Ayant copieusement dîné – autre particularité qui lui donne une place spéciale dans la tribu des amoureux, gens de peu d’appétit -, le chevalier reboucla son ceinturon, compléta son armement au moyen d’un court poignard à lame solide, et, par les rues silencieuses, noires et désertes, se rendit à l’hôtel de l’amiral Coligny.
Comme le lui avait recommandé Déodat, il frappa trois coups légers à la petite porte bâtarde.
Presque aussitôt, il vit le judas s’entrouvrir. Évidemment, quelqu’un devait veiller en permanence derrière cette porte.
Pardaillan approcha son visage du judas et prononça à voix basse les deux mots convenus:
– Jarnac et Moncontour…
Aussitôt, la porte s’ouvrit et un homme parut, couvert d’une cuirasse de cuir, un pistolet à la main.
– Qui demandez-vous? questionna-t-il d’une voix assez rude.
– Je voudrais voir mon ami Déodat, fit Pardaillan qui se demandait déjà s’il n’allait pas mieux réussir à l’hôtel Coligny qu’à l’hôtel Montmorency.
– Excusez-moi, monsieur, reprit l’homme qui s’adoucit aussitôt: voulez-vous me dire votre nom?
– Je suis le chevalier de Pardaillan.
L’homme étouffa un cri de joie, ouvrit la porte toute grande et attira le jeune homme dans l’intérieur d’une cour.
– Monsieur de Pardaillan, s’écria-t-il alors. Ah! soyez le bienvenu! Je désirais tant vous connaître!…
– Pardonnez-moi, fit le chevalier interloqué, mais…
– Vous ne me connaissez pas, n’est-ce pas? Eh bien, nous ferons connaissance… je suis M. de Téligny.