1902 Мои глаза — два черных бриллианта, Они блестят под шляпою Рембрандта, Сюртук мой черен, черны башмаки, И ток волос чернеет вдоль щеки. Зачуяв злость, надменен я, конечно, Улыбка лжива, взор горит сердечно. Себе я вид преважный сотворю, Когда с фальшивым братом говорю. Хотел бы принцем быть я доскональным, Людовиком тринадцатым фатальным, И кто во мне, чувствительность поняв, Найдет поэта, очень он лукав. Однако, Бог, как рифму в важном гимне, Дал сердце мне — как всем другим — увы мне, Судьба, в забаве спутав смысл и счет, Огонь горячий заложила в лед. Все струны дрогнут, предо мной сверкая, Религия моя — душа людская. Когда пою, в мой входят звонкий пир Кровь, золото, и розы, и Шекспир. Les deux âmes/7 Sous le soleil rouge, au vent doré du soir, peureuse des nuits, mon âme tremblante… Sous la lune bleue, au vent doré du soir, heureuse des nuits, ton âme chantante… Mais, chez nous l'ombre, au feu de mon regard, peureuse du jour, ton âme a tremblé. Mais, chez nous dans l'ombre, au clair de ton regard, heureuse du jour, mon âme a chanté. 1896 Под солнцем ярко-красным, В златистом ветре вечера, Пугаяся ночей, Моя душа дрожащая… Под голубой луной, В златистом ветре вечера, Счастливица ночей, Твоя душа поющая… Но здесь у нас в тени, В огне моих очей, Пугаясь света дня, Твоя душа дрожит. Но здесь у нас в тени, В лучах твоих очей, Счастливая от дня, Моя душа поет. La grande ivresse/8 Par les nuits d'été bleues où chantent les cigales, Dieu verse sur la France une coupe d'étoiles. Le vent porte à ma lèvre un goût du ciel d'été! Je veux boire à l'espace fraîchement argenté. L'air du soir est pour moi le bord de la coupe froide où, les yeux mi-fermés et la bouche goulue, je bois comme le jus pressé d'une grenade, la fraicheur étoilée qui se répand des nues. Couché sur un gazon dont l'herbe est encor chaude de s'être prélassée sous l'haleine du jour, oh! que je viderais, ce soir, avec amour, la coupe immense et bleue où le firmament rôde! Suis-je Bacchus ou Pan? je m'enivre d'espace, et j'apaise ma fièvre à la fraicheur des nuits. La bouche ouverte au ciel où grelottent les astres, que le ciel coule en moi! que je me fonde en lui! Enivrés par l'espace et les cieux étoilés, Byron et Lamartine, Hugo, Shelley sont morts. L'espace est toujours là: il coule illimité: à peine ivre il m'emporte, et j'avais soif encore! 1902
Ночами лета голубыми, Когда поют стрекозы, На Францию Бог пролил чашу звезд. До губ моих доносит ветер Вкус неба летнего — я пью Пространство, что свежо осеребрилось. Вечерний воздух — край холодной чаши. Полузакрыв свои глаза, Пью жадным ртом, как будто сок граната, Ту свежесть звездную, что льется от небес. И лежа на траве, Еще от ласки дня не охладевшей, С какой любовью я испил бы, Вот в этот вечер, Безмерную ту чашу голубую, Где бродит небосвод. Не Вакх ли я? Не Пан ли? Я пьянюсь Пространством, и горячее дыханье Я укрощаю свежестью ночей. Раскрыты губы небу, где трепещут Созвездья — да в меня стечет все небо! В нем да растаю я! Пространством опьянившись, небом звездным, Гюго и Байрон, Ламартин и Шелли Уж умерли. А все ж пространство — там, Течет безгранное. Едва им опьянился, И мчит меня, и пить хочу, еще! Charles van Lerberghe Шарль ван Лерберг Ballade/Баллада O Mère! qu'est-ce donc ce grand bruit dans la nuit? O Mère! qu'est-ce donc qui souffle et hurle ainsi? — Il neige. C'est la bise qui souffle en tempête Dans la neige, et ce sont de pauvres bêtes Qui ne peuvent dormir, de faim et de froid, Qui soufflent, qui s'agitent, qui courent dans le bois Par sauts et par bonds; qui vont, Comme les mendiants, clopin, clopant, Où va le froid, où va le vent, Où va la neige, où va le sang, Au fond du bois, vers une humble auge Où brûle un peu de feu d'étoile sur la paille; Là-bas, vers le triste et pauvre berceau, Où vient de naître un petit agneau Que lèche sa mère de sa langue rose; Et toutes ont de pauvres robes, Beiges, grises, noires, brunes, Couleur de soir, couleur de brume, Couleur de terre et de misère, Et toutes souffrent dans le vent qui souffle Et hurlent et beuglent, et jappent et miaulent, Et le vent hurle et beugle, Et souffle dans ses trompes rauques, et dans ses cors de corne, Et siffle dans ses flûtes aiguës, et claque des dents. Et les sapins aussi font un long bruit strident. Des brebis bêlent, des faons râlent, Un cerf brame épouvantablement; Des biches passent, une flèche dans le flanc, Et des lièvres dont le sang met des taches dans la neige, Il est aussi de pauvres oiseaux, Des cailles, des grives, des perdreaux, Des colombes, qui volent avec des ailes cassées, Des cous tordus et des pattes fauchées, Ou tombent — le bec ouvert — plein de sang. Et des plumes rouges volent dans la neige et dans le vent. C'est le massacre des innocents. C'est la détresse humble et cachée Des faibles, des timides, et des doux… Pourtant, il y a les corbeaux et les loups. ― Et que disent-elles? ― Elles disent: Faim! Faim! Encore, et toujours, et sans cesse et sans fin: Faim! Et les petits disent: Faim! et les vieux disent: Faim Notre Père! Notre Père! Faim! Faim! Faim! Notre Père! Notre pain! Et d'autres, à la fois, clament faim et froid, Criaillent: Faim! Croassent: froid! ― Et les poissons que disent-ils? ― Les poissons sont au fond de l'étang. Ils regardent sous la glace avec de grands yeux navrants. Ils demandent, dans leurs prières, De l'eau, de l'air, tristement à voix basse; Car l'eau gèle jusqu'а terre, Car ils étouffent, et vont mourir. Ils prient dans les profondeurs, Et leurs voix mornes et crépusculaires S'élèvent des grands étangs solitaires… Mais personne ne les entend. ― Et que font les hiboux? ― Ils volent sur la ville, dans les ténèbres, Comme des cloches funèbres; Ils crient: Unissez-vous! Unissez-vous! D'un ton très plaintif et très doux. Et c'est la lamentation suprême. Car les loups et les corbeaux Ont mangé le petit agneau, Et sa mère lèche son sang En pleurant et en bêlant; Et quand on l'entend, le cœur se fend! Car la misère est sur la terre; Et l'universel hurlement Gronde et monte vers le ciel sombre, Vers le ciel implacablement! ― Ô mère! Ecoute!… Il semble aussi Qu'une voix très lointaine chante… Où est-ce ta voix qui chante ainsi? Il fait si noir; j'ai peur. Est-ce qu'il neige encore? La lampe s'est éteinte et le feu s'est éteint. La nuit touche mes yeux. Je m'endors et je pleure… Ô mère! Donne la bénédiction du soir A mon cœur qui a pitié, Et chante-moi, en me berçant, Cette chanson plaintive et touchante Qu'ils chantent, là-bas, sans fin, sans fin… Mère, embrasse-moi, comme je t'embrasse, Pour tous ceux qui ont faim et froid Dans le vent, dans la neige et dans la glace. Et dis-moi, ne vais-je pas rêver, tantôt, Que je suis le petit agneau Et que le loup me mange? ― Dors, enfant! Ce n'est qu'un songe… Dors, l'aube est proche. Dans le matin Vont sonner les cloches d'or. Repose, Il passe un souffle d'avril lointain. La neige se fond. Voici les roses… ― Ô Mère! Alors, comme un bon ange, Prends-moi dans tes bras, Pendant que le loup me mange. Reste près de moi. Embrasse-moi… |