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– Jacques…, fit-elle d’une voix profonde, je te pardonnerai lorsque je serai sûre que tu auras arraché de ton cœur la fleur vénéneuse qui a failli l’empoisonner.

Jacques s’inclina devant sa mère…

Aucune autre parole ne fut échangée entre eux.

Le pacte que Jacques voulait briser sortait de cette tragique épreuve plus intangible que jamais.

L’âme en proie aux tortures les plus douloureuses… rivé à une chaîne qui, maintenant, à chaque pas, allait lui entrer dans la chair, le justicier s’éloignait ressaisi, dominé par la Fatalité.

Et quand il se fut éloigné, Julia Orsini, essuyant deux larmes de colère, qu’elle avait contenues jusqu’alors avec le plus fier courage, s’approcha du portrait de son mari, et en le contemplant avec un regard qui était tout elle-même, elle s’écria en la fascination impérieuse d’une tâche qu’elle croyait inéluctable et sacrée:

– Puisque tes fils ont trahi leurs serments, c’est moi qui te vengerai!

V LE PETIT-FILS

– Dis, monsieur Vallières… quand me rendras-tu le môme Réglisse?

C’est en ces termes plutôt familiers que Jeannot s’adressait à l’ancien secrétaire de son grand-père.

Jacques de Trémeuse qui, de retour à Paris, avait repris de nouveau la personnalité de Vallières, répondit à l’enfant avec un bon sourire:

– Le plus tôt possible, mon mignon.

Et comme Jacqueline lui adressait un regard plein de reconnaissance émue, il reprit:

– Tu sais bien que ton vieil ami est toujours trop heureux quand il te fait plaisir, ainsi qu’à ta maman.

… Quelques instants après, Cocantin recevait un mystérieux coup de téléphone, qui eut le don de le plonger dans une perplexité voisine de l’inquiétude… ce qui ne l’empêcha nullement de lancer dans l’appareil:

– Oui, oui, c’est entendu… à cinq heures, place Armand-Carrel… j’y serai!

Cocantin, après avoir, à plusieurs reprises, consulté le buste de Napoléon, se plongea dans une profonde rêverie.

Puis, se levant, il s’en fut à la fenêtre qui donnait sur le balcon, l’ouvrit toute grande… se pencha au-dessus de la balustrade… et constata qu’à l’angle des rues Lamartine et Hippolyte-Lebas… stationnait une auto dans laquelle se trouvait un homme d’une trentaine d’années, dont le chapeau enfoncé sur les yeux et le col de pardessus, strictement relevé, empêchaient de distinguer les traits.

– Ils sont là, se dit-il. C’est parfait. Rira bien qui rira le dernier.

L’air encore plus satisfait de lui-même que des autres, le détective privé rentra dans son bureau… et, sonnant son garçon, il lui dit:

– Allez me chercher ma grande malle en osier… Apportez-la sur le balcon, afin de lui faire prendre un peu l’air… Elle doit en avoir besoin depuis qu’elle est au grenier.

Au moment où le garçon revenait avec l’objet demandé, le môme Réglisse qui, après l’évasion du petit Jean, était resté par prudence à l’Agence Céléritas, faisait irruption dans le cabinet de l’excellent Prosper.

Inutile d’ajouter que la plus grande cordialité n’avait cessé de présider aux relations du détective malgré lui et de Réglisse.

– Hé, Coco…, interpellait le gamin, tu pars donc en balade, que tu fais des malles?…

– Écoute-moi, fit Cocantin… Ton petit ami Jean te fait demander.

– Ça c’est chic!

– Je vais donc te reconduire près de lui.

– C’est encore, plusse bath!

– Seulement, après tout ce qui s’est passé ici, nous allons être obligés de prendre de très sérieuses précautions.

Et, avec un air solennel, Prosper définit:

– Il est indispensable que nos ennemis ignorent l’endroit où je te conduis… Sans quoi, il pourrait en résulter pour eux, pour toi et pour moi… de terribles conséquences.

– J’ai pus un poil de sec! blaguait le Môme.

Tout en le prenant par la main, Cocantin l’emmena sur le balcon; et, ouvrant le couvercle de la malle-panier, il lui ordonna:

– Cache-toi là-dedans.

– Alors, quoi? interrogeait Réglisse toujours gouailleur, vous allez me trimballer là-dedans comme du linge sale? C’est-y que vous m’emmenez chez la blanchisseuse?

– Laisse-toi faire… et ne crains rien, commandait gentiment Prosper.

– Ça c’est rigolo…, fit le gosse en disparaissant dans la malle.

Cocantin, après avoir glissé un coup d’œil vers l’auto qui n’avait pas bougé de place, ramena le panier en osier dans son bureau.

Quelques minutes après, aidé par sa femme de chambre, il le déposait avec d’infinies précautions sur le siège d’un taxi auto à l’intérieur duquel montait la bonne; et, après avoir lancé une adresse au wattman, il rentrait chez lui en se frottant les mains.

À peine le taxi eut-il démarré que la voiture qui attendait rue Hippolyte-Lebas se lançait à sa poursuite…

Le taxi-auto, après avoir gagné et traversé les boulevards extérieurs, suivit le boulevard Barbès… puis le boulevard Ornano et, tournant à gauche à la hauteur de la porte de Clignancourt, il s’engagea sur le boulevard Ney, qui longe la ligne des fortifications de Paris.

Alors… il se passa un fait vraiment inouï d’audace… et d’adresse.

La voiture de maître qui, jusqu’alors, s’était contentée d’accompagner la voiture de place à une distance relativement respectueuse, accéléra tout à coup son allure… tandis que l’homme qui se trouvait à l’arrière, et n’était autre qu’Amaury de la Rochefontaine, se dressait armé d’un solide gourdin à manche recourbé. Au moment où il arrivait à la hauteur du taxi, il empoigna, avec la crosse de son bâton, la corde très solide qui ficelait le panier en osier la tira à lui avec une force et une dextérité prodigieuses, et, avant que le brave conducteur du taco ait eu le temps de revenir de sa surprise, la malle, et son contenu, littéralement harponnés au passage…, se trouva, en un clin d’œil, transportée du siège du taxi à l’intérieur de la 24 HP d’Amaury qui, pilotée par Crémard, disparut dans la direction du boulevard Berthier… brûlant à toute allure la chaussée presque entièrement déserte.

– Bravo, patron, approuvait le chauffeur ordinaire et extraordinaire de Diana Monti… Vrai, on dirait que vous n’avez fait que cela toute votre vie.

– Vite à la maison! ordonna M. de la Rochefontaine tout essoufflé par le formidable effort que lui avait occasionné cette opération aussi hardie que difficile.

Après avoir zigzagué dans diverses rues, afin de dérouter toute poursuite, Crémard stoppa devant la garçonnière d’Amaury où, depuis les derniers événements, Diana Monti, qui comprenait que plus que jamais elle avait besoin d’une protection efficace, avait élu domicile.

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