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Et après avoir fait un signe à Amaury, qui prit le bambin par la main et l’emmena vers la fenêtre, elle expliqua à voix basse au directeur de l’Agence Céléritas:

– C’est le fils de Jacqueline Aubry… Je commence par vous dire que nous ne lui voulons aucun mal… Nous allons seulement vous prier de le garder pendant quarante-huit heures. Pendant ce temps… M. de la Rochefontaine et moi, nous ferons savoir à Judex que ce petit est ici. Nul doute qu’il ne vienne le réclamer.

– Et alors?

– Le reste nous regarde…

– Je vous avoue que je ne comprends pas très bien, déclarait Cocantin sans enthousiasme.

– Rappelez-vous qu’il y a cent mille francs pour vous… si nous arrivons à savoir qui est Judex…

Et cherchant à enivrer Cocantin de l’un de ces regards ardents qui semblent déjà mieux qu’une promesse, elle ajouta:

– Allons, c’est entendu!… Amaury… nous allons prendre congé de M. Cocantin.

En même temps, Jeannot se précipitait vers le détective en suppliant:

– Oh! non, m’sieu, m’sieu… gardez-moi… Ils sont méchants!

– Vous voyez! ricana l’ex-institutrice… Lui-même préfère rester avec vous… Ne le contrariez pas, cher ami.

– Au revoir… et à bientôt, lança Amaury en rejoignant la Monti, qui avait déjà gagné l’antichambre.

Cocantin tout ahuri, demeuré seul avec le fils de Jacqueline, le considéra avec une expression de pitié, bientôt attendrie.

– Pauvre petit bonhomme! murmura-t-il tout ému.

Et l’attirant à lui, il demanda:

– Dis, tu veux bien que nous soyons bons amis?

– Oui, monsieur, répondit Jeannot… Je veux bien… Seulement vous me rendrez à ma maman.

– Où demeure-t-elle?

– À Neuilly… chez Mme Chapuis… je ne sais plus bien la rue… mais je retrouverai bien la maison.

Un vrai drame se jouait dans le cœur de Cocantin qui songeait:

– Décidément, je crois que je me suis embarqué dans une très mauvaise affaire. Cette Diana est une femme terrible… terrible!

Et tandis que Jeannot, flairant dans le détective un protecteur naturel, sautait sur ses genoux, le regard de Cocantin se dirigea vers le buste de Napoléon.

– Il n’y a pas d’erreur, se dit-il… Je ferais beaucoup mieux de le ramener à sa mère.

Mais, tout à coup, le frisson de la peur fit tressaillir Prosper…

En effet… le successeur de Ribaudet, tout en caressant le chérubin qui lui témoignait une si rapide et si entière confiance, venait de se dire tout à coup:

– Si je manque de parole à ces gens-là, ils sont capables de me jouer tous les tours possibles et imaginables… D’ailleurs, ce petit n’a rien à craindre… D’abord, ils m’ont promis qu’ils ne lui feraient aucun mal et il n’y a pas besoin d’avoir inventé la poudre, même de riz, pour comprendre qu’ils ne veulent s’en servir que pour amorcer Judex et délivrer Favraut, but honnête et louable entre tous. Somme toute, je ne serais pas fâché de voir un peu la tête qu’il a, ce nommé Judex… Puis, il y a cent mille francs pour moi, et dame! on a beau être à son aise, cent mille francs c’est une somme respectable.

Tout en faisant sauter sur ses genoux le petit Jean, qui commençait à lui parler du bourricot et des canards de son papa Julien, Cocantin dirigea de nouveau ses yeux vers le buste impérial.

Contrairement à son attente, il n’y rencontra pas l’approbation espérée.

– C’est singulier, se dit-il, le Patron n’a pas l’air de marcher. C’est donc qu’il faut que je restitue ce gosse à sa famille.

Mais voilà qu’un nouveau frisson le saisit… Cette fois ce n’est plus le frisson de la peur, c’est celui de l’amour…

L’image de Diana vient de lui apparaître…

De nouveau, il entend cette voix qui si délicieusement chantait à ses oreilles.

Il revoit ce sourire ensorceleur, ces regards de feu…

Il respire avec délice le parfum subtil dont il hume encore la trace… Et le voilà bouleversé, ne sachant plus qui va l’emporter: Diana ou Napoléon.

Hélas! ce fut pour l’empereur un second Waterloo… car, Cocantin, étouffant en lui la voix du remords… Cocantin désarmé par le brillant mirage qu’il venait d’évoquer… Cocantin amoureux comme il ne l’avait peut-être encore jamais été… céda fatalement à la passion et conclut:

– Je garde l’enfant!

Et pour étouffer les derniers scrupules qui persistaient en lui, il se tourna pour la troisième fois vers le buste de son idole et maître… tout en promettant solennellement:

– Sire, je vous garantis que le premier qui osera seulement toucher à un de ses cheveux… eh bien! eh bien, il aura de mes nouvelles.

Tout le restant du jour, Cocantin, pensant qu’il avait concilié son devoir, son amour et ses intérêts, s’occupa de Jeannot, jouant avec lui, le comblant de friandises et achevant ainsi sa conquête.

Et quand arriva le soir, il le coucha lui-même dans son grand lit… tandis que, vêtu d’une robe de chambre, il s’étendait près de lui sur deux chaises, s’endormant bientôt, lui aussi, du sommeil de l’innocence.

V LES EXPLOITS DU MÔME RÉGLISSE

Lorsque le môme Réglisse, après avoir couru après son chapeau, vit l’automobile de Diana et d’Amaury lui brûler la politesse, en proie à une violente et subite colère, il s’exclama:

– Zut! ils ont mis les voiles!

Aussitôt, il s’élança en criant sur les traces de la voiture…

Comprenant bientôt qu’il n’avait aucune chance d’être entendu et encore moins de rattraper le véhicule… il prit le parti très sage, après avoir montré le poing aux fuyards qui disparaissaient dans un nuage de poussière, de rentrer directement chez ses parents nourriciers et de leur raconter ce qui venait de se passer.

Précisément, le frère de Judex venait d’arriver en auto, apportant aux Bontemps une lettre signée Vallières et dans laquelle celui-ci les priait de lui remettre le petit Jean afin de le reconduire près de sa mère.

Surpris, effrayé par le récit du môme Réglisse, Roger qui avait immédiatement tout deviné, dit à Marianne et à son père qui, bouleversés d’inquiétude, parlaient d’aller prévenir immédiatement la police:

– Gardez-vous bien de tenter aucune démarche qui pourrait indiquer à ces gens que nous sommes déjà sur leurs traces. Laissez-nous faire, M. Vallières et moi… Et si vraiment cette Marie Verdier et ce M. de la Rochefontaine ont enlevé le petit Jean, je vous garantis que nous ne tarderons pas à le rendre à sa mère.

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