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– Vous avez besoin que Valois vive encore? balbutia-t-il.

– Oui. Ma vie est liée à la vie de ce roi que vous voulez tuer. Et puisque Dieu, dites-vous, a voulu notre rencontre cette nuit, puisque c’est au fils d’Alice de Lux que je parle, je vous dis: «Clément… je te demande de me laisser vivre en laissant vivre Valois, roi de France!…»

– Que maudite soit l’heure présente! haleta le moine.

– J’attends la réponse du fils d’Alice, dit Pardaillan avec une majesté qui fit trembler le duc d’Angoulême.

– Que maudite soit la minute où je t’ai rencontré! râla Jacques Clément.

Il grelottait. Ses dents claquaient. Il fixait sur Pardaillan des yeux hagards… Et si Pardaillan eût pu entendre la pensée de ce moine, voici ce qu’il eût entendu:

«La vie du roi! Il me demande cela!… Mais alors… l’ange… l’ange d’amour… Mais elle va savoir! Elle m’attend à minuit!… À minuit, j’aurai ma récompense terrestre de son amour!… Et Pardaillan me demande de renoncer à cela… à l’amour de Marie!…»

Comme Jacques Clément rugissait en lui-même ces choses, minuit sonna lentement dans le grand silence de la ville endormie… Au premier coup, le moine se releva, frissonnant de fièvre. Au sixième coup, il joignit les mains et murmura:

– Grâce, Pardaillan!…

Pardaillan assistait avec un prodigieux étonnement à ce drame qu’il ne pouvait comprendre. Pourquoi Jacques Clément lui demandait-il grâce? Que se passait-il dans les ténèbres de cette âme?… Le douzième coup de minuit sonna.

Puis il y eut un long silence. Puis le moine se laissa tomber à genoux, baissa la tête. Puis, cette tête, il la redressa vers Pardaillan… elle était sublime d’angoisse, d’orgueil et de sacrifice. Et dans un souffle, il murmura:

– Le roi de France vivra!… Ô ma mère, c’est pour le chevalier de Pardaillan!…

Il tomba à la renverse et s’évanouit.

Je crois, dit Pardaillan, que ce moine vient de faire un acte héroïque…

Et tous les deux s’empressèrent de soigner Jacques Clément qui, au bout de quelques minutes, rouvrit les yeux, se releva et s’assit.

Si une expression de visage humain peut représenter le désespoir, la figure du moine avait cette expression-là à ce moment.

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