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– Diable! fit-il simplement. Donne-moi à boire, mon fils.

Le chevalier remplit trois gobelets, et les trois assiégés les vidèrent.

– Je crois, dit le chevalier, que le siège sera tôt terminé.

– Seigneur! fit Catho, croyez-vous qu’ils vont nous brûler?

– Je le crois, dit le vieux routier. Bah! tu te figureras que tu es déjà en purgatoire, et cela te conduira droit au paradis que tu mérites!

– Catho! reprit tout à coup le chevalier, qu’y a-t-il derrière ce mur?

– Dame… il y a la maison de mon voisin, le marchand de volaille vivante.

– Je te comprends, mon fils! s’écria le père. Essayons de passer chez le marchand de volaille.

Le chevalier saisit la pioché et attaqua le mur. Le vieux Pardaillan, d’un geste, l’arrêta:

– Cet homme va entendre les coups et prévenir les gardes: au lieu de fuir, nous ouvrons la brèche qui leur livre passage.

– C’est un risque à courir, dit froidement le chevalier. J’aime mieux mourir dans un corps à corps que mourir dans le brasier que cette maison va être tout à l’heure…

– Va donc, mon fils!…

Les coups de pioche commencèrent à retentir sourdement.

Le mur était épais, solide. Au dehors, heureusement, le tumulte continuait. Mais des fascines s’accumulaient au pied de la maison.

L’instant était suprême.

– Pourvu que le marchand de volaille n’entende pas! grondait le vieux Pardaillan, tandis que son fils, comme un mineur qui éventre la terre, frappait à coups puissants…

Catho, d’un geste, appela le routier à la fenêtre, et du doigt lui montra un homme qui, dans la rue, se lamentait, se tordait les bras, s’arrachait les cheveux:

– Le marchand de volaille! dit-elle.

À ce moment, la foule, au dehors, se mit à hurler: «Noël! Noël!»

– Je me demande ce que Noël vient faire en cette affaire! dit le vieux Pardaillan.

Il n’avait pas tort. En effet, la foule criait Noël uniquement parce qu’on venait de mettre le feu aux fascines, et sa joie venait de ce que deux hommes qu’elle ne connaissait nullement allaient être brûlés vifs. Au surplus, c’est toujours, paraît-il, un spectacle réjouissant que de voir supplicier des êtres faits à notre image (témoin les foules qui, de nos jours encore, se délectent à voir guillotiner). Il faut que les maîtres des hommes comptent sur cette joie de la foule. Sans quoi, depuis longtemps, il n’y aurait plus de supplices. Bref, la foule criait «Noël» de tout son cœur.

Quelques instants plus tard, la joie devint du délire: en effet, un épais tourbillon de fumée monta au ciel et, bientôt, la flamme s’élança en langues écarlates et commença à lécher les murs de la maison.

Que devenaient les assiégés?

Maurevert jetait de sombres regards de satisfaction sur l’incendie et, répétant le geste esquissé au Louvre par le chevalier, se caressait la joue – la joue qu’avait cinglée l’épée de Pardaillan.

La maison brûla. Justice sommaire, qui avait parfaitement cours à une époque où l’idée de justice vagissait à peine. Aujourd’hui, il y a progrès; elle en est déjà aux premiers bégaiements enfantins; espérons que dans quelques milliers d’années, elle saura parler.

Bref, la maison brûla. On eut toutes les peines à éteindre ensuite l’incendie qui avait gagné les maisons voisines et menaçait toute la rue. Quelques voisins subirent des pertes graves; mais cela comptait pour peu de choses; l’essentiel était que Maurevert, Quélus et Maugiron purent se rendre au Louvre bras dessus bras dessous. C’était même la première fois que les deux mignons fraternisaient ainsi avec le spadassin.

Maurevert fut reçu par la reine Catherine de Médicis.

Les deux mignons le furent par le duc d’Anjou.

– Madame, dit le premier à la reine mère devant Nancey qui faillit en avoir la jaunisse de jalousie, madame, Votre Majesté est vengée: nous avons pris le jeune truand comme un renard au terrier, et nous l’y avons enfumé, c’est-à-dire bel et bien grillé, moyennant un jeu de joie dont nous avons fait flamber sa maison. Sans Quélus et Maugiron qui m’ont retardé par leur mollesse, il y a déjà deux heures que ce serait fini.

– Maurevert, dit Catherine, je parlerai de vous au roi.

– Votre Majesté me comble. Mais le plus beau de l’affaire, après tout, n’est pas la grillade de cet insolent que j’eusse aussi bien proprement tué à la première occasion. Ce qu’il y a eu de magnifique, c’est la grande joie du populaire quand j’eus dit que c’étaient des huguenots qui grillaient…

– Chut! fit la reine avec un sourire aigu; ne savez-vous pas que nous faisons la paix pour de bon?

– Eh! madame, cela n’empêche pas la paix… au contraire! répondit Maurevert qui, se sachant indispensable, prenait quelquefois avec la souveraine de ces airs d’indépendance bourrue qui sont la suprême habileté des domestiques supérieurs.

Quant à Quélus et Maugiron, ils dirent au duc d’Anjou.

– Monseigneur, vous êtes vengé… Sans Maurevert, qui a eu des hésitations inexplicables, nous aurions déjà pu vous annoncer la chose depuis une heure. Enfin, c’est fait. L’insolent ne vous regardera plus en face. Il est mort, brûlé vif, avec quelques autres truands de son espèce qui le voulaient défendre.

– Vous êtes vraiment de bons amis, dit le duc d’Anjou en se passant du cosmétique sur les sourcils. Je voudrais être le roi, rien que pour pouvoir vous récompenser selon vos mérites.

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