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– Entièrement, consentait le gentilhomme décavé, déclassé, amoral et sans scrupules que si habilement l’aventurière venait de prendre dans ses filets.

Et Diana conclut:

– La réussite de notre plan dépend de sa prompte exécution… Il s’agit donc d’en réaliser immédiatement la première partie… où vous êtes appelé à jouer le rôle que vous savez.

– Parfaitement.

– Donc, filons vite… Le temps de délivrer Cocantin, et en route.

Diana, dont les yeux brillaient d’une lueur de joie malsaine et cruelle, s’en fut pousser le verrou… et Cocantin apparut, légèrement congestionné et visiblement impatient de reconquérir sa liberté…

Sans lui donner le temps d’articuler un mot, la Monti s’écria sur le ton de la plus aimable volubilité:

– Excusez-moi, cher monsieur Cocantin, de vous avoir fait attendre… mais M. de la Rochefontaine et moi nous avions des choses très importantes à nous dire. Inutile d’ajouter que nous nous sommes entendus à merveille… Nous allons faire une course très pressée, mais nous repasserons ici dans la soirée… ou demain matin au plus tard… pour en terminer avec vous…

Et foudroyant le détective d’un regard passionné, l’aventurière ajouta:

– Inutile de vous dire que je ne vous oublierai pas… cher ami… et que vous pouvez entièrement compter sur moi, plus que jamais, vous m’entendez, plus que jamais!

Puis, s’adressant à M. de la Rochefontaine, elle fit, toujours souriante:

– Venez, cher! À tout à l’heure, monsieur Cocantin.

– À tout à l’heure, répliqua le directeur de l’Agence Céléritas, en se confondant en salutations empressées…

Quel forfait inédit avait encore imaginé Diana Monti?

Quels nouveaux périls allaient planer sur Jacqueline?

En attendant, Cocantin, qui avait reconduit ses deux clients jusque dans l’antichambre, les regardait s’éloigner d’un air intrigué.

– Drôle de femme, se disait-il, mais qu’elle est capiteuse!… Si elle tient ses promesses, je crois, mon vieux Prosper, que tu ne seras pas à plaindre.

Galvanisé par ses espérances amoureuses, Cocantin retourna dans son bureau.

Mais comme, suivant son habitude, ses yeux se dirigeaient vers le buste de Napoléon, il tressaillit…

Il venait, en effet, d’avoir l’impression directe, immédiate, que son maître le regardait d’un air menaçant… et qu’il semblait lui dire:

– Cocantin, je ne suis pas content de toi!

Alors, devenu perplexe, il s’assit à son bureau et songea…

Puis, au bout d’un moment, il murmura, envahi par une inquiétude mal définie.

– Je ferais peut-être bien de ne pas m’emballer… Cette femme, maintenant, me fait plutôt peur. Ah! mon oncle!… Mon oncle!… Pourquoi m’as-tu laissé ton agence en héritage?

III LES DEUX FRÈRES

Judex, en proie à une des luttes les plus poignantes qui aient jamais bouleversé un cœur humain, était demeuré longtemps enfermé dans son cabinet de travail, comme perdu dans une douloureuse rêverie qui mettait sur son beau visage un voile de navrante tristesse.

– Et il n’y a rien à faire, rien! murmura-t-il d’une voix angoissée. Quelle chose affreuse que la fatalité!

S’emparant de sa perruque et de sa fausse barbe, il allait sans doute reconstituer, grâce à un maquillage atteignant la perfection même, le personnage de Vallières qu’il avait joué d’une façon si extraordinaire auprès du banquier et de sa fille… et qui avait nécessité de sa part de longues préparations et de minutieuses études, lorsqu’on frappa légèrement à la porte:

– Qui est là? fit Judex sur un ton d’impatience.

– Roger…

– Qu’y a-t-il?

– J’ai besoin de te voir tout de suite.

Judex s’en fut ouvrir.

En l’apercevant sous ses traits naturels, Roger sursauta:

– Quelle imprudence! murmura-t-il.

– Tais-toi…, imposa le faux Vallières en faisant pénétrer son frère dans son bureau dont il referma soigneusement la porte.

Roger attaquait sur un ton où perçait une légère inquiétude:

– Qu’as-tu donc? Tu sembles bouleversé, malheureux même. Pourquoi, tout à coup, au risque de te trahir, as-tu arraché le masque sous lequel tu te cachais pour accomplir à la fois une œuvre de bonté et un devoir de justice?

– Lis cela…, fit simplement Judex en lui tendant la lettre que deux heures auparavant lui avait dictée Jacqueline.

Roger en prit connaissance et, l’air mélancolique, la rendit à son frère qui reprit aussitôt:

– Tu as lu?

– Oui… j’ai lu!

Répétant les propres termes de la missive qu’il savait déjà par cœur, l’ennemi du banquier scanda d’une voix sourde, étouffée:

Quant à vous, votre nom mystérieux évoque toujours pour moi le sombre drame de la mort de mon malheureux père. Je n’ose le répéter et ne le lis qu’avec effroi… Je demande à Vallières de ne pas le prononcer devant moi.

Et Judex ajouta, avec un accent de désespoir:

– Frère, toi qui sais… comprends-tu ce que je peux souffrir? N’est-ce pas que c’est une chose affreuse?

– Jacques… courage…, reprenait Roger.

– Courage!… C’est ce que je ne cesse de me répéter à moi-même. Mais en aurai-je assez pour aller jusqu’au bout?

– Que dis-tu là?

– Écoute-moi, reprenait Judex… Lorsque je me suis attelé à la tâche sacrée qui nous avait été ordonnée… j’ai pris, comme toi d’ailleurs, la résolution de fermer mon cœur à tout amour, tant que nous n’aurions pas accompli notre œuvre, non de vengeance, mais de justice.

«Comme toi, mon frère… j’ai réussi à me tenir à l’abri de toute passion… jusqu’au jour où, sous les traits de Vallières, j’ai réussi à pénétrer dans l’intimité du banquier Favraut.

«Et voilà que bientôt je me suis aperçu que peu à peu, malgré moi, un sentiment que je prenais pour de l’amitié, de la sympathie, m’était inspiré par cette douce jeune femme… qui, dès le premier jour, m’était apparue – et je ne me trompais pas – comme une des victimes de l’égoïsme tyrannique de son père.

«Ce sentiment qui aurait pu affaiblir ma volonté, je l’ai combattu avec un tel acharnement que je suis parvenu à le dominer assez victorieusement, pour qu’il ne m’entravât pas dans la terrible besogne que j’avais à accomplir… Mais… à la suite d’une scène profondément émouvante avec Jacqueline, scène où j’ai pu mesurer toute la noblesse de son âme en même temps que la pureté de son cœur, je t’ai dit:

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