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«Frère, cette malheureuse, sans s’en douter, vient de sauver l’existence de son père… Après ce qu’elle a fait, nous ne pouvons plus laisser ce misérable se réveiller entre les quatre planches d’un cercueil… Si grands soient ses crimes, si juste soit notre ressentiment, nous n’avons plus le droit de lui imposer la plus atroce des agonies, le plus hideux des supplices, mourir enterré vivant!… Alors tu m’as répondu: «Frère, tu es l’aîné! Tu es le maître… Ordonne, j’obéirai.» Et tu m’as dit cela, n’est-ce pas, mon Roger, parce que ta conscience te dictait aussi ce verdict de souveraine pitié.

– Et surtout! reprit Roger, parce que j’avais compris que tu aimais.

– Frère, tu te trompes! protestait Jacques avec une sombre énergie… À ce moment-là, je ne l’aimais pas encore d’amour, tandis qu’aujourd’hui, où je la connais mieux, où j’apprécie encore plus hautement son âme, où je sais tous les dangers qu’elle a courus, où je l’ai recueillie pantelante, aux trois quarts morte, dans ce moulin des Sablons… je l’admire et l’adore avec toute la ferveur d’un cœur à jamais conquis… eh bien… Roger c’est terrible… Roger… tu vas me blâmer, tu vas peut-être me maudire… mais il faut bien pourtant que cet aveu sorte de moi, parce qu’il m’étouffe.

Et Judex, saisissant son frère dans ses bras, lui dit:

– Il y a des moments où je me demande si je ne vais pas lui rendre son père.

– Jacques! s’écria Roger en pâlissant… souviens-toi que nous sommes liés par le plus sacré, le plus solennel des serments.

– Et si je m’en faisais délier?

– Ne te berce pas d’une pareille illusion.

– Si j’essayais?

– Tu te briseras contre la plus noble des haines.

Jacques se taisait, courbé sous le poids de la plus grande des afflictions. Roger, doucement, voulut reprendre:

– Mon ami…

Mais, soudain, Judex releva la tête:

– Frère, dit-il, tandis qu’une flamme d’espoir illuminait son visage… je vais être obligé de te quitter… pendant vingt-quatre heures… Je suis tranquille au sujet de notre prisonnier… Kerjean fera bonne garde.

«Pendant ce temps, tout en continuant à veiller sur Jacqueline, je te prie en grâce d’aller chercher son enfant, et de le ramener au plus tôt près d’elle.

– Je pars tout de suite… pour Loisy, consentait aussitôt Roger, qui souffrait de la douleur de son frère.

– Merci…

– Et toi… courage!

Les deux frères qui semblaient marqués tous deux par un destin, longuement s’étreignirent.

Et Roger prononça cette phrase mystérieuse à l’oreille de Judex, qui tressaillit:

– Tu l’embrasseras pour moi!

– Je te le promets!

Une heure après, Jacqueline encore sous l’impression de son émouvante entrevue avec l’ancien secrétaire de son père, recevait le message suivant:

Madame,

Obligé de m’absenter brusquement, je crois pouvoir vous annoncer que conformément à votre désir votre enfant sera auprès de vous ce soir ou demain. Je vous supplie de ne pas bouger de votre chambre avant mon retour qui ne saurait tarder.

Veuillez agréer, madame, l’expression de mon respectueux dévouement.

VALLIÈRES.

– Le brave homme! fit simplement Jacqueline en portant la lettre à ses lèvres.

IV LE FRISSON DE LA PEUR ET CELUI DE L’AMOUR

Jeannot et le môme Réglisse, bras dessus bras dessous, leurs petits cartons d’école sur le dos… se rendaient tous les deux, comme chaque jour, à l’école… située à l’autre bout du pays… lorsque, tout à coup, une voix de femme vibra tout près d’eux.

– Mais c’est Jeannot?…

Aussitôt le môme Réglisse vit son petit compagnon se précipiter vers une jeune femme très élégante… et un monsieur non moins chic qui se tenaient à côté d’une automobile arrêtée au bord du chemin.

Déjà l’aventurière avait saisi le bambin dans ses bras et le comblait de caresses… en disant:

– Que je suis donc heureuse de vous revoir, mon petit Jean.

Amaury, de son côté, interrogeait:

– Où allais-tu donc comme ça?

– À l’école.

– Eh bien, proposa joyeusement Diana, nous allons t’y conduire en voiture.

– Je veux bien…, acceptait le bambin. Seulement, faut emmener aussi mon camarade.

– C’est entendu. Allons hop… montez tous les deux…

– Mince alors! s’extasiait le môme Réglisse, v’là qu’on se fait carrioler comme des ambassadeurs.

La voiture démarra à belle allure… et Jean commençait déjà à bavarder joyeusement lorsque le chapeau du môme Réglisse, astucieusement poussé par Amaury, qui avait tout de suite deviné dans le bambin un témoin gênant, s’envola emporté par la brise.

La voiture stoppa aussitôt, et, tandis que le môme descendait pour rattraper son couvre-chef, le wattman, qui n’était autre que Crémard, repartit aussitôt à toute allure, laissant Réglisse en panne sur la route…

– Attendez-le! criait en vain Jeannot.

Mais quand il vit que l’auto dépassait l’école et s’éloignait à fond de train dans une direction de lui inconnue, pris à la fois de frayeur et de colère, il se mit à crier:

– Je ne veux pas m’en aller avec vous!

– Voyons, mon chéri, clamait Diana, n’aie pas peur! Tu sais que nous t’aimons bien…

– Où m’emmenez-vous? questionnait le fils de Jacqueline.

– À Paris.

– Voir maman?

– Oui, c’est cela, voir ta maman.

– Alors, pourquoi n’avez-vous pas attendu le môme Réglisse?…

– Tais-toi! fit sèchement Amaury.

L’enfant se mit à pleurer… tout en appuyant sa petite tête sur l’épaule de l’infâme Diana qui osa encore le caresser.

Lorsque l’auto stoppa devant l’Agence Céléritas… Jeannot était un peu apaisé… Diana et son nouveau complice le firent monter avec eux jusque chez Cocantin.

– Vous voyez que nous vous avons tenu parole! dit l’aventurière.

– Quel est ce bel enfant? interrogeait le détective.

L’aventurière s’empressa de déclarer:

– Un très gentil petit garçon que nous ramenons à sa maman.

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