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Et ils s’avancèrent tous les quatre, le Béarnais en tête.

Cependant, le bruit d’une entrevue entre le roi de Navarre et le roi de France s’était répandu à Tours et dans les environs. Une multitude de peuple s’était approchée du château, et, comme on avait laissé les portes grandes ouvertes, s’était massée aux abords d’un grand et magnifique jardin, les uns grimpant sur les statues de marbre, d’autres se juchant dans les arbres.

Henri III attendait dans le jardin, vêtu d’un magnifique costume de satin blanc, portant au cou le grand collier de l’ordre dont il était le fondateur, appuyant sa main sur une poignée d’épée toute constellée de diamants, et les épaules couvertes d’un court manteau de soie cerise. Derrière lui, sur quinze ou vingt rangs de profondeur, ses courtisans et ses officiers revêtus de leurs habits de cérémonie lui formaient un cadre d’une splendeur étrange. En arrière de cette masse de costumes chatoyants, à gauche et à droite, un double rang de hallebardiers en costume de cour, majestueux et imposants, fermaient trois côtés d’un grand carré dont un seul était ouvert. Enfin, derrière les hallebardiers, trois régiments en tenue de campagne: au fond, les arquebusiers; à droite et à gauche, les pertuisaniers. Au milieu de cette énorme mise en scène que contemplait la foule, Henri III, seul dans un espace vide, attendait immobile.

Le Béarnais s’avança, suivi de son escorte de trois hommes tout poussiéreux de la route qu’ils venaient de faire. Un rapide sourire balafra le visage astucieux du Gascon lorsqu’il vit le déploiement de forces et de magnificences imaginé par Henri III. Il voulut que le contraste fût plus violent encore entre cette richesse qui demandait grâce et sa pauvreté qui venait au secours de cette splendeur… D’un geste, il arrêta ses trois compagnons, et s’avança seul.

Un silence de plomb s’abattit sur toute cette cour et sur le peuple attentif, lorsque le Béarnais s’arrêta à trois pas d’Henri III, tout seul, avec son vieux pourpoint usé, son chapeau gris orné d’une belle médaille, – son seul luxe – ses bottes aux semelles éculées, aux éperons rouillés. Une minute pendant laquelle on eût entendu le vol des papillons qui se poursuivaient au grand soleil de juillet, une minute qui fut un siècle d’angoisse et d’attente tragique, les deux rois se regardèrent sans pleurer.

Brusquement, le Béarnais ouvrit ses bras. Henri de Valois, la poitrine oppressée, fit trois pas rapides et s’y jeta en murmurant:

– Mon frère! Ah! mon frère!… je suis bien malheureux!…

À ce spectacle, un frémissement prolongé parcourut les rangs de la cour et des soldats, gagna le peuple, s’accentua comme le bruit des feuilles quand vient le coup de vent, monta, gonfla, et soudain, tandis que toutes les têtes se découvraient, éclata en une immense acclamation de: «Vive le Roi!…» Et alors, à ce cri qu’il n’avait pas entendu depuis bien longtemps, Henri III se mit à pleurer.

– Eh! ventre-saint-gris! fit joyeusement le roi de Navarre, prenez courage, mon frère! Avec l’aide de mes montagnards, je vous ramènerai dans Paris jusque dans votre Louvre.

Henri III embrassa encore le Béarnais, puis le prit par le bras et l’emmena vers une salle du château où une collation avait été préparée… C’en était fait! Dix minutes plus tard, les cent hommes laissés à la porte, et qu’on alla chercher, furent amenés en triomphe, et le lendemain, lorsque l’armée du roi de Navarre arriva, officiers et soldats royalistes fraternisaient avec les officiers et les soldats huguenots… L’alliance était consommée: cette alliance devait conduire le Béarnais sur le trône et instaurer la dynastie des Bourbons.

Trois jours plus tard, les deux armées combinées marchaient ensemble, repoussaient à Tours les troupes de Mayenne, marchaient sur Paris, faisaient une apparition jusque dans le faubourg Saint-Jacques, puis, maîtres de l’Oise, se rabattaient sur Saint-Cloud, s’emparaient du pont et établissaient leurs quartiers depuis Saint-Cloud jusqu’à Vaugirard. Paris, terrifié de ces succès foudroyants, allait succomber… une énorme effervescence s’y produisit, et déjà quelques-uns des principaux parmi les bourgeois commençaient à dire que mieux valait ouvrir les portes tout de suite, et réconcilier Paris avec son roi…

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