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– Je n’entends rien, et pour cause. Le feu couve toujours là-haut. Ils n’auraient garde d’approcher de trop près… Reste à savoir si ce feu sera complètement éteint demain?… Je pense que oui. Enfin, attendons. Rien ne me presse… Et ici, du moins, je suis à l’abri de la tentation d’aller rôder du côté de la maison de Perrette.

On remarquera qu’il n’avait aucune inquiétude au sujet de Bertille. Sa confiance en Pardaillan se manifestait là. Puisque le chevalier s’était chargé de la jeune fille, elle devait être en sûreté. Cela ne faisait aucun doute.

En fouillant à droite et à gauche dans le caveau, il aperçut dans un coin un objet brillant. Il le ramassa et murmura:

– Qu’est-ce que cela?…

Cela, c’était l’étui que Colline Colle avait pris dans la cassette de Bertille, que Carcagne avait soustrait à la matrone et qu’il avait perdu ou jeté.

Jehan l’ouvrit et prit l’unique papier qu’il contenait. Carcagne, ni Colline Colle n’avaient pu le lire, parce qu’il était écrit en une langue étrangère. C’était de l’italien. Nous savons que le fils de Pardaillan comprenait cette langue. Il se mit à lire.

C’était une quatrième copie du document que le frère Parfait Goulard avait extorqué à Colline Colle.

Jehan le lut jusqu’au bout. Quand il eut fini, il fut pris d’un accès de colère. Il froissa le papier, en fit une boulette qu’il jeta au hasard. Quant à l’étui, il le jeta aussi, à toute volée, sur les marches de pierre, en grondant:

– Je serai donc poursuivi partout par ce maudit trésor?… C’est à croire qu’une puissance infernale a décrété que je le volerai, ce trésor!… Par l’enfer! plutôt que… Tiens! tiens!… Qu’est-ce que cela?

Voici ce qui motivait cette question: l’étui ne contenait qu’un papier. Jehan en était bien sûr. Ce papier, il l’avait extrait, en avait fait une boule qu’il venait de jeter. À telles enseignes qu’il la voyait encore là, au pied de l’escalier. Or, l’étui qu’il avait projeté sur les marches s’était brisé. Et de cet étui – vide – un autre papier s’était échappé et s’étalait sur une marche, à côté de lui.

La surprise et la curiosité firent tomber sa soudaine colère. Son premier mouvement fut de mettre le pied sur la première marche pour monter chercher le papier. Il s’arrêta hésitant. Il secoua les épaules et bougonna:

– Pourquoi ne verrais-je pas ce que c’est?… Quel mal ferais-je?… On croirait, ma parole, que je crains de succomber à la tentation!… Est-ce ce chiffre de dix millions qui m’éblouit?… Cornes de Dieu! ni pour un sol ni pour cent millions, je ne me ferai voleur!

Il franchit résolument les marches et ramassa l’étui. Il s’aperçut alors que ce n’était pas un, mais deux papiers qui étaient sortis de l’étui. Il examina celui-ci d’abord. Il sourit.

– Il y a un double fond… il s’est ouvert sous la violence du choc. Satisfait, il déplia un des deux papiers au hasard. C’était une cinquième copie du document. En français, celle-là. Il déplia l’autre papier.

Il ne portait pas une indication, pas un mot. Seulement il était bizarrement découpé à jour. Intrigué, il tourna et retourna le papier dans tous les sens en murmurant:

– Que diable est-ce là?…

Impatienté il allait jeter ces deux papiers comme il avait jeté le premier. En les approchant l’un de l’autre, en un geste accidentel, il s’aperçut qu’ils étaient exactement du même format. Il vérifia et machinalement il les appliqua l’un sur l’autre. Et il s’écria joyeusement:

– Pardieu! j’y suis!… Comment n’ai-je pas pensé à cela?

Ce deuxième papier – on l’a compris – c’était une grille. En les appliquant l’un sur l’autre, des phrases ressortaient de distance en distance et bouleversaient le sens primitif.

Pour la clarté de ce qui suit, nous sommes obligé de redonner intégralement le texte du document que le père Joseph avait traduit du latin, Saêtta de l’italien, Pardaillan de l’espagnol, et enfin, à l’instant même, Jehan de l’italien encore, et finalement celui qu’il tenait en main, en français.

CAPELLA DE SANTO MARTYRIO

(Située à l’est et au-dessous du gibet des Dames)

Creuser au bas de la clôture, du côté de Paris. On découvrira une voûte sous laquelle il existe un escalier de 37 marches, aboutissant à une cave dans laquelle se dresse un autel [5]. Sur la pierre de cet autel sont gravés 12 traits figurant 12 marches. Creuser sous la douzième de ces marches, surmontée d’une croix grecque. On mettra à jour un gros bouton de fer. Frapper fortement sur ce bouton Une ouverture démasquera une fosse. Creuser dans cette fosse jusqu’à ce qu’on trouve une dalle. Sous la dalle il y a un cercueil. Le trésor est dans le cercueil.»

En appliquant la grille sur ce papier, voici ce que lisait Jehan le Brave:

«… Au-dessous du gibet des Dames, il existe un escalier de douze marches. Creuser sous la douzième de ces marches jusqu’à ce qu’on trouve une dalle. Sous la dalle, il y a un cercueil. Le trésor est dans le cercueil.»

Après avoir achevé cette lecture, le jeune homme demeura un long moment rêveur devant la dernière marche de l’escalier. Et il songeait:

– Ainsi les millions seraient enfouis sous cette marche?… Si je regardais?… Bah! après tout, que m’importe!…

Il se mit à rire doucement, en disant:

– Et les autres: le roi, la reine, Concini et d’autres que je ne connais pas, qui s’acharnent à fouiller sous la chapelle!… Ils seront rudement déconfits quand ils s’apercevront qu’ils ont perdu leur temps et leur argent à chercher un trésor qui n’existe pas là où ils le cherchent. Cordieu! je voudrais bien voir leur tête.

Machinalement, sans idée arrêtée, il plia les deux papiers, ramassa celui qu’il avait jeté et les serra dans son pourpoint en se disant:

– Comment cet étui se trouve-t-il ici?… Qui sait depuis combien de temps il y est?… A-t-il été perdu ou a t-il été placé là intentionnellement?… Qui peut savoir?… Bah! n’y pensons plus.

Il revint dans la grotte, près de ses compagnons et, chose étrange, il ne souffla mot de sa trouvaille. Comme ils avaient faim, ils en conclurent qu’il devait être tard. De fait, la nuit était venue depuis longtemps.

Ils s’occupèrent de préparer leur repas. Sur un coffre faisant l’office de table, ils placèrent la cruche, préalablement remplie de vin puisé à un des deux tonneaux, un jambon, un saucisson et plusieurs chapelets de pain.

Ils avaient des œufs en quantité et quelques volailles. Les trois allumèrent le feu dans un angle et se chargèrent de faire rôtir deux poulettes. Jehan se réserva la confection de l’omelette, quand les volailles seraient suffisamment cuites. Nous savons qu’il réussissait particulièrement bien ce plat.

Bientôt tout fut prêt et Jehan, pourpoint bas, brandissant la poêle au long manche, le teint animé, s’écria avec emphase:

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[5] Les renseignements que nous donnons concernant la crypte des Martyrs ne sont pas inventés à plaisir. Ils sont rigoureusement authentiques. La cave mesurait 11 mètres de long sur 6 de large environ, et 2,50 m de hauteur. Sur l'autel étaient gravés des signes, des croix, deux clés en croix et ces fragments de mots Mar… Clemin… Dio… La crypte fut comblée pendant la Révolution. En ce qui concerne les grottes et souterrains, ou nous faisons évoluer Pardaillan et son fils, nous rappelons que jusque vers la moitié du dix-neuvième siècle, des carriers exploitèrent tout le gypse existant sous les terrains de l'ancienne abbaye et de la chapelle des Martyrs. (Note de M Zévaco.)

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