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«Stuart fait quelques pas. Il est sur les bords de l’océan indien! «La mer! La mer!» s’écrie Thring stupéfait! Les autres accourent, et trois hurrahs prolongés saluent l’océan indien.

«Le continent venait d’être traversé pour la quatrième fois!

«Stuart, suivant la promesse faite au gouverneur sir Richard Macdonnell, se baigna les pieds et se lava la face et les mains dans les flots de la mer.

«Puis il revint à la vallée et inscrivit sur un arbre ses initiales J M D S. Un campement fut organisé près d’un petit ruisseau aux eaux courantes.

«Le lendemain, Thring alla reconnaître si l’on pouvait gagner par le sud-ouest l’embouchure de la rivière Adélaïde; mais le sol était trop marécageux pour le pied des chevaux; il fallut y renoncer.

«Alors Stuart choisit dans une clairière un arbre élevé. Il en coupa les branches basses, et à la cime il fit déployer le drapeau australien. Sur l’arbre ces mots furent inscrits dans l’écorce: c’est à un pied au sud que tu dois fouiller le sol.

«Et si quelque voyageur creuse, un jour, la terre à l’endroit indiqué, il trouvera une boîte de fer-blanc, et dans cette boîte ce document dont les mots sont gravés dans ma mémoire: Grande exploration et traversée du sud au nord de l’Australie.

«Les explorateurs aux ordres de John Mac Douall Stuart sont arrivés ici le 25 juillet 1862, après avoir traversé toute l’Australie de la mer du sud aux rives de l’océan Indien, en passant par le centre du continent. Ils avaient quitté Adélaïde le 26 octobre 1861, et ils sortaient le 21 janvier 1862 de la dernière station de la colonie dans la direction du nord. En mémoire de cet heureux événement, ils ont déployé ici le drapeau australien avec le nom du chef de l’expédition. Tout est bien. Dieu protège la reine.»

«Suivent les signatures de Stuart et de ses compagnons.

«Ainsi fut constaté ce grand événement qui eut un retentissement immense dans le monde entier.

– Et ces hommes courageux ont-ils tous revu leurs amis du sud? demanda lady Helena.

– Oui, madame, répondit Paganel; tous, mais non pas sans de cruelles fatigues. Stuart fut le plus éprouvé; sa santé était gravement compromise par le scorbut, quand il reprit son itinéraire vers Adélaïde. Au commencement de septembre, sa maladie avait fait de tels progrès, qu’il ne croyait pas revoir les districts habités. Il ne pouvait plus se tenir en selle; il allait, couché dans un palanquin suspendu entre deux chevaux. À la fin d’octobre, des crachements de sang le mirent à toute extrémité. On tua un cheval pour lui faire du bouillon; le 28 octobre, il pensait mourir, quand une crise salutaire le sauva, et, le 10 décembre, la petite troupe tout entière atteignit les premiers établissements.

«Ce fut le 17 décembre que Stuart entra à Adélaïde au milieu d’une population enthousiasmée. Mais sa santé était toujours délabrée, et bientôt, après avoir obtenu la grande médaille d’or de la société de géographie, il s’embarqua sur l’Indus pour sa chère écosse, sa patrie, où nous le reverrons à notre retour.

– C’était un homme qui possédait au plus haut degré l’énergie morale, dit Glenarvan, et, mieux encore que la force physique, elle conduit à l’accomplissement des grandes choses. L’écosse est fière à bon droit de le compter au nombre de ses enfants.

– Et depuis Stuart, demanda lady Helena, aucun voyageur n’a-t-il tenté de nouvelles découvertes?

– Si, madame, répondit Paganel. Je vous ai parlé souvent de Leichardt. Ce voyageur avait déjà fait en 1844 une remarquable exploration dans l’Australie septentrionale. En 1848, il entreprit une seconde expédition vers le nord-est. Depuis dix-sept ans, il n’a pas reparu. L’année dernière, le célèbre botaniste, le docteur Muller, de Melbourne, a provoqué une souscription publique destinée aux frais d’une expédition. Cette expédition a été rapidement couverte, et une troupe de courageux squatters, commandée par l’intelligent et audacieux Mac Intyre, a quitté le 21 juin 1864 les pâturages de la rivière de Paroo. Au moment où je vous parle, il doit s’être profondément enfoncé, à la recherche de Leichardt, dans l’intérieur du continent. Puisse-t-il réussir, et nous-mêmes puissions-nous, comme lui, retrouver les amis qui nous sont chers!»

Ainsi finit le récit du géographe. L’heure était avancée. On remercia Paganel, et chacun, quelques instants plus tard, dormait paisiblement, tandis que l’oiseau-horloge, caché dans le feuillage des gommiers blancs, battait régulièrement les secondes de cette nuit tranquille.

Chapitre XII

Le railway de Melbourne à Sandhurst

Le major n’avait pas vu sans une certaine appréhension Ayrton quitter le campement de Wimerra pour aller chercher un maréchal ferrant à cette station de Black-Point. Mais il ne souffla mot de ses défiances personnelles, et il se contenta de surveiller les environs de la rivière. La tranquillité de ces paisibles campagnes ne fut aucunement troublée, et, après quelques heures de nuit, le soleil reparut au-dessus de l’horizon.

Pour son compte, Glenarvan n’avait d’autre crainte que de voir Ayrton revenir seul. Faute d’ouvriers, le chariot ne pouvait se remettre en route. Le voyage était arrêté pendant plusieurs jours peut-être, et Glenarvan impatient de réussir, avide d’atteindre son but, n’admettait aucun retard.

Ayrton, fort heureusement, n’avait perdu ni son temps ni ses démarches. Le lendemain il reparut au lever du jour. Un homme l’accompagnait, qui se disait maréchal ferrant de la station de Black-Point.

C’était un gaillard vigoureux, de haute stature, mais d’une physionomie basse et bestiale qui ne prévenait pas en sa faveur. Peu importait, en somme, s’il savait son métier. En tout cas, il ne parlait guère, et sa bouche ne s’usait pas en paroles inutiles.

«Est-ce un ouvrier capable? demanda John Mangles au quartier-maître.

– Je ne le connais pas plus que vous, capitaine, répondit Ayrton. Nous verrons.»

Le maréchal ferrant se mit à l’ouvrage. C’était un homme du métier, on le vit bien à la façon dont il répara l’avant-train du chariot. Il travaillait adroitement, avec une vigueur peu commune. Le major observa que la chair de ses poignets, fortement érodée, présentait un collier noirâtre de sang extravasé. C’était l’indice d’une blessure récente que les manches d’une mauvaise chemise de laine dissimulaient assez mal. Mac Nabbs interrogea le maréchal ferrant au sujet de ces érosions qui devaient être très douloureuses. Mais celui-ci ne répondit pas et continua son travail.

Deux heures après, les avaries du chariot étaient réparées.

Quant au cheval de Glenarvan, ce fut vite fait. Le maréchal ferrant avait eu soin d’apporter des fers tout préparés. Ces fers offraient une particularité qui n’échappa point au major. C’était un trèfle grossièrement découpé à leur partie antérieure. Mac Nabbs le fit voir à Ayrton.

«C’est la marque de Black-Point, répondit le quartier-maître. Cela permet de suivre la trace des chevaux qui s’écartent de la station, et de ne point la confondre avec d’autres.»

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