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ЛитМир: бестселлеры месяца
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– Dites, madame, est-ce que maman est revenue?

– Pas encore!

– Mais elle ne tardera pas, déclara Judex en approchant ses lèvres du front d’ange qui s’offrait à lui, tandis que, gravement, comme s’il prenait envers lui-même le plus sacré des engagements, il déclarait:

– Je te le promets, mon enfant…, tu reverras bientôt ta maman.

Puis, se tournant vers l’hôtelière, il lui confia à voix basse, mais avec un accent d’autorité souveraine:

– Votre pensionnaire est vivante!

– Que le bon Dieu vous entende!

– Je m’en vais partir à sa recherche… Mais pas un mot, n’est-ce pas… à personne, vous m’entendez!… Le salut de Mme Bertin dépend de votre silence.

– Comptez sur moi!

Judex s’emparant d’un gant que Jacqueline avait laissé sur la table le fit flairer à son limier qui, les oreilles dressées et les prunelles en feu, sembla répondre aussitôt à son maître: «J’ai compris!»

– Au revoir, madame, saluait poliment le mystérieux visiteur.

– Où pensez-vous qu’elle puisse bien être? interrogeait avidement l’hôtelière…

– C’est Vidocq qui va me le dire…, répondit Judex, en désignant son chien qui, tout frémissant, les muscles du cou tendus, et le nez humant le sol, l’entraînait vigoureusement, dans sa hâte d’entrer en chasse.

Tandis que l’homme à la cape noire gagnait la rue, Mme Chapuis, le regardant s’éloigner, se prit à murmurer:

– Je n’ai pas osé lui demander comment il s’appelait: mais rien qu’à la façon dont il a embrassé le petit, j’ai tout de suite deviné que c’était un brave homme.

… Et Judex, tout en regagnant une automobile où l’attendait son frère, songeait, les sourcils froncés et en proie à une réelle angoisse:

– Pourquoi Diana Monti a-t-elle enlevé Jacqueline?

II DIANA, MORALÈS ET CIE

Étendue, ou plutôt prostrée sur un banc rustique, au fond d’une pièce voûtée, où le jour pénétrait par une sorte d’œil-de-bœuf hors de portée et garni de solides barreaux de fer, une jeune femme, dont le visage reflétait une expression de stupeur profonde, laissait errer autour d’elle un regard profondément douloureux.

C’était Jacqueline Aubry, qui venait de reprendre connaissance.

Ne saisissant pas bien, tout d’abord, la réalité, elle voulut se lever, se diriger vers une porte massive… à l’énorme serrure toute neuve et visiblement fermée du dehors…

Mais… elle n’en eut pas la force… Elle retomba sur le banc… et, comme elle voulait appeler, sa voix s’étrangla dans sa gorge en proférant cette phrase qui se termina en un déchirant sanglot:

– Je suis prisonnière!…

Tout de suite, une question d’autant plus tragique qu’elle se sentait incapable d’y répondre, se posa à son esprit:

– Pourquoi?

Se souvenant à présent de toutes les péripéties de son enlèvement, elle se demandait:

– Oui, pourquoi cette demoiselle Verdier envers laquelle je n’ai jamais eu que de bons procédés et qui, elle-même, ne m’a jamais témoigné que beaucoup de déférence et de sympathie, m’a-t-elle attirée dans un aussi odieux guet-apens?… Je suis pauvre… on ne peut donc rien espérer de moi… Je ne vois pas… je ne comprends pas…

Mais bientôt un nom s’échappa de ses lèvres:

– Judex!

Et la fille du banquier, envahie d’une torpeur irrésistible, se demandait:

– Si c’était lui qui m’avait fait conduire ici? Si poursuivant jusqu’au bout son œuvre de vengeance implacable, après avoir endormi ma défiance par l’envoi de ces deux pigeons et de cette lettre où il se déclarait mon protecteur, il avait pris l’institutrice de mon fils pour complice? Qui sait si ce n’est pas grâce à cette femme qu’il a pu frapper mon père?

Incapable de soupçonner César de Birargues d’une pareille félonie, s’exaltant à ces soupçons terribles qui n’étaient pas loin de devenir pour elle la plus atroce des certitudes, Jacqueline cherchait à reconstituer dans son cerveau enfiévré toute la suite des événements tragiques qu’elle venait de traverser.

Ressuscitant en elle un tas de détails qu’elle avait jusqu’alors négligés, elle en arriva à conclure qu’elle était à son tour la victime de Judex et que Marie Verdier n’était que l’exécutrice des volontés de ce terrible et mystérieux personnage.

De nouveau, elle trembla pour son enfant.

– Mon petit Jean adoré! s’écria-t-elle, en un accès de navrant désespoir… Ils vont me le prendre aussi… Car, je le sens, rien ne pourra désarmer ce bourreau… Rien! pas même un innocent, pas même le regard d’un ange, pas même le sourire d’un enfant!… Qui te défendra, mon chéri, contre les attaques de nos ennemis? Que ne suis-je près de toi pour te protéger!… J’aurais dû te garder à mes côtés! Mon Dieu! c’est effroyable… Je ne croyais pas qu’il y eût au monde de pareilles souffrances… Pourquoi me les avoir imposées… à moi qui n’ai jamais fait le mal…, à moi qui n’ai jamais été heureuse…, à moi qui suis prête à sacrifier pour mon petit mon dernier souffle de vie?…

«Oui, mon Dieu, si, dans votre justice, vous avez décidé que moi aussi je devais expier les fautes de mon père, frappez-moi… sans pitié… Mais que votre colère s’arrête là… Ne soyez pas aussi cruel que le Jehovah des Juifs… Ne nous poursuivez pas jusque dans la troisième génération. Par pitié, épargnez mon enfant!…

Et, glissant à genoux sur le sol… la tête courbée… les mains jointes, elle pria de toutes les forces de son âme bouleversée, et jamais supplication plus ardente ne jaillit d’un cœur maternel…

Mais une fièvre intense s’était emparée d’elle… Quand elle se releva, elle était toute frissonnante… La soif lui desséchait les lèvres… Sur une lourde table de bois… comme on en voit à la campagne… il y avait une carafe d’eau… et un verre, que la jeune femme n’avait pas encore remarqués… Elle but à larges traits… avidement, quelques gorgées…

Presque aussitôt, une détente bienfaisante se produisit en elle. Ses larmes se remirent à couler, en même temps qu’une torpeur de plus en plus envahissante la ramenait vers le banc où elle se laissa choir; et, brisée, meurtrie, mais calmée, apaisée, elle s’endormit en murmurant en un vague sourire fait d’un intuitif et inconscient espoir:

– Mon Jeannot… mon bien-aimé!

Quelques instants après… la porte s’ouvrait sans bruit… laissant apercevoir la silhouette de Diana Monti et de Moralès.

– Elle dort, fit celui-ci à voix basse.

– Oui, répliqua l’aventurière; et elle n’est pas près de se réveiller… car j’ai un peu forcé la dose… Mieux vaut qu’elle ne nous voie pas… Cela nous évitera des explications ennuyeuses. Allons, tout va bien. D’ailleurs, ton ami a dû recevoir notre télégramme et ne saurait tarder!

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