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– Comment avez-vous fait, dit-il.

Gringaille et Escargasse le regardèrent, puis ils se regardèrent et éclatèrent de rire.

– Nous avons vendu des œufs et une poule, consentit enfin à expliquer Gringaille.

– Tiens! s’écria Carcagne émerveillé, je n’y aurais pas songé, moi!

– Le pôvre, fit Escargasse d’un air faussement apitoyé.

– Il ne reste plus qu’à faire cuire le dîner sur l’heure.

– Minute, fit Gringaille qui pensait à tout. Si nous allumons du feu ici, il faudra bien que la fumée s’échappe. Elle passera donc par un de ces trous que nous voyons là-haut.

– Naturellement!

– Bien. Alors on s’étonnera de voir de la fumée jaillir du gibet… et on viendra voir… et nous serons délogés.

– Cependant, il faut bien…

– C’est un risque à courir, je le sais bien. Mais on peut l’éviter peut-être… Visitons d’abord cette cave. Nous aviserons ensuite.

– Visitons! dirent docilement les deux autres. Et ils voulurent descendre sans plus tarder.

– Minute encore! dit Gringaille. Avant de descendre tous les trois là-dedans, il faut savoir si cette plaque ne se fermera pas d’elle-même, nous murant là comme renardeaux pris au gîte.

– Diable! firent les deux autres en reculant précipitamment.

– Je descends seul, continua Gringaille. Attention, toi Escargasse, tu as vu la manœuvre pour actionner la dalle. Si je frappe, tu ouvriras. C’est compris?

– As pas peur, mon pigeon! C’est compris.

Gringaille en un tour de main, fabriqua un bouchon de paille: c’était une torche. Sa torche à la main, il s’engagea dans l’ouverture béante. Il disparut dans le sous-sol. La pierre demeurait baissée.

Il la saisit, et péniblement, car elle était très lourde, il essaya de la fermer. La pierre retomba obstinément. Il ne s’entêta pas.

– Il doit y avoir un ressort qui la ferme, se dit-il.

Il descendit en comptant les marches. En mettant le pied sur la sixième marche, il vit la pierre remonter et se refermer d’elle-même.

– Parfait! se dit-il, voici qui est on ne peut plus simple. Il s’agit de l’ouvrir maintenant.

Il était dans l’obscurité. Il alluma son bouchon de paille et se mit à chercher. Il descendit l’escalier. Il avait douze marches. N’ayant rien trouvé, il le remonta. Il remarqua que la sixième marche – la même qui fermait la trappe – était cassée à une de ses extrémités. Il y avait là une soudure grossièrement faite. Il appuya le pied sur ce morceau. La trappe s’ouvrit. La même marche servait à l’ouvrir et à la fermer. À diverses reprises, il la ferma et l’ouvrit, très facilement.

– Admirable! dit-il entre ses dents.

Dix minutes plus tard, ils avaient traîné dans cette cave tous les outils, la barre de fer, du bois, les copeaux, la paille et, bien entendu, tous les œufs, leurs provisions et leurs ustensiles. La trappe soigneusement fermée, ils étaient chez eux.

– Ici, expliqua Gringaille, nous sommes à l’abri. Nul ne viendra nous y dénicher, c’est probable. Nous pouvons faire du feu sans crainte d’être trahis par la fumée. Maintenant, visitons cette cave; après quoi nous pourrons nous occuper de notre dîner.

Ils se trouvaient dans un petit caveau qui n’avait guère plus d’une dizaine de pas de long sur sept à huit en largeur. En face l’escalier, il y avait un couloir assez large pour permettre à deux hommes de passer aisément de front. Ce couloir descendait en une pente assez accentuée.

Ils s’engagèrent dedans. Au bout d’une vingtaine de pas, ils aboutirent à une autre cave, une grotte plutôt, spacieuse, haute de voûte. Il n’y avait pas d’issue apparente. C’était un cul-de-sac. Ici, des surprises extraordinaires les attendaient.

D’abord, dans un coin, une douzaine de bottes de paille. À côté, un tas de torches. Ils se dépêchèrent d’en allumer une. C’était tout de même plus agréable que leurs bouchons de paille.

Deux tonneaux. Ils les sondèrent: pleins. Ils en percèrent un. C’était du vin… excellent. Ils se regardèrent avec des bouches fendues jusqu’aux oreilles. Vite, ils se hâtèrent de percer l’autre. Du vin encore… meilleur. Ils esquissèrent un pas… Cette grotte était merveilleuse, admirable. C’était un rêve, un enchantement.

Ce n’est pas tout.

Quatre coffres énormes. Ils les ouvrirent. Deux étaient pleins d’armes. Tout un arsenal se trouvait là: épées, dagues, poignards, armures complètes, hallebardes, pistolets, arquebuses… Il y avait là de quoi armer toute une compagnie.

– On ne peut pas savoir! murmura Gringaille d’un air rêveur en refermant les deux coffres.

Le troisième coffre était plein de cendre. Ils fouillèrent dans le tas… Des saucissons, des jambons, encore et encore!… Ils exultèrent… ils riaient comme des fous, ils s’envoyaient d’énormes bourrades. Jamais ils ne s’étaient vus à pareille fête. Pensez-donc: le gîte et la pitance pour des mois, et cela sans avoir à débourser une maille!

Ils se ruèrent sur le quatrième coffre avec l’idée qu’ils allaient le trouver plein d’or et de bijoux. Hélas, non!… Il y avait là huit petits tonnelets… Eh! eh! du vin encore!… Peste! ce n’était pas à dédaigner!… Celui-là devait être du chenu, à en juger par les récipients.

Ils soulevèrent un des petits tonneaux. Pas bien lourd… une vingtaine de livres à peu près… Enfin, il y en avait huit en tout, c’était assez respectable. Ils le percèrent. Rien ne vint…

– Pourtant, tripes du pape! il est plein.

Ils le retournèrent et le défoncèrent. Ils firent un bond prodigieux en arrière. Ils étaient livides, ne tenant plus sur leurs jambes.

C’était de la poudre qu’il y avait dans ce tonnelet. Et eux qui, depuis dix minutes, s’agitaient là-dessus la torche enflammée à la main!

Rendus plus circonspects, ils déposèrent leur torche à distance respectueuse et revinrent achever leur inspection. Six de ces tonnelets contenaient de la poudre. Les deux autres des balles.

– Eh bien, mais… nous avons là de quoi soutenir un siège, dit Gringaille.

Et de nouveau rêveur, il répéta:

– On ne peut pas savoir!

S’ils fermèrent méticuleusement le dangereux coffre, point n’est besoin de le dire. Heureusement, celui-là était le dernier de la rangée. Il se trouvait placé dans un angle de la grotte. Ils eurent soin d’aller se placer, avec leurs torches allumées, à l’extrémité opposée.

La visite étant terminée, ils allumèrent le feu et firent rôtir les deux poules, sauter l’omelette. Naturellement, ils entamèrent un jambon, et un saucisson. Ils firent là un des meilleurs repas de leur existence d’aventuriers.

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