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– Ce ne sera rien!… La machine est encore solide, Dieu merci! Voyons, où suis-je?…

Il se mit en marche à tâtons dans son trou. Il en eut tôt fait le tour. Et il s’étonna:

– Tiens! je ne croyais pas ce puits si grand!… Et puis, que diable! un puits est rond! Celui-ci ne l’est pas.

Il réfléchit et trouva une explication qui lui parut plausible.

– Pardieu! le puits aboutit à une caverne. Vais-je me plaindre d’avoir un peu d’espace?… Qui sait s’il n’y a pas là quelque galerie souterraine par où je pourrai m’évader? Il faut voir.

Il recommença son inspection, plus minutieusement. Il mit ses mains sur la paroi et constata:

– Mais… ceci est un mur travaillé!… on dirait une cloison. Où est donc la roche sur laquelle j’ai failli me rompre le crâne?…

La main appuyée au mur, il avança prudemment, en comptant ses pas.

– Huit! dit-il.

Il tourna à gauche. Il compta six pas. Le mur continuait à être bien uni. Encore une fois à gauche: huit pas. Toujours mêmes constatations. À gauche, de nouveau. Son pied heurta un obstacle. Il se baissa et tâta.

– Une cruche, un pain! Ah! ah!… Il continua son chemin.

– Une porte!… Solide!… Bien verrouillée!… Ceci est un bon cachot!… Eh bien, mais… et mon puits? On m’en a donc tiré? Depuis quand?… Comment?… Qui?… Et où suis-je?

Une idée fulgura dans son cerveau. Il se tâta à nouveau. Plus d’épée, plus de poignard, plus d’éperons. Il eut un long sifflement, où il y avait plus de surprise que d’inquiétude. Il réfléchit…

– Ceci sent le frocard. Il y a du Claude Acquaviva là-dessous!… Que veut-on faire de moi?… En tout cas on ne veut pas me laisser mourir de faim. C’est quelque chose… si cela dure.

Nouvelle inspection de la porte. Caresses furtives du bout des doigts, comme s’il voulait l’amadouer. Secousses, ébranlements, corps-à-corps brutal, mais raisonné. Constatation douloureuse: rien à faire de ce côté.

Nouvelle visite du cachot. Pas le moindre meuble, pas le plus petit accessoire, autres que la cruche d’eau et le pain. Le nu, le froid, le noir sinistres, remplis de mystère menaçant. Le plafond? En sautant, le bras levé, il ne put parvenir à l’atteindre. Il était pourtant d’une belle taille. Le plancher?…

Bizarre, ce plancher anormal. On eut dit une énorme plaque de métal, pourquoi?… En vue de quelle ténébreuse et terrible entreprise? Mystère…

Sondage des murs. Pleins partout. Fatigué, il renonça à chercher plus longtemps et s’assit sur son manteau qu’on lui avait laissé. Il mangea un morceau de pain et but à même la cruche. L’eau était assez fraîche, heureusement. Elle le réconforta. Il pensa alors à mouiller son mouchoir et à laver tant bien que mal sa blessure. Il se sentit mieux. Il s’enroula dans son manteau et s’étendit sur la plaque de métal en se disant:

– Nous verrons bien! Reposons, en attendant. J’aurai probablement besoin de toutes mes forces, avant longtemps.

Combien de temps dura son sommeil? Il n’aurait su le dire. Pas plus qu’il n’aurait pu dire depuis combien de temps il se trouvait dans cette manière de tombe.

Il eut faim. Il alla à la cruche et au pain qu’il avait laissés où il les avait trouvés, près de la porte. À son précédent repas, il avait dévoré une bonne moitié de la miche. Il s’en aperçut alors et il murmura:

– Qui me dit que ces maigres provisions seront renouvelées? Diable! ménageons-les!

Il eut le courage de ne pas toucher au pain et se contenta d’une gorgée d’eau. La faim commença à l’incommoder. Pour tromper l’impatience de son estomac, pour ne pas trop se rouiller aussi, il se mit à marcher de long en large. Rendu méfiant, il se tenait contre le mur. Le milieu de ce plancher fantastique lui inspirait une instinctive répugnance.

Il avait accompli plus de cent fois peut-être le va-et-vient d’un bout à l’autre, toujours contre la cloison. Soudain, son pied rencontra un obstacle.

Un obstacle, là où il venait de passer plus de cent fois sans rien trouver! C’était extraordinaire et inquiétant. Il se pencha avec d’infinies précautions et tâta.

Une nouvelle cruche d’eau!… Un autre pain… tendre, ma foi!… Et de la viande dedans!… Oh!… un flacon!… Décidément on a soin de moi!… Il paraît qu’on tient à ce que je ne m’affaiblisse pas!

Mis en goût, il chercha encore. Il ne trouva pas autre chose. Son premier mouvement fut de mordre dans le pain. Une réflexion l’arrêta:

– Comment ces provisions sont-elles venues là, devant moi, sans que j’aie rien vu, rien entendu?

La faim fut momentanément oubliée. Il déposa le pain où il l’avait pris en disant:

– Il doit y avoir là une ouverture, assez grande, puisque cette cruche y a passé. Cherchons, ventre-veau! cherchons! Là où a passé la cruche, je passerai peut-être, moi aussi.

Longtemps, longtemps, il s’acharna en cette recherche, sondant la cloison et le plancher pouce à pouce. Et il ne trouva rien. Comme la faim revenait, tenace et obsédante, il s’assit à l’endroit même où il avait trouvé les provisions et mangea.

Le pain était énorme, les tranches de viande abondantes, épaisses bien rôties à point. Le vin était supérieur. Dommage qu’il n’y en eût qu’un flacon. Il le vida jusqu’à la dernière goutte. Quand il eut rassasié sa faim, il constata qu’il lui restait de quoi faire un assez substantiel repas.

Le temps s’écoula, morne, triste, d’une longueur désespérante. La journée devait s’avancer, car la température s’élevait graduellement dans son cachot. Bientôt la chaleur devint anormale. Il s’écria:

– Ah! ça, mais… on brûle ici!

Il était assis par terre. Il sentit que la plaque qui formait le plancher se chauffait peu à peu. Il devenait impossible de rester plus longtemps assis à cette place. Il se leva. Il sentit la morsure du feu pénétrer à travers ses semelles.

Ses yeux se portèrent sur la plaque. Il vit qu’elle prenait, par places, la teinte rouge du fer surchauffé. Il comprit… ou crut comprendre. Il rugit, l’esprit chaviré:

– Oh! est-ce qu’ils vont me faire griller sur cette plaque rougie à blanc?…

Il recula précipitamment et se mit à marcher à grandes enjambées, espérant, par un déplacement incessant, échapper à la brûlure de plus en plus sensible. Il remarqua alors que du côté de la porte, la place était encore supportable. Tandis que du côté opposé elle était devenue intenable. Il se dit:

– Il y a là, derrière et dessous ce mur, un brasier gigantesque. De fait, au pied de ce mur, la plaque prenait maintenant la teinte du fer rougi à blanc. Et cela constituait une barrière de feu qui interdisait l’approche de ce mur. Et cela s’étendait peu à peu, gagnait du terrain de plus en plus. Si bien qu’il voyait approcher le moment où il ne saurait plus où mettre le pied.

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