Литмир - Электронная Библиотека
Содержание  
A
A

– Je me trompais, ce n’est certainement pas lui… Jeannot et moi, nous aurons rencontré quelqu’un qui lui ressemblait… et c’est de là que provient notre double erreur.

Complètement tranquillisée, elle répondit par un gracieux sourire à l’aimable salut de Judex qui s’approcha d’elle en disant:

– Vous semblez beaucoup vous plaire ici, madame?

– Comment pourrait-il en être autrement? répliqua Jacqueline… Ce beau soleil… cette nature admirable… et par-dessus tout, la présence de mon fils dont j’avais été obligée de me séparer… Enfin… les attentions si délicates dont je suis entourée… Aussi, je ne saurais trop vous dire combien je suis reconnaissante à votre cher oncle Vallières…

– Je savais par lui tous vos malheurs, reprenait Jacques. Il m’avait écrit longuement à ce sujet… Aussi, même avant, de vous connaître, je vous portais un intérêt très grand.

– Je vous en remercie, monsieur Jacques.

– Vous me permettrez d’ajouter, madame, que… moi aussi… je veux être parmi ceux qui se sont imposé comme la plus douce des tâches le devoir d’écarter de votre route tout ce qui peut être pour vous un sujet de regret ou de chagrin.

– Vous me voyez vraiment confuse de tant de bonté…, déclarait Jacqueline, qui se sentit enveloppée, comme malgré elle, d’une atmosphère de bonheur inconnu.

Et avec un accent empreint de la plus charmante et mélancolique modestie, elle ajouta:

– Je me demande ce que j’ai fait pour mériter cela.

– Ce que vous avez fait! s’écria Judex, qui sut faire appel à toute son énergie pour imposer silence à la passion qui frémissait en lui… Ce que vous avez fait!…

Jacques de Trémeuse reprenait d’une voix pleine d’une réelle et pure émotion:

– M. Vallières, et vous n’avez pas le droit de lui en vouloir – il vous aime trop pour cela -, M. Vallières… nous a tout dit… Et voilà pourquoi, ma mère, mon frère et moi, nous vous considérons, non pas seulement comme la plus noble des femmes, mais encore la plus admirable des créatures.

– Monsieur Jacques!…

– Oh! laissez-moi vous dire!… Votre geste sublime est de ceux qui effacent toutes les injustices, désarment aussi tous les courroux… Vous êtes croyante, n’est-ce pas?

– De toutes les forces de mon être!

– Eh bien, continuez à croire, continuez à prier, continuez à espérer.

Et, superbe d’espoir mystique, transfiguré comme un prophète… beau comme un jeune prêtre antique qui prédirait les destinées heureuses aux peuples prosternés devant les saints portiques, Judex formula d’une voix dans laquelle il y avait des vibrations d’amour immense et de religieuse extase:

– Le ciel n’a pas le monopole des récompenses… La terre peut et doit nous donner elle aussi bien des allégresses.

– On ne m’a encore jamais parlé ainsi… murmura Jacqueline en baissant la tête.

– Même Vallières? fit Jacques d’une voix très douce… tandis qu’un sourire d’infinie douceur errait sur ses lèvres.

Jacqueline n’osa répéter: «Même Vallières…»

Mais comme elle le pensait… Oh! comme cette voix si jeune, si ardente, si profonde, était nouvelle pour son cœur… ému et charmé… Et tout de suite, elle se retrouva uniquement mère… et levant les yeux vers le beau ciel pur comme son âme, elle fit:

– Si, vraiment, comme vous le dites, j’ai mérité ici-bas une récompense, je n’en demande qu’une seule, monsieur Jacques… c’est que mon fils soit heureux.

– Il le sera, fit Judex, en déposant un long baiser sur la main de Jacqueline, que chastement, divinement, la jeune femme lui tendait…

Et voilà que les deux enfants… qui, tous deux, avaient pris l’air grave de gens qui ont à adresser une requête sérieuse à un personnage important, s’avançaient vers Jacques et Jacqueline en se tenant par la main.

– Monsieur…, fit le môme Réglisse qui, d’un naturel hardi, était toujours disposé à prendre le premier la parole.

– Qu’y a-t-il mon jeune ami? répondit Judex avec bienveillance.

– Nous voudrions…, hasarda Jeannot…

La démarche devait être délicate.

Car… Jean s’arrêta aussitôt… et Réglisse, de son côté, intimidé, se tut… l’air gêné, embarrassé, contrairement à son habitude.

– Voyons… parlez…, invitait Jacqueline.

– Qu’est-ce que vous voulez, mes petits? questionnait Jacques.

Rassemblant tout leur courage les deux bambins s’écrièrent en même temps:

– Nous voulons Cocantin!

– Cocantin? répéta Judex, en feignant l’étonnement.

Tout de suite, Jacqueline expliquait:

– M. Cocantin est un détective privé qui s’est montré extrêmement dévoué envers mon fils et son petit ami. Je puis même dire qu’il leur a sauvé la vie. Aussi ils se sont tous deux vivement attachés à lui.

– C’est parfait…

– Certes, monsieur Jacques,… mais ce n’est pas une raison pour être indiscrets…

Et comme sous le reproche de Jacqueline, Jeannot et le môme Réglisse courbaient comiquement le front, Judex s’empressa de déclarer:

– Nous serons enchantés, au contraire, de recevoir M. Cocantin… Je m’en vais lui écrire moi-même pour l’inviter à passer quelques jours avec nous.

– Oh! merci, monsieur! Merci! s’enhardirent aussitôt les deux inséparables.

– Il va jouer à cache-cache avec nous, se réjouissait Jeannot.

– C’est un rigolo! définissait le môme Réglisse… Et puis, alors… comme blair, il est fade… Vous verrez ça, monsieur… un vrai quart de brie!

– Allons, Réglisse…, grondait doucement Jacqueline. Tu m’avais promis de ne plus employer des expressions pareilles.

– C’est vrai, madame, je vous demande pardon… Je ne recommencerai plus.

Et, prenant Jeannot par le bras, il fit en s’éloignant, avec un air d’amusante componction:

– S’agit de faire des magnes, maintenant qu’on est des princes!

– Comme vous êtes généreux! fit Jacqueline, en enveloppant à son tour Jacques de Trémeuse d’un regard qui faillit le faire s’écrouler à genoux devant elle.

79
{"b":"125340","o":1}