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– Que se passe-t-il, demanda Gillot qui montait à son tour.

– Ce qui se passe! hurla Gilles. Nous sommes enfermés!… Un voleur, un truand, un démon s’est introduit dans l’hôtel et nous a murés ici!… Nous allons y mourir comme l’autre!…

Gillot demeura hébété, secoué d’un tremblement convulsif… À ce moment, un strident éclat de rire retentit derrière la porte fermée.

– Gillot! cria une voix railleuse, je les aurai, tes deux oreilles!

Et les cheveux de Gillot se hérissèrent sur sa tête! Car cette voix, il la reconnaissait! Cette voix, c’était la voix du mort! C’était la voix de Pardaillan!…

L’oncle et le neveu roulèrent jusqu’au bas de l’escalier, en proie à une terreur insensée, et tombèrent l’un sur l’autre, évanouis…

C’était bien le vieux Pardaillan qui venait de pousser cet éclat de rire et de jeter à l’infortuné Gillot cette menace. Nous l’avons laissé au moment où n’ayant plus qu’un jambon pour toute provision, il entrevoyait avec horreur le supplice de la famine comme le terme fatal de sa carrière d’aventures. Lorsque ce dernier jambon fut épuisé, lorsqu’après avoir une centième fois fouillé la cave dans tous les sens, Pardaillan se fut bien convaincu qu’il ne lui restait plus qu’à mourir, il prit une résolution:

«Il se soutiendrait avec du vin tant qu’il pourrait. Et au moment où les souffrances de la faim deviendraient pressantes, où ce vague espoir d’être sauvé qui était enraciné dans son esprit s’évanouirait, eh bien! il échapperait à la torture par le suicide: d’un coup de sa bonne épée, il en finirait.»

Pardaillan attendit donc avec cette sérénité que donnent les résolutions définitives. Couché près de son tas de bouteilles, il y avait sans doute plusieurs heures qu’il n’avait mangé et se demandait s’il ne valait pas mieux se tuer tout de suite. Tout à coup, il lui sembla entendre un bruit derrière la porte. Il se releva d’un bond, se rapprocha, haletant, de l’escalier, et écouta…

Et ce qu’il entendit lui causa une joie telle qu’il eut de la peine à retenir un cri. Ce qu’il entendait, c’était la conversation de Gilles et de Gillot qui se communiquaient leurs impressions.

Pardaillan tira sa dague et se plaça au bas des barricades qu’il avait échafaudées. La démolition dura assez longtemps, comme on l’a vu et à force d’écouter les deux démolisseurs, le vieux routier changea d’idée. Il se dissimula dans un coin au pied de l’escalier, Gilles et Gillot passèrent à deux pas de lui.

Il attendit qu’ils se fussent enfoncés dans le lointain de la cave. Alors il n’eut qu’à remonter et tranquillement, il ferma la porte. Son premier mouvement fut alors de détaler et de mettre la plus grande distance possible entre lui et cette cave qui avait failli devenir son tombeau. Mais bientôt s’étant convaincu que l’hôtel était parfaitement désert, la curiosité le prit de savoir ce que diraient les deux fossoyeurs improvisés qui, en somme, avaient tout ce qu’il faut pour enterrer proprement un mort ou le jeter à l’eau – tout, excepté le cadavre.

Il entendit enfin l’oncle et le neveu s’approcher de la porte, une fois leur perquisition terminée. Et, satisfait de l’adieu qu’il leur jeta sous forme d’un éclat de rire et d’une menace, il s’éloigna.

– C’est égal, dit-il, voilà deux imbéciles qui doivent être bien étonnés!…

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