sur le mont Chauve de Modest Moussorgski, Mon adversaire hurle pour se redonner de la force. Son cri entre en harmonie avec ma musique.

Duel au couteau.

Coup de genou. Le sien s'envole. Il saisit son revolver.

Toujours pas assez rapide pour m'inquiéter. D'un mouvement du poignet, je lui arrache son arme. La retourne contre lui. Le contraint à appuyer sur sa propre détente. Le coup part. Il y a un trou dans sa veste de coton vert.

Il n'a pas été assez rapide. Il est mort.

45
{"b":"105854","o":1}