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— Moi, c'est Pinson, Michael Pinson. Rien à voir avec l'oiseau.

Il me donne sur l'épaule une bonne tape que je ne ressens pas.

— Enchanté, ange Michael.

Cela me fait drôle d'entendre le mot ange apposé devant mon prénom comme une sorte de «docteur» ou «maître».

— Vous étiez qui, sinon, dans le «civil»? lui dis-je.

— Dans ma dernière vie, avant de sortir du cycle des réincarnations? Eh bien, un peu comme toi, disons que j'ai été un explorateur dans mon genre. Mais moi, ce n'était pas «l'infiniment dessus» qui m'intéressait mais plutôt «l'infiniment dessous»… Le sous-terre.

— Le sous-terre?

— Oui, la vie cachée sous la peau de la planète. Les vrais petits lutins de la forêt.

Côte à côte nous avançons dans le tunnel qui n'en finit pas de traverser la montagne. Soudain, je m'arrête.

— Edmond Wells. Edmond Wells…

Je répète ce nom, songeur. Je l'ai déjà lu dans un journal. Je cherche jusqu'à ce que le souvenir me revienne. Ça y est:

— Vous n'avez pas été impliqué dans une affaire d'assassinats de fabricants d'insecticides?

— Tu brûles.

«Les vrais petits lutins de la forêt»… Je plisse le front.

— C'est vous qui avez fabriqué une machine à communiquer avec les fourmis!

— J'avais baptisé cet engin «La pierre de Rosette» car elle servait de truchement entre les deux civilisations les plus sophistiquées de la planète, deux civilisations cependant incapables de se comprendre et de s'estimer: les hommes et les fourmis.

Il semble ressentir une certaine nostalgie pour son invention puis se reprend:

— Je t'apprendrai ton «métier» d'ange avec ses devoirs, ses méthodes et ses pouvoirs. Mais surtout, ne l'oublie jamais, être ici constitue déjà en soi UN IMMENSE PRIVILÈGE.

Il martèle:

— COMPRENDS-TU AU MOINS QUE NE PLUS RENAÎTRE EST LE PLUS BEAU CADEAU QU'UN HUMAIN PUISSE ESPÉRER?

Je commence à me faire à l'idée que je suis libéré du cycle des réincarnations.

— Et qu'allez-vous m'apprendre, Monsieur Wells?

5. ENCYCLOPEDIE

LE SENS DE LA VIE: «Le but de tout est d'évoluer.»

Au commencement était…

Le zéro: Le vide.

Ce vide a évolué pour devenir de la matière. Et cela a donné…

Un: Le minéral.

Puis ce minéral a évolué pour devenir vivant. Et cela a donné…

Deux: Le végétal.

Puis le végétal a évolué pour devenir mobile. Et cela a donné…

Trois: L'animal.

Puis l'animal a évolué pour acquérir de la conscience. Et cela a donné…

Quatre: L'homme.

Puis l'homme a évolué pour que sa conscience lui permette d'accéder à la sagesse. Et cela a donné…

Cinq: L'homme spirituel.

Puis l'homme spirituel a évolué pour n'être que pur esprit libéré de la matière. Et cela a donné…

Six: L'ange.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.

6. EDMOND WELLS

— Donc je suis un 6?

— Donc tu es un «ange», rectifie Edmond Wells.

— Je m'étais toujours figuré les anges avec une auréole sur la tête et de petites ailes dans le dos.

— Cette image toute faite a des origines anciennes. L'auréole est une déclinaison de la plaque de métal dont les Romains entouraient les statues des saints chrétiens afin de les protéger des fientes des oiseaux. Quant aux petites ailes dans le dos, elles remontent à une tradition mésopotamienne qui signalait par ses appendices dorsaux tout ce qui était considéré comme relevant du monde supérieur. Il y avait ainsi des chevaux, des taureaux, des lions ailés…

— Qu'est-ce que cela change d'être un ange?

Je regarde ma main. Un halo irisé que je n'avais pas encore remarqué cerne mon corps d'une lueur bleu marine.

— Les modifications physiques ne sont pas ce qu'il y a de plus important, reprend Edmond Wells, ce nou vel état modifie d'abord ton regard sur les êtres et les choses.

Edmond Wells m'explique un peu mieux ce que sera mon nouveau métier. Trois âmes incarnées dans des humains me seront confiées. À moi de me débrouiller pour que l'une au moins évolue jusqu'aux 600 points, devienne un «6» et sorte ainsi du cycle des réincarnations. Mon travail consistera à suivre, aider et accompagner ces trois vies de terriens. A leur décès, je serai là pour leur servir d'avocat lors de la pesée devant les trois archanges.

— Comme Emile Zola l'a fait pour moi tout à l'heure?

Edmond Wells approuve.

— Grâce à cette réussite, Emile Zola a pu passer au niveau supérieur d'évolution des anges.

Je comprends maintenant pourquoi Emile Zola s'est montré aussi opiniâtre face à mes juges et s'en est allé ensuite plein d'enthousiasme.

— Quel est ce «niveau supérieur d'évolution des anges»?

Mon mentor me signale qu'à chaque étape franchie, je recevrai les connaissances correspondantes. À moi de réussir d'abord ma carrière d'ange si je veux être initié à un monde supérieur.

Tout en devisant, nous avons atteint le bout du tunnel. Le pourtour de sa sortie irradie du même éclat de diamant bleu marine que son entrée. Devant nous s'étend «le pays des anges».

«Les anges? Non, désolé, je n 'y crois pas. Ce n 'est qu 'affaire de mode, tout ça. Par moments, la mode est aux anges, à d'autres elle est aux extraterrestres. Ça donne à réfléchir aux gens désœuvrés et superstitieux. Pendant ce temps-là, ils oublient le chômage et la crise économique.»

Source: individu interrogé dans la rue au hasard d'un microtrottoir.

7. LE PAYS DES ANGES

Je contemple l'immense panorama qui.s'offre à mon regard.

— Tu n'es pas obligé de marcher au sol, m'indique Edmond Wells. Plus de gravité ici, nous sommes libérés des contingences de la matière. Tu peux te déplacer où tu veux, comme tu veux, dans l'espace.

N'était le sol translucide un peu laiteux, on pourrait se croire au milieu d'un territoire humain «normal». Edmond Wells m'indique quelques repères.

– À l'ouest la plaine où les anges se promènent lorsqu'ils veulent discuter entre eux. Au nord les mon tagnes abruptes avec leurs cavernes troglodytiques pour que les anges puissent s'isoler lorsqu'ils veulent être tranquilles. Viens, montons.

D'ici le territoire fait penser à un œil. En effet, au centre de cette longue amande blanche effilée se trouve un rond turquoise. Comme un iris. C'est une forêt d'arbres bleutés.

Et, au milieu de cet iris, il y a en guise de pupille, plus brillant, un lac noir. Mais à la différence d'une véritable pupille humaine, ce lac n'est pas circulaire, il a un peu la forme d'un… cœur. J'ai l'impression que le Paradis est un œil turquoise qui me regarde avec un cœur noir au centre.

— C'est le lac des Conceptions, me signale Edmond Wells.

Nous nous approchons de cette zone plus sombre. Les arbres turquoise qui l'entourent ressemblent à des pins parasols aux cimes drues et plates.

Sous les arbres, il y a des anges. Ils sont le plus souvent assis en tailleur, en lévitation à un mètre du sol, sous les branchages, avec, devant eux, trois sphères disposées en triangle. Les anges les contemplent avec beaucoup d'intérêt. Certains sont nerveux, d'autres excités et passent sans cesse d'une sphère à l'autre.

Sur des kilomètres, des milliers d'anges se tiennent ainsi et observent. Je les regarde mais déjà mon instructeur me tire vers le haut.

— Ce sont quoi ces arbres?

— Ce ne sont pas vraiment des arbres, ils servent à améliorer l'émission et la réception d'ondes venant de la terre.

On virevolte. Je découvre, au sud, les vallées où les anges se réunissent en «assemblées restreintes».

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