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– Mais comment franchir la Snowy? dit Wilson.

– Comme eux, répondit Glenarvan. Ils vont passer au pont de Kemple-Pier, nous y passerons aussi.

– Mais Mulrady, que deviendra-t-il? demanda lady Helena.

– On le portera! on se relayera! Puis-je livrer mon équipage sans défense à la troupe de Ben Joyce?»

L’idée de passer la Snowy au pont de Kemple-Pier était praticable, mais hasardeuse. Les convicts pouvaient s’établir sur ce point et le défendre. Ils seraient au moins trente contre sept! Mais il est des moments où l’on ne se compte pas, où il faut marcher quand même.

«Mylord, dit alors John Mangles, avant de risquer notre dernière chance, avant de s’aventurer vers ce pont, il est prudent d’aller le reconnaître. Je m’en charge.

– Je vous accompagnerai, John», répondit Paganel.

Cette proposition acceptée, John Mangles et Paganel se préparèrent à partir à l’instant. Ils devaient descendre la Snowy, suivre ses bords jusqu’à l’endroit où ils rencontreraient ce point signalé par Ben Joyce, et se dérober surtout à la vue des convicts qui devaient battre les rives.

Donc, munis de vivres et bien armés, les deux courageux compagnons partirent, et disparurent bientôt en se faufilant au milieu des grands roseaux de la rivière.

Pendant toute la journée, on les attendit. Le soir venu, ils n’étaient pas encore revenus. Les craintes furent très vives.

Enfin, vers onze heures, Wilson signala leur retour.

Paganel et John Mangles étaient harassés par les fatigues d’une marche de dix milles.

«Ce pont! Ce pont existe-t-il? demanda Glenarvan, qui s’élança au-devant d’eux.

– Oui! Un pont de lianes, dit John Mangles. Les convicts l’ont passé, en effet. Mais…

– Mais… Fit Glenarvan qui pressentait un nouveau malheur.

– Ils l’ont brûlé après leur passage!» répondit Paganel.

Chapitre XXII

Eden

Ce n’était pas le moment de se désespérer, mais d’agir.

Le pont de Kemple-Pier détruit, il fallait passer la Snowy, coûte que coûte, et devancer la troupe de Ben Joyce sur les rivages de Twofold-Bay. Aussi ne perdit-on pas de temps en vaines paroles, et le lendemain, le 16 janvier, John Mangles et Glenarvan vinrent observer la rivière, afin d’organiser le passage.

Les eaux tumultueuses et grossies par les pluies ne baissaient pas. Elles tourbillonnaient avec une indescriptible fureur. C’était se vouer à la mort que de les affronter. Glenarvan, les bras croisés, la tête basse, demeurait immobile.

«Voulez-vous que j’essaye de gagner l’autre rive à la nage? dit John Mangles.

– Non! John, répondit Glenarvan, retenant de la main le hardi jeune homme, attendons!»

Et tous deux retournèrent au campement. La journée se passa dans les plus vives angoisses. Dix fois, Glenarvan revint à la Snowy. Il cherchait à combiner quelque hardi moyen pour la traverser. Mais en vain.

Un torrent de laves eût coulé entre ses rives qu’elle n’eût pas été plus infranchissable.

Pendant ces longues heures perdues, lady Helena, conseillée par le major, entourait Mulrady des soins les plus intelligents. Le matelot se sentait revenir à la vie. Mac Nabbs osait affirmer qu’aucun organe essentiel n’avait été lésé. La perte de son sang suffisait à expliquer la faiblesse du malade. Aussi, sa blessure fermée, l’hémorragie suspendue, il n’attendait plus que du temps et du repos sa complète guérison. Lady Helena avait exigé qu’il occupât le premier compartiment du chariot.

Mulrady se sentait tout honteux. Son plus grand souci, c’était de penser que son état pouvait retarder Glenarvan, et il fallut lui promettre qu’on le laisserait au campement, sous la garde de Wilson, si le passage de la Snowy devenait possible.

Malheureusement, ce passage ne fut praticable ni ce jour-là, ni le lendemain, 17 janvier. Se voir ainsi arrêté désespérait Glenarvan. Lady Helena et le major essayaient en vain de le calmer, de l’exhorter à la patience. Patienter, quand, en ce moment peut-être, Ben Joyce arrivait à bord du yacht!

Quand le Duncan, larguant ses amarres, forçait de vapeur pour atteindre cette côte funeste, et lorsque chaque heure l’en rapprochait!

John Mangles ressentait dans son cœur toutes les angoisses de Glenarvan. Aussi, voulant vaincre à tout prix l’obstacle, il construisit un canot à la manière australienne, avec de larges morceaux d’écorce de gommiers. Ces plaques, fort légères, étaient retenues par des barreaux de bois et formaient une embarcation bien fragile.

Le capitaine et le matelot essayèrent ce frêle canot pendant la journée du 18. Tout ce que pouvaient l’habileté, la force, l’adresse, le courage, ils le firent. Mais, à peine dans le courant, ils chavirèrent et faillirent payer de leur vie cette téméraire expérience. L’embarcation, entraînée dans les remous, disparut. John Mangles et Wilson n’avaient même pas gagné dix brasses sur cette rivière, grossie par les pluies et la fonte de neiges, et qui mesurait alors un mille de largeur.

Les journées du 19 et du 20 janvier se perdirent dans cette situation. Le major et Glenarvan remontèrent la Snowy pendant cinq milles sans trouver un passage guéable. Partout même impétuosité des eaux, même rapidité torrentueuse. Tout le versant méridional des Alpes australiennes versait dans cet unique lit ses masses liquides.

Il fallut renoncer à l’espoir de sauver le Duncan.

Cinq jours s’étaient écoulés depuis le départ de Ben Joyce. Le yacht devait être en ce moment à la côte et aux mains des convicts!

Cependant, il était impossible que cet état de choses se prolongeât. Les crues temporaires s’épuisent vite, et en raison même de leur violence. En effet, Paganel, dans la matinée du 21, constata que l’élévation des eaux, au-dessus de l’étiage, commençait à diminuer. Il rapporta à Glenarvan le résultat de ses observations.

«Eh! Qu’importe, maintenant? répondit Glenarvan, il est trop tard!

– Ce n’est pas une raison pour prolonger notre séjour au campement, répliqua le major.

– En effet, répondit John Mangles. Demain, peut-être, le passage sera praticable.

– Et cela sauvera-t-il mon malheureux équipage? s’écria Glenarvan.

– Que votre honneur m’écoute, reprit John Mangles.

Je connais Tom Austin. Il a dû exécuter vos ordres et partir dès que son départ a été possible. Mais qui nous dit que le Duncan fût prêt, que ses avaries fussent réparées à l’arrivée de Ben Joyce à Melbourne? Et si le yacht n’a pu prendre la mer, s’il a subi un jour, deux jours de retard!

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