– Levez-vous, dit Pardaillan.
Maurevert obéit. Il tremblait de tous ses membres. Pardaillan était étrangement calme. Mais sa voix frémissait, et un frisson, par moments, passait sur son visage. Il tira son poignard et le montra à Maurevert.
– Grâce! dit celui-ci d’une voix si faible qu’à peine on l’entendait.
– Donnez-moi le bras, dit Pardaillan.
Et comme Maurevert, dans le vertige de l’épouvante, ne bougeait pas, il lui prit le bras et le mit sous son bras gauche. De la main droite, il tenait son poignard sous son manteau qu’il venait de jeter sur ses épaules.
– Là, dit-il alors. Maintenant, suivez-moi. Et pas un mot, pas un geste! C’est dans votre intérêt.
Et il lui montra la pointe de sa dague. Maurevert fit signe qu’il obéirait. Pardaillan se mit en marche, traînant Maurevert, le serrant contre lui et le soutenant comme un ami bien cher.
Il se mit à descendre, mais cette fois par le grand escalier. Le château était plein de rumeurs sauvages, de hurlements des gens qui poursuivaient, des cris de miséricorde des gens qui étaient poursuivis. Dans ce tumulte, Pardaillan et Maurevert, presque enlacés, passèrent comme des spectres.
Dans la cour carrée, Maurevert eut un commencement de mouvement. Pardaillan s’arrêta et le regarda en face, en souriant. Ce sourire était terrible… Maurevert baissa la tête et poussa un faible gémissement.
– Allons! dit Pardaillan qui se remit en route.
Près du porche, Crillon, l’épée à la main, criait des ordres. Des soldats croisèrent la pique devant Pardaillan.
– Monsieur de Crillon, dit Pardaillan, il faut que je sorte.
Crillon regarda Pardaillan une minute avec une sorte d’effroi et d’étonnement mêlés. Puis il se découvrit et prononça:
– Laissez passer la justice royale!…
Les gardes se rangèrent et présentèrent les armes. Pardaillan franchit le porche, entraînant et soutenant Maurevert…
Sur l’esplanade, à vingt pas du porche, un homme se plaça près de Maurevert et se mit à marcher sans dire un mot. Tous les trois – Maurevert encadré entre Pardaillan et le nouveau venu – franchirent la porte de Russy, passèrent le pont et se mirent à remonter la Loire.
À une lieue environ du pont de Blois, ils s’arrêtèrent devant une masure abandonnée. Deux chevaux tout sellés étaient attachés à un restant de palissade qui avait dû entourer un jardinet attenant à la masure. Pardaillan poussa Maurevert dans l’unique pièce. L’inconnu entra derrière eux et ferma la porte.
– Asseyez-vous, dit Pardaillan à Maurevert en lui désignant un escabeau. Maurevert obéit. Il claquait des dents, et sûrement, il ne restait de vie en lui que ce qui peut en rester au condamné à mort, à trois pas de l’échafaud. Pardaillan lui lia les jambes solidement, et dès lors une lueur d’espoir se fit jour dans l’esprit de Maurevert, car du moment qu’on le liait, c’est qu’on ne devait pas le tuer tout de suite.
– Messire Clément, dit alors Pardaillan, puis-je vraiment compter sur vous?
– Cher ami, dit Jacques Clément, soyez tranquille, et allez sans crainte à vos affaires. Je jure Dieu que vous retrouverez l’homme où vous le laissez.
Pardaillan fit un signe de tête comme pour dire qu’il avait confiance dans ce serment. Il sortit sans jeter un regard à Maurevert et reprit en toute hâte le chemin de Blois. Jacques Clément tira son poignard et s’assit devant Maurevert.