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Soutenu par Diana et Moralès, il s’embarqua dans un canot qu’avaient rejoint les deux matelots et qui se dirigea aussitôt vers un joli brick-goélette mouillé en rade, à une faible distance du rivage.

– Capitaine Marteli…, glissa Diana à l’oreille d’un marin barbu qui, taillé en hercule, se tenait à la barre… Vous voyez que vous avez bien fait d’accourir à mon appel… Le coup a réussi, et vous allez toucher la forte prime…

Marteli, un de ces hommes à tout faire, qui jadis avait été l’associé de la Monti dans une expédition de contrebande organisée par elle sur la côte italienne, eut un sourire de satisfaction non déguisée.

Les deux bandits… mâle et femelle… étaient bien faits pour se comprendre et pour s’entendre.

Quelques minutes après… Favraut… Diana et Moralès étaient installés à bord de l’Aiglon qui s’apprêtait à lever l’ancre.

Assis à l’arrière… le banquier surveillait d’un air étonné, inquiet, les préparatifs du départ.

La Monti et Robert Kerjean l’avaient rejoint.

– Où m’emmenez-vous? demanda le père de Jacqueline sur un ton indécis… presque plaintif.

Diana répondit aussitôt:

– Pour échapper à toute poursuite, nous gagnerons rapidement par mer Sète ou Port-Vendres… De là, nous rejoindrons Paris… où vous vous mettrez sous la protection de la justice… Votre fortune, qu’à la suite d’un odieux chantage, Judex a forcé votre fille à abandonner à l’Assistance publique, vous sera entièrement et immédiatement rendue!

– Et c’est à vous que je dois ma liberté? demanda Favraut, sur lequel la Monti avait repris tout son ascendant.

– À moi et à mon frère, et à tous ces braves matelots qui se sont unis à moi… pour vous arracher à vos bourreaux.

– Comment avez-vous pu me retrouver? interrogeait le banquier, qui ne cessait de contempler Diana avec toute l’expression ardente de sa passion ressuscitée.

– Pas maintenant… un jour, nous vous dirons… Sachez seulement que nous avons couru les plus grands dangers… Ce Judex est un homme terrible!… Mais j’étais décidée à tout pour vous sauver… et je suis heureuse… oui, bien heureuse d’avoir réussi.

– Diana, murmura le banquier, je n’aurai pas assez de jours pour vous prouver mon infinie reconnaissance… Mais… je saurai m’acquitter de ma dette envers vous… oui, je saurai!

Et tandis qu’un rayonnement de triomphe illuminait le front de l’aventurière, Favraut demanda:

– Alors, nous partons bientôt?

– Oui… dans la nuit.

À ces mots le visage du banquier s’assombrit…

C’est que, tout à coup, le visage de son petit enfant venait de lui apparaître.

Un profond soupir gonfla sa poitrine et il murmura ces deux noms:

– Jean… Jacqueline!

– Qu’avez-vous? interrogea aussitôt la Monti.

Le banquier laissa échapper:

– Je ne voudrais pas m’en aller sur ce navire… sans ma fille et sans mon petit-fils.

Aussitôt… l’infernale créature reprit sur un ton plein d’hypocrite bonté:

– Je comprends si bien ce sentiment… que j’allais vous proposer de les emmener avec vous… Mais il va falloir agir avec une extrême prudence. Judex s’appelle en réalité Jacques de Trémeuse…

– Jacques de Trémeuse! tressaillit Favraut qui, à mesure que sa raison lui revenait, commençait à reconstituer les phases terribles de sa captivité.

– Afin de se mettre à couvert et de dérouter tout soupçon… il s’est, en quelque sorte, constitué le protecteur de votre fille qui s’est laissée prendre au piège… et lui a accordé toute sa confiance.

– La malheureuse!

– On ne peut pas dire qu’elle soit précisément sa prisonnière, mais en tout cas votre ennemi la considère, en cas de danger, comme le plus précieux des otages, tout en lui laissant une liberté relative dont nous allons d’ailleurs nous empresser de profiter.

– C’est cela…, approuvait le marchand d’or. Dites-moi ce qu’il faut faire… Je suis encore tellement brisé… que, par moment, il me semble que je n’ai plus la force de penser.

– Alors, écoutez-moi bien.

– Diana… je vous devrai plus que la vie.

L’aventurière, tendant au banquier une feuille de papier et un stylographe, lui dit tout en achevant de le fasciner avec son plus captivant sourire:

– Écrivez à votre fille de venir vous retrouver avec son enfant… Cela suffira. Je me charge, moi, de lui faire parvenir secrètement la lettre… Dans une heure, elle sera près de vous!

– Encore merci!

Tandis que, faisant appel à toute sa volonté, à son énergie, Favraut commençait à tracer quelques lignes hésitantes, Diana, s’approchant du capitaine Marteli qui surveillait la manœuvre, lui dit:

– Nous ne partirons que demain matin.

– Et pourquoi?

– Je vous le dirai. Ce soir, vers dix heures… je descendrai sur le quai… avec vous…

– Il y a donc encore de l’ouvrage à faire? interrogea le bandit de la mer.

– Et de «la belle», ricana atrocement l’aventurière, qui ajouta entre ses dents: Cette fois, ma belle Jacqueline, toi et ton héritier, vous ne m’échapperez pas!

DIXIÈME ÉPISODE Le cœur de Jacqueline

I OÙ VALLIÈRES REPARAÎT

– Madame!… Madame! s’écriait Jacqueline Aubry… en sanglotant dans les bras de Mme de Trémeuse, je vous en prie… laissez-moi repartir pour Paris… Là, je m’adresserai à des hommes puissants qui m’aideront, j’en suis sûre, à dissiper cette terrible énigme.

– Calmez-vous… ma chère enfant, suppliait la comtesse… Mon fils Jacques vous a promis de vous rendre votre père… Je le connais… il tiendra parole…

– Certes, j’ai confiance en lui, mais quels que soient son courage et sa bonne volonté, en se heurtant à cette force mystérieuse qui semble si redoutable… ne va-t-il pas lui-même au-devant de grands dangers?… Pourra-t-il les surmonter?… Ne succombera-t-il pas à la tâche… victime lui-même de la colère et de la haine de Judex? Voilà pourquoi, après avoir si longtemps gardé le silence, j’estime que mon devoir est de parler.

– Gardez-vous-en bien, ma pauvre petite amie, observait Julia Orsini.

– Pourquoi, madame?

– Parce que dans l’intérêt de votre père, pour son salut… pour son honneur… il ne faut à aucun prix mêler la police à cette affaire.

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