À ce moment, un valet de chambre du duc entra et annonça:
– Un homme est là, chargé d’un important message de Mme la princesse Fausta.
Maurevert recula de quelques pas en frémissant. Si le duc connaissait ses secrètes accointances avec Fausta, il était perdu! Guise avait fait un signe. L’homme annoncé pénétra dans la pièce et s’inclina devant le duc.
– Parle! dit celui-ci.
– Voici, monseigneur, dit l’homme. Mme la princesse est sortie ce matin de Paris pour une affaire que j’ignore. Selon la coutume, divers serviteurs étaient échelonnés de distance en distance sur le trajet que devait suivre Sa Seigneurie au cas d’un ordre à recevoir.
– Bonne coutume! grommela le duc. J’en userai à l’avenir.
– J’étais, reprit l’homme, posté près de la porte Montmartre (Maurevert dressa les oreilles). J’ai vu revenir la litière de Sa Seigneurie. Naturellement, je n’ai pas bougé. Mais lorsque la litière est passée près de moi, j’ai vu les rideaux s’entr’ouvrir, et ce papier roulé en boule est tombé à mes pieds, en même temps que ces mots me parvenaient: hôtel, Guise!… Alors, je suis venu, monseigneur, et voici le papier…
Guise déroula rapidement le papier, et lut ces mots au crayon:
«Faites cerner la Cité: j’y conduis Pardaillan. – F.»
– Ah! ah! tu avais raison, Maurevert! s’écria Guise. En chasse donc!… Bussi, prends cent hommes au Châtelet, postes-en cinquante au pont Notre-Dame, et cinquante au Petit-Pont!… Maineville, prends cent hommes à l’Arsenal: cinquante au pont aux Changeurs, cinquante au pont Saint-Michel… Maurevert, prends cent hommes au Temple, dont tu mettras cinquante au nouveau pont, et cinquante au pont des Colombes [9] . Moi je vais me poster sur le parvis Notre-Dame avec tout ce que j’ai de monde ici. Le drôle est dans la Cité!… Dussé-je démolir l’Île entière, cette fois il ne m’échappera pas!… Maurevert, tu me rejoindras sur le parvis pour me rendre compte de ta mission.
Maurevert, Bussi-Leclerc et Maineville s’élancèrent. Cinq minutes plus tard, le duc de Guise sortait de son hôtel à la tête d’une soixantaine de cavaliers. Lorsqu’il arriva à la Cité, il dissémina aussitôt cette troupe pour garder les ponts en attendant l’arrivée des renforts. Moins d’une heure après, tous les points indiqués par lui étaient fortement occupés, et les cavaliers de Guise le rejoignaient sur le parvis; si bien que les membres du Parlement crurent qu’on les voulait exterminer et se barricadèrent dans le palais.
On sait que le Parlement et le duc de Guise gardaient une sourde méfiance l’un contre l’autre.