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Tout à coup, le fer de la pioche heurta un corps dur. Il fouilla plus loin, à différents endroits, et il rencontra partout la même résistance.

– C’est la dalle! se dit-il.

Et il se remit à l’œuvre avec plus d’ardeur. Bientôt la dalle se trouva complètement dégagée. Il fallut la desceller. Il se trouva devant un trou noir. Il prit la torche et la plongea dans le trou noir. Il vit un tout petit caveau en bonne et solide maçonnerie. Il jeta les outils dedans et, la torche à la main, se laissa glisser. Sa tête dépassait le trou et il dut se baisser.

– Le cercueil! dit-il tout haut.

En effet, un cercueil en cœur de chêne occupait tout un côté du minuscule caveau, il n’y avait pas autre chose là-dedans. Il l’examina de près. Il ne paraissait pas trop détérioré. Avec la pointe de la pioche, il se mit en devoir de faire sauter le couvercle. Une réflexion l’arrêta.

– Il n’y a peut-être qu’un squelette là-dedans!

Il eut un long frisson. Il était brave, certes, on le sait du reste. Mais ce qu’il allait faire lui apparaissait comme une odieuse profanation.

Puis, il faut bien le dire, puisqu’il en était ainsi, sa pensée de derrière la tête, qu’il n’osait pas s’avouer tant il en avait honte, cette pensée était de s’approprier les millions qui gisaient là. Et naturellement, il éprouvait l’inexprimable malaise de l’homme qui sait qu’il commet une abominable action.

Joignez à cela le décor: ce caveau sinistre, où il était obligé de se tenir courbé, ces murs couverts de salpêtre, ces dalles qui résonnaient lugubrement à chacun de ses pas, ce cercueil à demi pourri, tout cela à la lueur rougeâtre et vacillante de la torche fumeuse paraissait plus sinistre encore, prenait des aspects mystérieux et menaçants. Par là-dessus, la conscience qui hurle et proteste. C’était plus qu’il n’en fallait pour exaspérer les nerfs, débrider l’imagination. La sienne se mit incontinent à peupler les lieux de visions fantastiques, de spectres et de fantômes.

Malgré tout son courage, Jehan sentit ses cheveux se hérisser, ses oreilles s’emplir de bourdonnements confus. Puis ces bourdonnements devinrent des clameurs de mépris. Il lui semblait que des milliers de voix hurlaient un seul mot, toujours le même: «Voleur!… Voleur!…»

Il s’était accroupi devant le cercueil, cette impression devint si forte qu’il leva la tête pour voir d’où venaient ces voix qui lui reprochaient son infamie avant qu’elle ne fût accomplie.

Il leva la tête et en même temps la torche aussi et il demeura pétrifié, livide, hagard, muet, les yeux rivés à la voûte du caveau. Car il voyait là, penché sur le trou démasqué par la dalle, une tête qui l’observait avec des yeux réprobateurs et tristes… si tristes qu’il sentit un sanglot lui déchirer la gorge et ses yeux, à lui, s’embuer de larmes qui le brûlaient comme du plomb fondu. Et il rugit dans sa pensée:

– Monsieur de Pardaillan!…

Mais Pardaillan l’épiant là, sous le gibet, ce n’était pas du surnaturel et du prodige. Ce ne pouvait être qu’une réalité gênante et surtout pénible. Dès lors, il retrouva une partie de son sang-froid. Et il bondit hors du caveau funéraire, hors de la fosse, jusque dans le grand caveau. Et il n’y vit personne.

La sensation qu’il avait éprouvée était si forte que, sa torche à la main, il courut jusqu’à la grotte. Là non plus, il n’y avait personne.

– C’est étrange! murmura-t-il en passant la main sur son front moite, j’aurais juré!…

Il se rua à la porte secrète, l’ouvrit et regarda. Aussi loin qu’il pouvait voir dans le souterrain, il n’y avait encore personne.

– Si agile qu’il soit, se dit-il, il n’aurait pas eu le temps de fuir!… C’est une hallucination!

Il revint dans la grotte, ferma la porte et traîna devant le coffre chargé d’armes, en se disant:

– Si je ne me suis pas trompé, s’il revient, il lui faudra déplacer cet obstacle. Cela n’ira pas sans quelque temps perdu et sans quelque bruit qui m’avertira.

Ces précautions prises, il revint à l’escalier. Et encore sous le coup de l’émotion violente éprouvée, il visita minutieusement le grand caveau, déplaçant les outils et tous les objets hétéroclites derrière lesquels un homme aurait pu momentanément se cacher. Il se convainquit qu’il était bien seul et qu’il avait été victime d’une illusion.

Il avait été si fortement frappé qu’il dit à haute voix:

– Je mourrais de honte s’il me voyait occupé à cette besogne!… Et elle donc!… si elle savait?…

Et son naturel violent, incomplètement réprimé, reprenant le dessus, il frappa du pied avec colère et cria, comme pour mieux se convaincre lui-même:

– Pourquoi?… Ventre de veau, je ne suis pas un voleur!… je veux voir… voilà tout!

Et tout son sang-froid reconquis, il descendit de nouveau dans le petit caveau et se mit à attaquer le cercueil.

Or, s’il avait levé la tête à ce moment, il eût vu encore une fois le visage de Pardaillan penché sur le trou. Et cette fois-ci, comme la première, il n’aurait pas été victime d’une illusion. Car c’était bien Pardaillan en chair et en os, qui l’observait en se disant avec un sourire un peu railleur:

– Tu n’es pas un voleur! Soit… C’est ce que nous allons voir!

En quelques coups de pioche, Jehan fit sauter le couvercle. Mais il se trouva en présence d’un deuxième cercueil en plomb. Il fallut l’ouvrir aussi. Ce fut un peu plus long.

Ce second cercueil était plein de sciure. Très maître de lui, n’ayant plus qu’une appréhension, celle de s’être donné tant de mal pour ne rien trouver peut-être, Jehan plongea délibérément les mains dans la sciure et chercha.

– Un coffre! s’écria-t-il joyeusement.

Il écarta la sciure à pleines pelletées et mit complètement à découvert un coffre en fer de taille respectable. Il essaya de le soulever. Il eut beau rassembler toutes ses forces, il ne parvint pas même à l’ébranler. Il constata:

– Malepeste, c’est un joli poids!

Le coffre était muni de deux fortes serrures. Fermées! Sans hésitation et sans scrupule, il les fit sauter. Il souleva le couvercle d’une main qui tremblait un peu.

Et il demeura ébloui.

Intérieurement, le coffre était divisé en trois compartiments d’inégale grandeur. Dans l’un, le plus grand, c’était un amoncellement de pièces d’or: pistoles, doublons, ducats, pêle-mêle. Rien que de l’or monnayé.

Dans le deuxième, des bijoux d’un travail précieux, d’une inestimable valeur: bagues, chaînes, bracelets, colliers, pendants d’oreilles, aigrettes, agrafes de toutes formes et de toutes dimensions, agrafes de ceinture, de soulier, de toque… Des bijoux, encore des bijoux, rien que des bijoux finement ciselés, enrichis de pierres précieuses.

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