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Elle avait joint ses mains qu’elle serrait avec force l’une contre l’autre.

– Je ne puis te dire son nom, Laura! Et c’est parce que je l’aime!… Mieux vaudrait que je meure plutôt que de révéler qui il est… Mais écoute… Tu sais ce que je souffre auprès de la maudite Catherine. Tu sais quelle horreur j’ai de moi-même! Tu sais que je me suis vue si infâme que j’ai voulu me tuer… et que sans toi, sans tes soins qui m’ont ranimée, sans tes maternelles caresses qui m’ont consolée, je serais morte!… Eh bien, aujourd’hui plus que jamais, il faut que je cesse d’être, comme tant de malheureuses, un instrument aux mains de cette femme impitoyable. Quel instrument! Instrument de basses délations, de viles intrigues, instrument de mort souvent! Mon corps livré aux baisers de ceux qu’elle me désigne! Les secrets de mes amants surpris sur l’oreiller! L’infâme comédie de l’amour jouée quand il plaît à la reine! Oh! cela est affreux, vois-tu! Cela m’épouvante, cette pensée que mes baisers sont mortels et que l’homme dont je capte l’amour doit être livré par moi!… Et maintenant, maintenant que j’aime, conçois-tu ma terreur mon horreur! Conçois-tu qu’il faut que j’échappe à tant de honte, à l’effroyable despotisme qui fait de moi une créature sans nom!…

Elle éclata en sanglots…

– Allons, allons! fit la vieille Laura, tout cela passera; vous êtes fatiguée, énervée; ce qu’il vous faut, c’est un peu de repos, et ces idées noires s’en iront…

– Ah! oui, fatiguée! dit Alice en essuyant ses yeux; fatiguée au-delà de ce que tu peux imaginer… Et, ajouta-t-elle d’une voix plus sombre, si certaines choses que j’espère n’arrivent pas, il n’y aura plus qu’un repos possible pour moi… la mort!

– La mort à votre âge! Allons, chassez-moi vite ces pensées funèbres, ou je croirai que vous voulez imiter votre beau marquis de Pani-Garola qui est devenu le moine Panigarola, ce qui est une manière de mourir!

À ces paroles prononcées d’une voix mordante et railleuse, Alice frissonna.

– Le moine! murmura-t-elle en passant une main sur son front.

– Rassurez-vous, madame, je me charge de vous faire entendre par lui en confession.

– Et quand? fit vivement la jeune fille.

– Tenez… nous sommes aujourd’hui mardi. Eh bien, pas plus tard que samedi soir; maintenant, laissez-moi vous poser une question: quel jour comptez-vous aller au Louvre?

Alice frémit longuement.

– Vous savez que vous êtes attendue, insista la vieille.

– Tu m’as dit que je pourrais parler au moine samedi soir?

– Je vous le promets.

– Eh bien, j’irai au Louvre samedi matin. Laisse-moi maintenant. J’ai bien besoin de repos, ma pauvre Laura, et ces quelques jours ne seront pas de trop pour me remettre…

Alice de Lux parut alors s’enfoncer dans une profonde rêverie que respecta la vieille Laura.

Le soir de ce jour, comme les lumières étaient éteintes et que tout semblait dormir dans la maison, vers dix heures, au moment où le silence et la solitude étaient profonds dans ces étroites ruelles, la porte verte s’ouvrit sans bruit, et une femme sortit dans la rue de la Hache.

Elle se dirigea d’un pas étouffé et rapide vers la tour de l’hôtel de la reine.

Cette tour était percée d’étroites lucarnes qui éclairaient l’escalier intérieur, et la première de ces lucarnes, grillée de barreaux solides, se trouvait presque à hauteur d’homme.

La femme que nous venons de signaler s’arrêta devant cette lucarne et, se haussant sur la pointe des pieds, allongeant le bras, laissa tomber un billet dans l’intérieur de la tour construite pour l’astrologue Ruggieri.

Alors, elle revint en toute hâte, se glissant comme un fantôme.

Sans bruit, elle rentra dans la maison à la porte verte, où Alice de Lux dormait, écrasée de fatigue.

Cette femme, c’était la vieille Laura!…

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