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Glenarvan ne répondit pas.

«Et si faible que soit la chance de retrouver Harry Grant en remontant le parallèle indiqué par lui, ne devons-nous pas la tenter?

– Je ne dis pas non… Répondit Glenarvan.

– Et vous, mes amis, ajouta le major en s’adressant aux marins, ne partagez-vous pas mon opinion?

– Entièrement, répondit Tom Austin, que Mulrady et Wilson approuvèrent d’un signe de tête.

– Écoutez-moi, mes amis, reprit Glenarvan après quelques instants de réflexion, et entends bien, Robert, car ceci est une grave discussion. Je ferai tout au monde pour retrouver le capitaine Grant, je m’y suis engagé, et j’y consacrerai ma vie entière, s’il le faut. Toute l’écosse se joindrait à moi pour sauver cet homme de cœur qui s’est dévoué pour elle. Moi aussi, je pense que, si faible que soit cette chance, nous devons faire le tour du monde par ce trente-septième parallèle, et je le ferai. Mais la question à résoudre n’est pas celle-là. Elle est beaucoup plus importante et la voici: devons-nous abandonner définitivement et dès à présent nos recherches sur le continent américain?»

La question, catégoriquement posée, resta sans réponse. Personne n’osait se prononcer.

«Eh bien! reprit Glenarvan en s’adressant plus spécialement au major.

– Mon cher Edward, répondit Mac Nabbs, c’est encourir une assez grande responsabilité que de vous répondre hic et nunc. Cela demande réflexion. Avant tout, je désire savoir quelles sont les contrées que traverse le trente-septième degré de latitude australe.

– Cela, c’est l’affaire de Paganel, répondit Glenarvan.

– Interrogeons-le donc», répliqua le major.

On ne voyait plus le savant, caché par le feuillage épais de l’ombu. Il fallut le héler.

«Paganel! Paganel! s’écria Glenarvan.

– Présent, répondit une voix qui venait du ciel.

– Où êtes-vous?

– Dans ma tour.

– Que faites-vous là?

– J’examine l’immense horizon.

– Pouvez-vous descendre un instant?

– Vous avez besoin de moi?

– Oui.

– À quel propos?

– Pour savoir quels pays traverse le trente-septième parallèle.

– Rien de plus aisé, répondit Paganel; inutile même de me déranger pour vous le dire.

– Eh bien, allez.

– Voilà. En quittant l’Amérique, le trente-septième parallèle sud traverse l’océan Atlantique.

– Bon.

– Il rencontre les îles Tristan d’Acunha.

– Bien.

– Il passe à deux degrés au-dessous du cap de Bonne-Espérance.

– Après?

– Il court à travers la mer des Indes.

– Ensuite?

– Il effleure l’île Saint-Pierre du groupe des îles Amsterdam.

– Allez toujours.

– Il coupe l’Australie par la province de Victoria.

– Continuez.

– En sortant de l’Australie…»

Cette dernière phrase ne fut pas achevée. Le géographe hésitait-il? Le savant ne savait-il plus?

Non; mais un cri formidable se fit entendre dans les hauteurs de l’ombu. Glenarvan et ses amis pâlirent en se regardant. Une nouvelle catastrophe venait-elle d’arriver? Le malheureux Paganel s’était-il laissé choir? Déjà Wilson et Mulrady volaient à son secours, quand un long corps apparut. Paganel dégringolait de branche en branche.

Était-il vivant? était-il mort? on ne savait, mais il allait tomber dans les eaux mugissantes, quand le major, l’arrêta au passage.

«Bien obligé, Mac Nabbs! s’écria Paganel.

– Quoi? Qu’avez-vous? dit le major. Qu’est-ce qui vous a pris? Encore une de vos éternelles distractions?

– Oui! oui! répondit Paganel d’une voix étranglée par l’émotion. Oui! Une distraction… Phénoménale cette fois!

– Laquelle?

– Nous nous sommes trompés! Nous nous trompons encore! Nous nous trompons toujours!

– Expliquez-vous!

– Glenarvan, major, Robert, mes amis, s’écria Paganel, nous cherchons le capitaine Grant où il n’est pas!

– Que dites-vous? s’écria Glenarvan.

– Non seulement où il n’est pas, ajouta Paganel, mais encore où il n’a jamais été!»

Chapitre XXIV Où l’on continue de mener la vie des oiseaux

Un profond étonnement accueillit ces paroles inattendues. Que voulait dire le géographe?

Avait-il perdu l’esprit? Il parlait cependant avec une telle conviction, que tous les regards se portèrent sur Glenarvan. Cette affirmation de Paganel était une réponse directe à la question qu’il venait de poser. Mais Glenarvan se borna à faire un geste de dénégation qui ne prouvait pas en faveur du savant.

Cependant celui-ci, maître de son émotion, reprit la parole.

«Oui! dit-il d’une voix convaincue, oui! Nous nous sommes égarés dans nos recherches, et nous avons lu sur le document ce qui n’y est pas!

– Expliquez-vous, Paganel, dit le major, et avec plus de calme.

– C’est très simple, major. Comme vous j’étais dans l’erreur, comme vous j’étais lancé dans une interprétation fausse, quand, il n’y a qu’un instant, au haut de cet arbre, répondant à vos questions, et m’arrêtant sur le mot «Australie», un éclair a traversé mon cerveau et la lumière s’est faite.

– Quoi! s’écria Glenarvan, vous prétendez que Harry Grant?…

– Je prétends, répondit Paganel, que le mot austral qui se trouve dans le document n’est pas un mot complet, comme nous l’avons cru jusqu’ici, mais bien le radical du mot Australie.

– Voilà qui serait particulier! répondit le major.

– Particulier! répliqua Glenarvan, en haussant les épaules, c’est tout simplement impossible.

– Impossible! reprit Paganel. C’est un mot que nous n’admettons pas en France.

– Comment! Ajouta Glenarvan du ton de la plus profonde incrédulité, vous osez prétendre, le document en main, que le naufrage du Britannia a eu lieu sur les côtes de l’Australie?

– J’en suis sûr! répondit Paganel.

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