Литмир - Электронная Библиотека
Содержание  
A
A

L’infirmier interrogeait:

– Vous a-t-on remis un bulletin?

– Rien du tout.

– On vous a bien dit qu’on venait de Beaujon?

– Parfaitement.

– Ça, c’est raide! ponctuait l’infirmier. Je vous demande pardon, messieurs et dames… Nous allons rentrer à Paris et rendre compte à l’Administration…

Vallières, pensif, troublé, regardait s’éloigner la voiture. Puis, se tournant vers les Bontemps qui n’étaient pas revenus de leur étonnement, il leur dit:

– Ne vous inquiétez pas… Je vais me rendre tout de suite à l’hôpital Beaujon… Je vous ferai parvenir immédiatement des nouvelles de Mme Jacqueline.

Comme il s’éloignait, Jeannot courut vers lui avec son petit camarade:

– Au revoir, monsieur Vallières, fit-il.

– Au revoir, mon cher petit.

– Il y a aussi mon petit camarade qui veut vous dire bonjour. Vous voulez bien?

– Mais, très volontiers.

Franchement, le môme Réglisse tendit la main à l’ancien secrétaire du banquier.

– Alors, fit-il, vous aussi, monsieur… vous êtes un ami à sa maman?

Et Vallières répondit avec un sourire où il y avait en même temps qu’une infinie douceur une étrange mélancolie:

– Oui, mon petit… et son meilleur ami peut-être…

III AU BORD BU GOUFFRE

En quittant le village de Loisy, la voiture d’ambulance qui emportait Jacqueline toujours inanimée, au lieu de reprendre la route de Paris, s’était engagée sur la route qui suit les bords de la Seine jusqu’à Meulan, tournant le dos à la capitale…

Un peu avant d’arriver à Bonnières, la voiture s’arrêta.

L’infirmier qui se trouvait sur le siège à côté du wattman se retourna vers l’infirmière demeurée auprès de Jacqueline, et lui demanda:

– Tout va bien?

– Oui…, répondit une voix impérieuse…

– Tu tiens toujours à ce que nous allions jusqu’au moulin?

– Plus que jamais.

– C’est que moi j’aimerais mieux…

– Fiche-moi la paix… et en route.

Tout en embrayant, Crémard se prit à grasseyer:

– Pas de bonne humeur, ce matin, la patronne… Pourtant, elle devrait plutôt être à la rigolade!… car, vrai, on en a mis!…

Et tandis que Moralès, songeur, se taisait, Crémard poursuivit:

– Pour du beau travail, c’est du beau travail! Ah! elle s’y connaît, la sœur… et avec elle, pas moyen de tirer au flanc!… Faut se patiner… Elle vous met le feu au ventre… C’est une gaillarde!

Diana, en effet, venait de tenter et de réussir un de ces coups d’audace digne des plus grands criminels des temps passés, présents et futurs.

Aussitôt reçu le coup de téléphone du docteur Pop qu’elle avait envoyé aux renseignements à Loisy et qui lui avait textuellement répété l’entretien qu’il venait d’avoir avec Marianne, l’aventurière avait pris sa décision.

– Moralès, avait-elle ordonné… Va tout de suite trouver Crémard… Il est sûrement à son hôtel… Dis-lui qu’il me faut une voiture d’ambulance automobile… à ma porte avant une heure d’ici.

– Avant une heure… Mais il me semble que tu lui demandes là…

– C’est un débrouillard, lui, et je suis certaine qu’il se tirera d’affaire. Toi… tu reviendras aussitôt près de moi…

– Je serais curieux de savoir…

– Il faut que nous soyons à Loisy avant onze heures du matin… Là, es-tu content? Et maintenant, file… nous n’avons pas une seconde à perdre.

Moralès avait exécuté ponctuellement les instructions de sa maîtresse.

Crémard, toujours prêt à ce genre de besogne, avait promis d’être exact…

En effet, à dix heures sonnant, il se trouvait à la porte de Diana sur le siège d’une ambulance automobile qu’il avait été «emprunter», suivant son expression, dans un garage de Passy où, depuis longtemps, il avait su se ménager ses petites et grandes entrées.

Tandis que Moralès, en infirmier, s’installait à ses côtés, Diana, en infirmière, prenait place à l’intérieur…

Et c’était bien cette voiture qui, devançant d’un quart d’heure celle de l’hôpital Beaujon, avait emporté Jacqueline.

Encore une fois, les bandits s’étaient emparés de la malheureuse…

La voiture, toujours à une allure très rapide, suivait la route de Mantes à Bonnières.

Un peu avant d’arriver devant le château des Sablons, l’ancienne propriété du banquier Favraut, Crémard ralentit considérablement sa marche… pour s’engager dans un petit chemin qui aboutissait directement au vieux moulin de Kerjean.

L’auto s’arrêta en face de la cour envahie par les ronces et les mauvaises herbes… Crémard, l’air gouailleur, cynique et Moralès, légèrement pâle et visiblement ému, sautèrent à bas du siège… et, après avoir rejoint Diana, qui avait déjà quitté l’ambulance, descendirent sur son brancard Jacqueline qui, toujours inanimée, semblait déjà frôlée par la mort.

– Prends-la et emporte-la où je t’ai dit, ordonna l’aventurière.

Moralès saisit la jeune femme dans ses bras… et, traversant la cour, il s’engagea dans un escalier en bois vétuste et dont la rampe était à moitié brisée.

Pénétrant dans une chambre du premier étage, triste, froide, abandonnée, il déposa son fardeau sur le vieux banc de bois oublié qui en formait l’unique mobilier.

Diana se pencha vers elle, écoutant son souffle.

Alors, elle murmura férocement:

– J’espérais qu’elle «passerait» en route… Mais non… elle respire, elle est encore vivante… Tant pis… nous allons employer les grands moyens.

Suivie de son amant, elle passa dans la pièce voisine…

C’était une sorte de petit grenier qui avait dû jadis servir de resserre aux sacs de farine.

Elle se pencha vers une trappe qu’elle souleva et qui découvrit une assez large excavation donnant sur le fleuve qui coulait très profond à cet endroit en un bruit de remous sinistre.

Puis, sans prononcer un mot, elle referma la trappe et revint vers Jacqueline, toujours accompagnée de Moralès qui observait avec une inquiétude sans cesse grandissante tous les faits et gestes de sa maîtresse.

– Moralès, attaqua celle-ci, après avoir lancé un regard terrible à Jacqueline, dont l’accablement aurait dû inspirer de la pitié au bourreau le plus cruel et le moins pitoyable.

42
{"b":"125340","o":1}